Et si la particularité des grandes œuvres féministes était leur grande capacité à être oubliées et ignorées – pour finalement ressurgir des années plus tard, intactes, neuves, préservées et toujours aussi détonantes ? Comme si le destin de ces œuvres devait forcément s’accommoder d’une période de purgatoire, nécessaire à leur acceptation sociale – comme s’il leur était impossible d’être reçues par une société en retard sur ce qu’elles avancent. La réédition du livre de Joanna Russ paru en 1975 (L’Autre Moitié de l’homme, The Female Man, Robert Laffont) sous le titre L’Humanité-femme dans une traduction révisée aux éditions Mnémos permet de réparer cette lacune.
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L’actualité des publications françaises et étrangères ; fiction et non fiction. Sans exhaustivité, parce qu’elle est impossible et sans contrefaçon (mais pas que par des garçons). Des choix, des passions, de grosses colères aussi. La lecture des têtes de gondole que nous mettrons parfois au carré. Des portraits des acteurs du monde du livre. De longs entretiens parce qu’un livre ou une collection, ce ne sont pas deux ou trois phrases choc. Et parce que l’actu est trop souvent un diktat (et une course contre la montre perdue d’avance), de grands livres publiés dans les mois ou les années, voire les décennies et même siècles qui précèdent, parce que les grands livres n’ont pas de date de péremption.
Olivier Gloag offre au lecteur curieux d’une autre entrée dans l’univers camusien, un essai tonique et stimulant. L’approche en est multiple, à la fois historique, biographique, politique mais aussi soucieuse de l’analyse des textes. Associate Professor à l’Université de Caroline du Nord à Asheville, il a précédemment publié, en 2020 à Oxford University Press, Albert Camus, a very short introduction. Cet essai est édité par La Fabrique dont on sait le choix fait d’essais engagés, « ancrés politiquement à gauche de la gauche, mais sans céder à aucun esprit de chapelle, sans être inféodés à aucun groupe ni parti », selon la déclaration, en 2004, d’Eric Hazan, fondateur de l’édition.
Est-il « loisible à un être humain de posséder la vérité dans une âme et un corps » ? La bibliothèque de la Pléiade des éditions Gallimard, qui propose un volume sous étui spécial à l’occasion du 150ème anniversaire de la publication d’Une saison en enfer, répond positivement, texte sur table, à cette opération rimbaldienne. Exercice de plongée dans l’onde temporelle ouverte par un classique absolu.
Avec Superfaible : penser au XXIe siècle, Laurent de Sutter signe un important essai sur notre temps. Paru chez Flammarion, sous la bannière « Climats », cet essai est une somme vigoureuse, profonde et neuve sur la manière dont chacun est saisi par la critique.
Passionnant : tel est le terme qui vient spontanément à l’esprit après avoir achevé la lecture des Voyages de l’art de Jacques Rancière qui vient de paraître au Seuil dans la collection « La Librairie du XXIe siècle ». Passionnant, parce que Rancière revient, en rassemblant et en articulant six interventions, sur le régime esthétique de l’art qui l’occupe notamment depuis Le Partage du sensible pour l’éclairer cette fois à la lumière de considérations sur l’architecture et la musique. Passionnant, parce que Rancière revient avec une rare force sur la question de la modernité et des ambiguïtés qui y sont attachées. Passionnant, parce qu’il déploie la question du mouvement de l’art en dehors de lui-même en partant de l’art lui-même pour questionner ses frontières toujours en déplacement. Autant de propositions stimulantes sur lesquelles Diacritik ne pouvait manquer d’interroger le philosophe le temps d’un grand entretien.
Le roman de Caroline Deyns est un livre sur les murs qui se multiplient et emprisonnent. Ce ne sont pas n’importe quels corps qui sont emprisonnés : ce sont les corps des femmes. C’est aussi un livre sur la possibilité de faire passer, d’écrire, dans les interstices des murs, dans les failles, un murmure, une voix qui dit l’emprisonnement, revendique la destruction des murs.
Je ne vais pas aller par quatre chemins. Triste tigre, le récit de Neige Sinno récemment paru chez P.O.L. est superbe. Ça a déjà été dit par des bien plus calés que moi. Je ne vais pas ici ajouter du dithyrambe aux panégyriques… de l’éloge aux éloges… de l’éblouissement à l’éblouissement.
Avec L’Enfant dans le taxi, Sylvain Prudhomme signe indubitablement son plus grand livre. Ce puissant roman revient sur la figure de Malusci, le grand-père, pour tenter de percer le secret de M., cet enfant naturel né dans l’Allemagne de l’Après-Guerre des amours de Malusci avec « l’inconnue du lac de Constance ».
« Montage, mon beau souci », écrivait Godard avant qu’il ne soit Godard. Débutant sur le récit d’un rêve étrange, comme un long travelling, Impossibles adieux donne au montage toute son importance, tant la répétition de motifs récurrents y est prégnante.
Magnétique : tel est le mot qui caractérise le nouveau et formidable recueil poétique de Sandra Moussempès, Fréquence Mulholland qui paraît ces jours-ci aux toujours impeccables éditions MF.
Se présentant comme la répétition frénétique d’un « je » voué à la superficialité, dont l’idéal est l’image pure et l’immatérialité, le premier livre en solo de Pascale Bérubé déploie, au fur et à mesure des textes qui le composent, une écriture haletante, vibratoire, une écriture des tremblements.
Les livres reçus en cette rentrée commencent à former une pile, certes raisonnable – rien à voir avec les montagnes d’ouvrages débordant de partout dont j’ai été témoin dans certains bureaux de la Maison de la Radio (sans jamais envier leurs destinataires, bien au contraire). Du coup, comme l’essentiel de cette pile ne m’arrive pas par hasard, j’ouvre à chaque fois sans trop tarder ces nouveautés, surtout si quelque indice incite à mener l’enquête (en hommage à Emmanuel Hocquard, ces chroniques auraient pu s’intituler Un privé à Diacritik).
Quand on connaît l’œuvre d’Ananda Devi, qu’on a lu Indian Tango, Le Rire des déesses, Pagli, qui vient de sortir en poche, ou Le Sari vert, pour ne citer que ceux-là, on sait que son nouveau roman sera inévitablement l’un de ceux à ne pas manquer, ce que Le jour des caméléons confirme.
Kathryn Scanlan’s book is the story of a life, of the singularity of a life – the story of a world, of a desire that circulates in this world. It is also a unique book in terms of its writing and stylistic choices. Interview with the author.
Benoît Casas écrit des livres de poésie tout en menant un travail éditorial, de traduction et photographique. Après L’ordre du jour (2013), Annonce, avec Luc Bénazet (2015), L’agenda de l’écrit (2017), Benoît Casas fait paraître deux ensembles poétiques : Précisions et Combine, livres du montage et de lecture.