À l’occasion de la parution, aux éditions P.O.L, de Polyphonie Penthésilée, entretien avec Liliane Giraudon où il est question de poésie, de genre, de politique, de ce que les femmes font à la poésie, de vie et de mort, de discussions téléphoniques entre Marseille et Rome…

Dans son livre La conspiration des enfants, essai pour les périodes asphyxiantes et les peuples qui manquent, Camille Louis nous place tout de suite dans un grand écart entre plusieurs lieux toxiques, entre la Grèce, la France, la Grande-Bretagne et l’Amazonie, entre incendies ravageurs, cendres toxiques, autant de migrations forcées et indispensables que d’enfermements réels et imaginaires. Ce n’est pas seulement un déplacement dans l’espace, mais aussi dans le temps, bien plus large que les quelques dates indiquées au fil du récit.

Oubliez Houellebecq et précipitez-vous sur le nouveau roman de Julia Deck, le remarquable Monument national. C’est sous sa plume que, loin de tout dolorisme réactionnaire, se peint avec malice et grâce notre société contemporaine. Dans son château de l’Ouest parisien, Serge Langlois, acteur de renom, rival d’Alain Delon et véritable monument national, vit avec son actuelle épouse, Ambre, reine d’Instagram en rivalité avec Virginia, la fille de Serge, qui est partie enregistrer son album aux States. Mais c’est sans compter sur la rencontre de cette famille de VIP avec Cendrine, la caissière du Super U du Blanc-Mesnil en cavale ni sur les Gilets jaunes, la pandémie et les Macron qui s’invitent à dîner. Brillante satire sociale, manière de sotie contemporaine, Monument national n’est pas seulement un des romans les plus importants de cette rentrée : il est l’une des réponses les plus fines à ceux qui voudraient articuler littérature et politique. Autant de raisons pour Diacritik de partir à la rencontre de la romancière le temps d’un grand entretien.

À quelle sorcellerie de grande échelle l’époque a-t-elle succombé ? Le nouveau roman de Valentin Retz, publié à l’Infini chez Gallimard, précise une pensée d’une grande lucidité sur l’ampleur du mal à l’œuvre dans un monde livré à l’empire de la Technique. Grand entretien avec un auteur qui livre une expérience déstabilisante au cœur de la modernité.

Au printemps 2021, les Syriens commémoraient les dix ans de la Révolution syrienne, anniversaire marqué par plusieurs parutions en France, dont celle des Lettres à Samira de Yassin al Haj Saleh, et du livre de Justine Augier qui lui est consacré, Par une espèce de miracle. L’exil de Yassin al Haj Saleh. Celui-ci, après avoir fait seize ans de prison sous Hafez pour appartenance au parti communiste syrien, s’était engagé dans le soulèvement de 2011 et avait rejoint la ville de Douma dans la Ghouta insurgée, de même que son épouse Samira Al Khalil, et leur amie avocate Razan Zeitouneh. Toutes deux furent enlevées le 9 décembre 2013 par un groupe salafiste, alors que Yassin al Haj Saleh était parti à Raqqa, où plusieurs de ses frères furent enlevés par Daech. Elles n’ont jamais réapparu, de même que Nazem Hamadi et Waël Hamadé qui avaient été enlevés avec elles. Alors que s’achève cette année commémorative des dix ans de cette « révolution impossible » (Yassin al Haj Saleh), nous avons désiré revenir sur ces faits et faire entendre la voix de cet intellectuel, une des plus lucides et profondes de la diaspora syrienne disséminée aujourd’hui dans le monde.

Emmanuel Lascoux est allé à la rencontre de la Muse homérique afin de nous offrir une nouvelle prodigieuse traduction de L’Odyssée. Il a choisi de restituer le souffle d’une oralité vive et expressive, sonore et multi-vocale. Diacritk s’est entretenu avec lui afin de découvrir les secrets d’une langue qui trouve son phrasé entre la parole et la musique.

Splendide : tel est le mot qui vient à l’esprit après avoir lu le nouveau livre de Stéphane Bouquet, Sappho en collaboration plastique avec Rosaire Appel dans la jeune collection « Supersoniques » des éditions de la Philharmonie de Paris. Déjà évoquée dans Un peuple, Sappho devient ici le lieu d’un nom poétique qui permet à Bouquet de s’interroger sur ce que constitue le poème, la parole poétique au regard de ce qui a été perdu ou retrouvé des Grecs, de l’intime lien d’alors avec la cité qui suscitait le poème et combien toute politique est une érotique dont le désir est porté par l’aveu du poème lui-même. Après Le Fait de vivre paru ce printemps, l’un de ses plus beaux recueils, Stéphane Bouquet offre avec Sappho une théorie sensible du monde et du vers qui suscite un certain nombre de questions que Diacritik ne pouvait manquer d’aller poser au poète le temps d’un grand entretien.

Aujourd’hui sort la vidéo du nouveau single de Perez, le magnétique et hypnotique « Vanille », son titre le plus musicalement audacieux à ce jour et, dans le même temps, le plus imparable mélodiquement. Sur les images de la remarquable vidéo signée Florian Jomain et Sébastien Martinez Barat, Perez à la voix déconstruite et reconstruite à l’autotune invoque la déesse Vanille, implore sa douceur devant un monde dont la méchanceté est devenue la valeur reine. Premier extrait de l’EP Sados à paraître en janvier, « Vanille » ne pouvait manquer de retenir l’attention de Diacritik qui est allé poser quelques questions à Perez, plasticien de la pop française, brillante étoile de sa génération.

À l’heure où le pronom neutre « iel » entre avec fracas dans Le Robert, c’est à une réflexion importante, neuve et profondément originale qu’invite dans Lila Braunschweig dans son essai, Neutriser : emancipation(s) par le neutre qui vient de paraître dans la remarquable collection « Trans » aux Liens qui libèrent. Fondant son propos depuis Blanchot et Barthes, Braunschweig offre, par le neutre, un verbe nouveau qui, à son tour, pourrait entrer dans les dictionnaires : neutriser, verbe qui cherche à suspendre toutes les assignations identitaires, défaire la tyrannie sociale de la binarité et proposer le neutre comme voie émancipatrice. Le neutre n’y est pas une théorie molle : il est une proposition d’action pour métamorphoser le réel, lutter contre ce qui identifie sans retour. Au moment où Brigitte Macron ou Jean-Michel Blanquer attaquent « iel », Diacritik ne pouvait manquer de donner la parole le temps d’un grand entretien à Lila Braunschweig sur ce neutre qui peut tout changer.

Récit politique, enquête, affolement de la narration et de sa possibilité, Des îles, de Marie Cosnay, est également un témoignage fondamental : témoignage pluriel de celles et ceux qui, du fait d’être immigré.e.s, exilé.e.s, « clandestin.e.s », du fait de chercher une vie ailleurs que là où les traités internationaux et les politiques racistes leur assignent une place, subissent un traitement indigne, inhumain ; témoignage de celle qui, écrivant, écoutant, regardant, est emportée dans un mouvement général qui la dépasse : mouvement de mort, mouvement de vie. Rencontre et entretien entre Mathieu Potte-Bonneville et Marie Cosnay.

Indéniablement, Antoine Wauters signe avec Mahmoud ou la montée des eaux un des très grands romans de cette rentrée littéraire, couronné aujourd’hui par le prix le plus pointu de la saison d’automne, le prix Wepler. Véritable splendeur de langue, bouleversante épopée d’un homme pris dans plus d’un demi-siècle d’histoire de la Syrie, chant nu sur la nature qui tremble devant l’humanité et sa rage de destruction : tels sont les mots qui viennent pour tâcher de retranscrire la force vive d’un récit qui emporte tout sur son passage. Rarement l’histoire au présent aura été convoquée avec une telle puissance et une grâce qui ne s’éprouve que dans un déchirement constant. Diacritik republie l’entretien qu’Antoine Wauters avait accordé à Johan Faerber.

« Ô joli chardonneret aux ailes jaunes
Aux joues rouges aux yeux noirs » Mohamed El Badji

Dans sa préface au récit de Seham Boutata, La mélancolie du maknine, la chanteuse Souad Massi retrace l’histoire de cet oiseau en lien étroit avec l’histoire de l’Algérie et souligne que Seham Boutata introduit « la saga millénaire de cet oiseau du ciel ». Elle « nous fait vivre l’envol de tout un peuple, amoureux des oiseaux, qui a décidé de fracasser pour de bon toutes les cages qui enserraient sa liberté, et qui crie aujourd’hui haut et fort, avec le Hirak, la liberté d’être enfin libre ».