Nous voici déjà à la 8e édition du riche Festival de Littérature au Centre qui, cette année, se déroulera à Clermont-Ferrand, du lundi 27 mars au dimanche 2 avril, toujours en partenariat avec Diacritik. Et comme chaque année, un thème est exploré, ou plutôt une discipline qui s’adosse à la littérature : cette fois, le festival se place sous le signe de la science et des sciences. Sylviane Coyault et Myriam Lépron, maîtresses d’œuvre du Festival, répondent aux questions sur le programme même de cette édition le temps d’un entretien.

Avec Porte du Soleil, Christophe Manon publie sans nul doute un de ses plus beaux textes, touchant à une bouleversante et rare grâce. Troisième volet d’Extrêmes et lumineux, ce nouveau roman voit Manon partir en Italie en quête de ses origines familiales dans un monde traversé de la peinture et de la poésie de la Renaissance. Odyssée du vivant qui revient de la mort, Porte du Soleil offre une réflexion incarnée sur la place que les vivants occupent pour les morts. Il faut lire Porte du Soleil comme l’un des jalons essentiels de notre contemporain. Autant de pistes de réflexion que Diacritik a cherché à explorer avec l’écrivain le temps d’un grand entretien.

Singulière et fascinante cité dolente : tels sont les deux termes qui viennent à l’esprit après avoir refermé le nouveau livre de Laure Gauthier qui paraît dans la collection poche des toujours parfaites éditions LansKine. Récit poétique ou poème narratif, la cité dolente explore l’histoire d’un vieil homme qui décide de prendre une retraite définitive dans un hospice où il va faire l’expérience de ce qu’est un EHPAD. Texte poétique qu’accompagne l’enfer de Dante, texte politique qu’accompagne l’engagement de Pasolini, la cité dolente témoigne d’une réflexion sur la vieillesse dans nos sociétés. Autant de questions à poser à Laure Gauthier le temps d’un grand entretien à la veille de sa lecture à la Maison de la Poésie de Paris.

Ryrkaïpii s’impose comme l’un des textes les plus puissants et parmi les plus singuliers signés de Philippe Beck. À partir d’un article de journal qui, en 2019, signalait que Ryrkaïppi, petit village russe, se voyait curieusement approcher par des ours blancs, le poète a composé une vaste et enthousiasmante « hilarotragédie » où l’ours côtoie l’homme devenu « poussière phonétique ». En autant de chants qui interroge un livre remuant et toujours inattendu, Beck livre ici sans doute l’une des réflexions écopoétiques les plus profondes sur le rapport que les hommes entretiennent, par leur culture, à l’animalité. Autant de questions vives que Diacritik a posé au poète le temps d’un grand entretien.

Avec Programme de désordre absolu : décoloniser le musée, Françoise Vergès signe un des essais majeurs de ce début d’année. À rebours de l’idée néo-libérale selon laquelle la décolonisation du musée occidental serait impossible, Vergès propose, dans le sillage de Frantz Fanon, une puissante réflexion qui repasse par l’histoire du musée, qui n’a jamais été un espace neutre. Participant à l’élaboration d’un pseudo-universel, le musée occidental est un outil de domination qui, désormais, doit être déconstruit dans un monde post-raciste et post-capitaliste. A l’heure où Emmanuel Macron annonce une loi accélérant la restitution des œuvres volées aux peuples africains, Diacritik est allé interroger le temps d’un grand entretien Françoise Vergès sur ce programme de décolonisation des musées occidentaux.

Le festival « Effractions » de la BPI du Centre Pompidou souffle déjà sa 4e bougie avec, pour cette nouvelle édition en partenariat avec Diacritik, une passionnante programmation. Dès le mercredi 8 mars et jusqu’au 12 mars, plus de 40 autrices et auteurs se succèderont au cours de cet événement gratuit qui, en à peine quelques années, est devenu l’un des rendez-vous incontournables de la vie littéraire au cœur de l’hiver.

Si vous n’avez pas lu Alexander Kluge, précipitez-vous toute affaire cessante sur les deux tomes de Chronique des sentiments parus chez P.O.L. Ces deux passionnants volumes constituent l’une des œuvres maîtresses de notre contemporain, à l’égal d’un Sebald ou d’un Bernhard. Écrivain singulier, cinéaste hors norme et acteur flamboyant, Alexander Kluge incarne à lui seul le cœur poétique d’une réflexion permanente sur l’histoire, qu’elle soit collective et privée qui a traversé les siècles et les hommes.

N’y allons pas par quatre chemins : Le Livre dont Jean Baudrillard est le héros d’Emmanuelle Fantin et Camille Zéhenne est l’un des plus formidables essais lus depuis longtemps. Passionnant, précis, emporté, romanesque et si inventif : les deux universitaires ont choisi ainsi de délaisser toute forme académique pour s’aventurer dans la pensée de Baudrillard en lui rendant sa plastique théorique par une plastique narrative, celle des fameux « Livres dont vous êtes le héros » qui ont peuplé notre enfance.

Publié par les épatantes éditions MF emmenées par Bastien Gallet, le défi formel n’y est en rien une coquetterie tant l’homme y voit sa pensée peinte et rejouée avec une rare finesse. Un coup de dés n’abolira jamais Baudrillard. Autant de pistes de réflexion que Diacritik ne pouvait que saluer le temps d’un grand entretien avec les deux autrices.

Indéniablement, Antoine Wauters a signé avec Mahmoud ou la montée des eaux un très grand roman, qui sort en poche chez Folio. Véritable splendeur de langue, bouleversante épopée d’un homme pris dans plus d’un demi-siècle d’histoire de la Syrie, chant nu sur la nature qui tremble devant l’humanité et sa rage de destruction : tels sont les mots qui viennent pour tâcher de retranscrire la force vive d’un récit qui emporte tout sur son passage. Rarement l’histoire au présent aura été convoquée avec une telle puissance et une grâce qui ne s’éprouve que dans un déchirement constant. A l’occasion de cette sortie en poche, retour sur le grand entretien que l’écrivain avait accordé à Diacritik lors de la publication en grand format de son roman.

Une rare splendeur : tels sont les mots qui viennent à l’esprit après avoir achevé la lecture du troublant premier roman de Sara Mychkine, De minuit à minuit qui vient de paraître au Bruit du Monde. La jeune romancière y raconte l’histoire tragique d’une femme perdue sur la colline du crack à Paris, qui écrit à sa fille et qui, dans sa lettre infinie, lui lance un appel désespéré.

Indéniablement, avec Au NON des femmes qui vient de paraître au Seuil, Jennifer Tamas publie-t-elle un essai aussi important que stimulant que chacun se devrait de lire. Car, portée par la rupture que constitue MeToo dans nos vies, la professeure de littérature d’Ancien Régime aux Etats-Unis interroge avec vigueur et acuité les classiques du classicisme pour les libérer du regard masculin – et pire que du regard : des discours, des lectures. Ainsi il s’agit ici de retracer l’histoire des refus et le chemin d’invisibilisation des autrices, des héroïnes afin d’offrir aux lectrices et aux lecteurs les lignes historiques, neuves, d’un matrimoine restauré. De la galanterie, assimilée à tort à une culture du viol jusqu’aux figures mythologiques mises en scène par Racine questionnant le consentement, Tamas ouvre de nouvelles perspectives de recherche. Autant de pistes que Diacritik ne pouvait manquer d’évoquer avec l’essayiste le temps d’un grand entretien.

Décidément, la collection « Le Mot est faible » chez Anamosa s’impose comme l’indispensable boîte à outils pour penser le temps présent, une nécessité critique qui ne peut que s’imposer à la lecture de chacun des titres parus. Après Universalisme de Mame-Fatou Niang et Julien Suaudeau publié l’an passé paraît ces jours-ci un autre essai magistral et tout aussi important : Décolonial de Stéphane Dufoix. Le professeur de sociologie s’interroge ici sur l’usage des mots « décolonial » et « décolonialisme » dans le débat public, la manière dont ils se monétisent et se démonétisent pour rejoindre des lignes de fracture politique et intellectuelle majeures de notre contemporain. Dans cet essai d’un engagement académique, questionnant l’ethnocentrisme, s’affirme le désir d’un nouveau dialogue critique, résolument décentré. Autant de pistes de réflexions que Diacritik esquisse avec son auteur le temps d’un grand entretien.

Indubitablement, Une histoire du vertige de Camille de Toledo, qui paraît chez Verdier, s’offre comme l’une des plus remarquables et stimulantes réflexions de ces dernières années. Livre adressé, narration des narrations, Une histoire du vertige revient, à la lumière de la littérature, sur nos temps présents pour comprendre ce vertige, ce sentiment d’effondrement par lequel l’homme détruit ses appuis terrestres. Essai écopoétique, Une histoire du vertige dresse le sombre tableau des fictions qui ont confisqué le monde et ont fini par le détruire. Peut-être s’agit-il ici d’un essai de critique épique, premier du genre et ouvroir potentiel à un renouveau critique. Autant de perspectives ouvertes par un grand entretien avec Camille de Toledo autour de ce livre clef.

Autant le dire sans attendre : Chiffre d’Olivier Martin, qui vient de paraître chez Anamosa, est un essai tout aussi stimulant qu’important sur la place des chiffres dans nos sociétés. Stimulant en ce que le sociologue et statisticien poursuit ici sa réflexion sur la puissance des chiffres, leur histoire et le rapport de force social qu’ils peuvent installer sous couvert de neutralité. Important en ce que l’essai offre, au-delà de la vérité irréfutable que les chiffres souhaiteraient imposer, une ouverture politique où les chiffres se voient ressaisis dans leur capacité critique. Autant de questions politiques et sociales qu’à l’heure des violentes politiques néolibérables comptables, Diacritik ne pouvait manquer d’aller déchiffrer en compagnie du sociologue.