Il y a eu des paroles prudentes des politiques car il y a eu des images, glaçantes. Impossible de mentir, de répéter des éléments de langage, de détourner l’attention. Nos regards sont braqués sur une réalité épouvantable. Nahel, un jeune homme de 17 ans, un enfant, est mort une arme policière sur la tempe pour « refus d’obtempérer ».
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Coups de colère, prises de position et tout sauf des éditos de journaux : ici les tribunes de la rédaction ou de signatures invitées. Parce que la culture est politique, au centre des affaires de la cité. L
« Levez-vous vite, orages désirés, qui devez emporter René dans les espaces d’une autre vie ! » Chateaubriand
Les observateurs aux yeux perçants ont sans doute noté avec perspicacité à quel point depuis quelques mois la question écologique avait changé de substance dans le discours des journalistes, des politiques et des militants, voire dans les paroles des citoyens ordinaires. On parlait de « transition » et désormais on parle de « soulèvement ». On parlait de « réformes » et maintenant on parle de « révolution ». Depuis que la question écologique fait à peu près consensus social, les enjeux semblent en effet s’être transformés radicalement : ce qui est en question dans les medias, dans les conversations, dans les livres, ce sont désormais les manières et les modalités de la « transformation » écologique [mot neutre] et non plus la pertinence ou la nécessité ou non d’engager cette transformation.
Des images de défilés en Corée du Nord, ou directement des portraits de Kim Jong-un, la tête d’Emmanuel Macron en simili-Réalisme Soviétique : quand le Président n’est pas portraituré en monarque, il se voit fréquemment associé à des figures de dictatures socialistes.
On dit beaucoup de mal de Macron à propos du passage en force de la réforme des retraites. On le dit égotiste, arrogant et tout sauf habile. On oublie qu’il est l’homme de la situation, dont la fonction historique aujourd’hui consiste à poursuivre un projet qui le dépasse. Il convient en effet de se déprendre de la petite analyse « psychologique » pour considérer objectivement une politique qui, pour être brutale et parfois tragiquement irrationnelle, n’en a pas moins un sens précis dans l’histoire de nos sociétés.
Seul sur son chemin, chaque pas mesuré, Emmanuel Macron marche dans son nouveau costume de Président au milieu de la cour du Louvre. Un souverain maîtrise le temps : le défilé solitaire va durer quatre longues minutes, il se termine par un dernier petit geste de la main vers la foule avant de gagner la tribune et de prononcer le discours inaugural du premier quinquennat. Les experts commentent le « moment solennel », « la France des Rois », « des Capétiens », « de François Mitterrand ». Dans l’enthousiasme débridé, on concède que c’est bien sûr une mise en scène dont on admire l’efficacité : le décor est planté.
Là où nous en sommes, le C’est ainsi, par où l’ordre capitaliste se fait passer pour l’intérêt général, promet de finir comme la maison Usher : écroulé. Les joints imaginaires ont tous été grattés, la direction générale du corps social apparait pour ce qu’elle est : une furie d’exploitation qui nous tient en joue.
Tester la capacité de résistance d’un peuple à une loi explicitement injuste : tel est le véritable objectif de la réforme des retraites. Car, économiquement, rien ne la justifie, comme l’expliquait dans son dernier rapport le Conseil d’Orientation des retraites.
On vous regarde éructer. On vous regarde suer la panique et la peur.
On vous écoute saturer l’espace médiatique avec le pot-pourri qui vous sert de cerveau. Essayer en vain de conjurer l’apparition qui vous a jetés dans cette détresse.
« Légitime, c’est un très beau mot légitime. » Tels sont les mots d’Edmund, le « bâtard », qui cherche à prendre la place de son frère Edgar, « la place du haut : celle du légitime ». (Shakespeare, Le Roi Lear, traduction d’Olivier Cadiot, P.O.L, 2022). C’est vrai que c’est un beau mot légitime, comment ne pas être séduit par la beauté et la force de ce qui est fondé, juste et équitable. Et c’est peut-être cela qui frappe immédiatement à la lecture de cet article de Robin Lagarrigue publié le 27 janvier 2023 dans la Revue des deux mondes, « Ernaux – Houellebecq : les mêmes passions tristes ? », l’absence de légitimité.
Ni un drame écologique, ni une crise climatique, ni un délitement social : une catastrophe civilisationnelle. Voilà où nous en sommes. Ou peut-être, pour le dire comme Jean-Luc Nancy, une « maladie de l’esprit ». Régime d’aliénation ou d’ensorcellement. Pas seulement intenable mais également insouhaitable.