Stimulant et neuf : tels sont les deux termes qui viennent à l’esprit pour qualifier le dernier essai de William Marx, Des étoiles nouvelles qui paraît aux éditions de Minuit. Originant sa réflexion sur une vive polémique qui, au début du siècle dernier, agita la France au sujet d’un sonnet de Heredia, Marx explore une manière inédite d’appréhender la manière dont la littérature découvre le monde et permet de le percevoir. Oeuvrant à ce qu’il nomme une astrocritique, le professeur au Collège de France enquête sur l’image des étoiles nouvelles et ses accidents en traversant nos bibliothèques. Autant de raisons pour Diacritik de partir à la rencontre de l’essayiste le temps d’un grand entretien.
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L’actualité des publications françaises et étrangères ; fiction et non fiction. Sans exhaustivité, parce qu’elle est impossible et sans contrefaçon (mais pas que par des garçons). Des choix, des passions, de grosses colères aussi. La lecture des têtes de gondole que nous mettrons parfois au carré. Des portraits des acteurs du monde du livre. De longs entretiens parce qu’un livre ou une collection, ce ne sont pas deux ou trois phrases choc. Et parce que l’actu est trop souvent un diktat (et une course contre la montre perdue d’avance), de grands livres publiés dans les mois ou les années, voire les décennies et même siècles qui précèdent, parce que les grands livres n’ont pas de date de péremption.
Voici un essai plein d’allant et d’espoir et qui traverse les histoires littéraires de part en part depuis les grands auteurs latins jusqu’à Marcel Proust.
Paris Fantasme est plus qu’un roman : cartographie intime de la rue Férou, tentative d’épuisement d’une rue parisienne, « autobiographie au pluriel », archives et déploiement d’un imaginaire des lieux et des êtres, le nouveau livre de Lydia Flem échappe à ce genre comme aux autres. À son origine, une question : comment « habiter tout à la fois son corps, sa maison et le monde ? », quel lieu à soi trouver quand on est hantée par le sentiment d’un exil ? Cet espèce d’espaces sera ce livre, qui tient de Balzac, de Woolf comme de Perec, tout en demeurant profondément singulier.
Sous une couverture particulièrement attirante, les éditions Hors d’atteinte offrent, une nouvelle fois, un ouvrage indispensable autour de la grande féministe allemande Clara Zetkin (1857-1933) dans sa collection « Faits et idées ». Disons-le d’emblée : à une époque où un livre se périme en 3 semaines, revenir à des écrits de plus d’un siècle peut apparaître comme ringard, inutile et démodé. Et pourtant… Celles et ceux qui plongeront dans ce livre découvriront, au-delà d’une phraséologie parfois dépassée, plus d’une analyse et plus d’une proposition d’une actualité malheureusement non périmée.
Au sortir de la nuit : en rêve, ou peut-être en songe, une constellation s’est formée. Même si une telle association d’objets plus ou moins lumineux (souvent des livres, mais pas seulement) peut sembler le fruit d’une cogitation personnelle, elle finit par s’imposer, non seulement à soi, mais à tous, comme si elle avait toujours été là, en attente d’un regard – ou d’une écoute. On peut très bien ne jamais la voir.
Érotique et mystique, sensuel et spirituel : c’est à la croisée de ces aspirations et de ses désirs en apparence contradictoires que s’écrit Pussyboy de Patrick Autréaux, son plus beau récit à ce jour et sans nul doute déjà l’un des plus remarquables de cette année 2021.
Carine Chichereau, traductrice de Monstres anglais, quatrième livre de l’écrivain James Scudamore, présente le livre dans un entretien vidéo, réalisé en ligne le 19 février 2021.
Un narrateur fugue vélo sur l’épaule vers l’Allemagne pour rejoindre une jeune femme : dans son nouveau roman, Cavalier noir, Philippe Bordas revigore brillamment l’archétype de la muse.
Vers le Grand Extérieur : Les Seigneurs de l’Instrumentalité de Cordwainer Smith (Rétrofictions III)
C’est certainement l’une des œuvres de science-fiction les plus folles et les plus singulières qui soient ; une œuvre comme il en est peu, d’une étrangeté qui vous saisit avec la puissance magnétique d’un rêve ; une œuvre comme en voudrait en lire davantage, de celles qui ne sont pas de simples productions mais de véritables objets d’art, décrochés au néant qui les renferme ; voilà de quelle matière est composé Les Seigneurs de L’Instrumentalité.
C’est vrai que cette nouvelle année ne commence pas fort. On travaille et on dort mal, on fait les courses, on range les souvenirs de voyage les projets de voyage, on trie les bibliothèques. Le téléphone sonne de moins en moins, les conversations tournent en rond et dès que c’est le week-end, il pleut. On attend on attend on attend et on vieillit.
Comment résister à l’appel pop de ce titre, Foucault en Californie, à ce texte inédit de Simeon Wade, récit d’un road trip sous LSD dans la Vallée de la Mort à l’issue duquel Foucault déclara désormais connaître « la vérité » ? Le « manuscrit gonzo » de Wade mérite pourtant mieux que cette curiosité : il est une archive détonante sur Foucault et sa philosophie, les années 70, le corps, la contre-culture.
Aller sur le terrain, tel est sans doute un des gestes essentiels de Joy Sorman : ce désir de sortir de son espace à soi, ou de sa zone de confort était déjà sensible depuis Gros œuvre ou Comme une bête, puisque le travail de rencontre et de documentation était l’impulsion d’une écriture romanesque, transposant et se nourrissant d’une somme de savoirs.
Les Moutons Électriques rééditent en cet hiver le cycle de Tyranaël, planet opera d’Elisabeth Vonarburg, reine-mère de l’imaginaire francophone. Tyranaël : l’histoire d’une planète, de la manière dont les hommes et les femmes qui la colonisent vont essayer d’y vivre. Sur cette planète il y a déjà des villes, des monuments, des artefacts d’une civilisation disparue. Mais ce n’est pas tout ; y règne aussi un étrange phénomène, la présence d’un vaste champ d’énergie bleue qu’on appelle la « Mer », qui recouvre épisodiquement la moitié des terres et qui annihile tous ceux qui l’approchent. Tyranaël brille par l’ampleur de sa fiction, sa grande maitrise narrative, la puissance d’invention qui s’en dégage ; autant de raisons d’aller à la rencontre d’Elisabeth Vonarburg, créatrice d’une œuvre de premier plan, sans égale dans la science-fiction en langue française.
Nous voudrions beaucoup de calme pour lire, écrire, contempler les photographies… :
Une image, à condition qu’elle nous poursuive, souligne chaque heure qui passe. Certaines, on ne peut s’en détacher. D’autres vous accompagnent de loin. En silence. Accompagner, c’est signifier.
D’abord, si j’observe les photos Berlin 2005, c’est une question de surfaces nettement découpées, aplats homogènes, parcelles géométriques ajustées par contraste, idée de l’équilibre à atteindre.
Parfois deux textes, dans un collectif, valent à eux seuls impératifs de lecture. Ici, indéniablement, ceux d’Annie Ernaux et de Joëlle Zask, qui ouvrent et ferment un recueil centré sur la magie et le miracle toujours renouvelé de la lecture, du plaisir du texte. Et ils sont treize à dire Pourquoi lire, dans une forme de manifeste situant la lecture aujourd’hui, entre intime et théorie.