Cette année, Catherine tapisse La Croisette. Depuis Les Parapluies de Cherbourg, Cannes invite Deneuve en fanfare, avec les honneurs.
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Le cinéma dans tous ses états, des critiques, des coups de cœur, des coups de gueule. Sans doute du foot, voire du rugby (on aime croiser les disciplines, chez Diacritik). Popcorn ou bâtonnets glacés à volonté pour accompagner la lecture des articles.
Devant me rendre à Paris, ce premier dimanche d’avril, j’ai raté la brocante de printemps de ma petite ville de banlieue, me disant ce n’est pas bien grave étant donné que j’en reviens le plus souvent bredouille. Si je note cette infidélité, c’est pour mettre cette chronique sous le signe de ces étalages qui nous font passer en quelques secondes d’un objet à l’autre, tissant ainsi quelques liens inattendus – de belles tensions – sans hiérarchie apparente.
« L’intérieur du corps n’est pas beau. Nous n’avons pas une vision esthétique totale dans la mesure où nous n’assumons pas l’intérieur de nos corps et la compréhension des organes et de leur fonctionnement. C’est donc de l’humour noir, mais c’est aussi très sérieux : pourquoi ne pas faire un concours de beauté pour le plus beau rein, l’estomac le plus joliment formé, le foie le plus exquis ? » (David Cronenberg, entretiens avec Serge Gründberg, Éditions des Cahiers du Cinéma)
Le 21 avril, Dead Ringers, remake au féminin du film de David Cronenberg, arrive en série sur Prime Vidéo. Au tour de Rachel Weisz, nommée Eliott et Beverly Mantle, comme hier Jeremy Irons, de se dédoubler en jumelles gynécologues. Deux Rachel pour le prix d’une qui, Dieu ou Frankenstein, tord(ent) sans vergogne les règles de l’éthique médicale, en « créant la vie à partir de rien… », promet le pitch.
La silhouette frêle à la chevelure rousse ardente de Nan Goldin déambule nerveusement dans le hall du Guggenheim de New York. À son bras, une militante de son collectif, PAIN (Prescription Addiction Intervention Now), la rassure et lui donne le tempo. Une pluie de prescriptions d’OxyContin se déverse soudain depuis les étages circulaires ; des banderoles rouge sang se déploient et les cris de protestations, contagieux, résonnent dans la spirale monumentale du musée. Nan Goldin lève les yeux en scandant le slogan que les militants reprennent à l’unisson. Au cœur de ce cyclone de papiers et de lutte, fascinant, se niche l’émotion instantanée, presque photographique, d’une action déjà réussie : la performance politique fait comme effraction dans un temple autoproclamé de l’art, et soutient le combat de l’artiste et des gens qui se sont agglomérés autour d’elle depuis cinq ans au sein de son association.
On parle presque toujours des œuvres que l’on voit, que l’on lit, que l’on écoute, dans une sorte de relation unique avec elles, comme si on vivait dans une « mono-réalité », comme s’il n’y avait d’un coup que le livre, le film, la pièce, et soi, comme suspendus dans le vide, sans même le temps qui passe, ou l’espace.
C’est une scène placée à l’exact centre de Babylon, le film de Damien Chazelle sorti il y a quelques semaines et dont tout le monde parle encore à juste titre, tant sa furieuse exposition du cinéma américain des années folles de la vingtaine du vingtième siècle tient de la merveille.
C’est sûrement le mouvement de caméra le plus raté de Steven Spielberg et probablement le plus beau… Le jeune héros s’en va au loin, au milieu des studios comme Chaplin au milieu de la route, la ligne d’horizon est au centre. Alors un mouvement aussi brutal que voyant réaxe la caméra, comme une maladresse de cadreur. La ligne d’horizon n’est plus au centre, et l’on comprend : un réalisateur est né, celui qui incarnera le mieux le cinéma aux yeux du grand public, à travers le monde…
1.
Depuis l’an dernier, cette chronique, dont le titre varie selon les saisons, est publiée le mercredi, jour de sortie des films. Mais c’est probablement l’effet d’un heureux hasard, vu qu’on n’y parle assez peu de cinéma, même si la cinéphilie de l’auteur de ces lignes n’a pas été mise en sommeil.
« Quant à votre histoire de ne pouvoir dormir que dans des draps fins, c’est la niaiserie la mieux conditionnée que j’aie entendue depuis longtemps. Ce qui vous manque, ma petite dame, c’est une ballade autour du Cap Horn, avec un vent de sud-est qui vous coupe les flancs, tout le monde sur le pont, par une mer démontée. Ça dure trois jours et trois nuits. À la sortie, vous feriez comme les autres, vous dormiriez sur un sac et vous diriez « merci » ! ».
Extrait du roman Le fantôme et Mrs Muir – R. A. Dick
Découvrir ou revoir The Ghost and Mrs. Muir/L’Aventure de madame Muir (1947), c’est s’ouvrir ou s’abandonner encore une fois à l’une des histoires de fantôme les plus profondes et poétiques du 7e art.
« Vous Tirailleurs Sénégalais, mes frères noirs à la main
chaude sous la glace et la mort
Qui pourra vous chanter si ce n’est votre frère d’armes,
Votre frère de sang ?
Je ne laisserai pas la parole aux ministres, et pas aux généraux
Je ne laisserai pas – non ! – les louanges de mépris vous enterrer furtivement.
Vous n’êtes pas des pauvres aux poches vides sans honneur
Mais je déchirerai les rires banania sur tous les murs de France » Léopold Sédar Senghor, Paris, avril 1940, Hosties noires, 1945
« Je n’aimerais pas voir un film pour la première fois en vidéo ou à la télévision. On voit d’abord un film en salle. Cinéma et vidéo, c’est effectivement la différence entre un livre qu’on lit et un livre qu’on consulte. Pour moi comme cinéphile, la vidéo bouleverse ma vie. (…) Avoir un film en vidéo m’en donne une connaissance beaucoup plus intime. En tant que cinéphile, je suis un fanatique de la vidéo. » François Truffaut – Les films de ma vie.
« Murnau a su non seulement éviter toute concession à l’anecdote, mais aussi déshumaniser les sujets les plus riches, en apparence, d’émotion humaine. Nosferatu le vampire est construit tout entier autour de thèmes visuels correspondant à des concepts qui ont en nous des répondants physiologiques ou métaphysiques : concept de succion, d’absorption, d’emprise, d’écrasement, etc. » Éric Rohmer
Nosferatu, eine Symphonie des Grauens, Nosferatu le vampire de Friedrich Wilhelm Murnau sort sur les écrans berlinois en 1922, il y a 100 ans. Plus qu’un film muet, un masterpiece du cinéma d’horreur aux multiples rebondissements dans sa réalisation, et qui doit sa survie à une poignée de copies miraculées. Les chef-d’œuvres comme les vampires sont immortels.
Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles (1975) de Chantal Akerman vient d’être élu meilleur film de tous les temps — classement « Les 100 meilleurs films de l’histoire » dévoilé le 1er décembre par la revue britannique de cinéma Sight and Sound. À cette occasion, Benoît Peeters nous fait l’amitié d’un texte, accompagné de cette note introductive : « Cet article est paru pour la première fois il y a quarante ans dans le volume collectif (dirigé par Jacqueline Aubenas) Chantal Akerman, Actes du Colloque de Bruxelles, Ateliers des Arts, Cahier n° 1, 1982. Même si le texte est à bien des égards daté, je n’ai corrigé que des détails ».
Peut-être est-il toujours très difficile de parler d’un film qui parle de soi à nu, qui trouve dans l’image la force même de déborder du cadre et de trouver depuis le cadre lui-même une double chance : celle de conjurer la mort mais surtout celle de retrouver la vie. Et peut-être est-ce là que se tient la force inouïe du dernier film de Christophe Honoré, Le Lycéen qui sort ce mercredi et qui constitue sans nul doute son film le plus abrasif, le plus violent mais aussi, de loin, le plus beau.
La 26e édition du festival Les Écrans Documentaires se tiendra du 16 au 22 novembre prochains à l’espace Jean Vilar d’Arcueil. Depuis 1996, ce festival se consacre à l’exploration des formes les plus diverses du documentaire.