Car même si j’errais pas après pas
par Holzwege déteignant en mille séries…
Le Galaté au Bois
, p. 113

Dans Le Galaté au Bois, Zanzotto mobilise à plusieurs reprises le mot allemand Holzwege, que l’on peut traduire (il a donné son titre à un célèbre recueil d’articles de Heidegger) par « chemins qui ne mènent nulle part ».
J’en trace modestement trois dans ce livre magnifiquement édité par la Barque.

Se retenir de commenter la poésie, jusqu’au jour où l’amitié commande de rompre avec ce pacte non écrit. Dans l’impossibilité de se dérober, le lecteur non praticien sort de sa réserve et, après avoir taillé dans la matière qu’il se propose de faire passer, bricole quelques agencements. Drelin’, drelin’, le leitmotiv du montage revient dans ces chroniques comme le train électrique offert au jeune Sammy Fabelman passe et repasse, jusqu’au crash, sur le circuit ovale de l’atelier paternel [en aparté : il faudra revenir un de ces quatre sur The Fabelmans – film plutôt réussi d’un cinéaste, Steven Spielberg, qui d’ordinaire me laisse indifférent –, ne serait-ce que pour interroger cette curieuse unanimité critique, les plus fins comme les plus crétins des commentateurs en place lui ayant accordé une même pluie d’étoiles à laquelle je veux bien souscrire, même si quelques traces de sentimentalité conventionnelle gâchent un peu la fête.

Après une semaine de pause, vingt-cinquième constellation de l’année, avec cinq (ou neuf) livres (tout dépend comment on compte) dont la pagination n’est pas excessive : lus dans les intervalles du travail, parfois à la maison, parfois dehors (en particulier dans les transports) – le bonheur étant de s’installer dans un dedans du dehors : une véranda par exemple, où Internet serait coupé (comme dans le troisième Conte du hasard de Ryusuke Hamaguchi).

Qu’a-t-on coutume d’appeler « révolution » ? Un renversement général de l’ordre des choses, donnant brusquement naissance à une manière de part en part nouvelle d’organiser la société. En cela, il s’agit de l’événement (politique, historique) par excellence : d’une part quelque chose d’imprévisible, d’inimaginable avant sa réalisation, c’est-à-dire une création.

« My Alejandra Pizarnik », le « portrait approximatif d’Alejandra Pizarnik par Liliane Giraudon » qui sert de postface à ce volume, s’ouvre ainsi : « Alejandra Pizarnik c’est-à-dire Flora Alejandra Pizarnik naît le 29 avril 1936 à Buenos Aires sous le signe du Taureau. Alejandra Pizarnik née dans une famille juive très récemment émigrée de Galicie. ‘Par mon sang juif je suis une exilée. Par mon lieu de naissance je suis à peine argentine (le côté argentin est irréel et diffus). Je n’ai pas de patrie…’ » (p. 323).

À quelques semaines de l’élection présidentielle, Diacritik a sollicité autrices, écrivains et essayistes en leur adressant une seule mais terrible question : « Qu’attendez-vous de cette présidentielle ? ». Devant la confiscation manifeste du débat par la présidence, devant l’effondrement du débat public, peut-être était-il temps de relancer, de manière humble et modeste, une dynamique d’interrogations afin se demander ce qu’il advient, dans une France tenaillée par l’extrême droite, le néolibéralisme et l’épuisement de ce rendez-vous démocratique si sacralisé. Autant d’interventions au cœur desquelles résonne cette sentence de Leslie Kaplan à valeur de programme : « Il faut faire politiquement de la littérature et non de la littérature politique ».

Le livre de Patrice Maniglier, Le Philosophe, la Terre et le Virus. Bruno Latour expliqué par l’actualité, se situe à l’intersection de deux sous-genres : d’une part, la reprise systématique d’une parole qui, quoique théorique, ne rendait pas explicites toutes ses articulations conceptuelles (c’est l’opération platonicienne sur Socrate) ; d’autre part, la confrontation d’une philosophie à un événement d’actualité, comme le firent Derrida et Habermas avec le 11 septembre, Badiou avec l’élection de Sarkozy ou Kant avec la Révolution française.

1.

“Les curieux nous visitent encore de loin en loin. À travers les grilles hérissées de flèches à pointes d’or, ils glissent leurs appareils pour immortaliser la façade jaune et lisse. Du petit salon, nous les observons se recueillir, échanger sourires et larmes devant la dernière demeure d’une gloire nationale, figure du patrimoine français.”

Devant l’aggravation de la situation climatique, devant la marche forcée de la sixième extinction, devant l’impuissance et la dispersion de l’écologie politique se pose la question pressante d’une « écologie littéraire ».  Débrouiller cette question exige un état des lieux : pendant que le monde brûle, que fait la littérature ? Que font les études littéraires ? Que devient l’écopoétique ? Ces questions sont au centre des revues LHT et Acta qui viennent de paraître sur Fabula.