Tout récit est procès, plus encore quand il s’attache à l’Histoire, à la place de la violence et du pouvoir dans l’Histoire : mais que peuvent plus précisément nous dire les procès, en tant que scènes judiciaires, d’un passé récent, le XXe siècle ?

Autrefois —  « Quand tu penses qu’autrefois c’était hier » (Claro) —, les archives de nos vies étaient personnelles (photographies, journaux intimes, transmissions de récits) ou plus collectives, quand artistes et écrivains s’en emparaient. Aujourd’hui, toutes les vies sont surveillées, archivées, quasi en temps réel, via réseaux sociaux, traçages d’algorithmes et espionnage de masse.

Comment rester immobile quand on est en feu, de Claro, invite justement à ne pas être immobile, à plonger dans le mouvement – mouvement impliquant par définition une multiplicité indéfiniment reprise, répétée, absolument ouverte à sa propre transformation. Le mouvement dont il est question ici n’est pas un simple déplacement mais un mobilisme généralisé où tout bouge en soi, se transforme soi-même en autre chose, sans cesse. Il s’agit du mouvement du devenir par lequel ce qui est devient toujours en lui-même autre chose que lui-même, toujours ouvert à un dehors qui le fragmente, le redistribue, l’agence avec autre chose, l’inclut dans des ensembles ou séries également en devenir.

Le roman de Claro, Crash-test, a pour leitmotiv l’accident : « Au commencement était l’Accident ». Mais l’accident n’est pas qu’au commencement, il est partout et tout le temps, il surgit sans cesse dans le livre et dans le monde, il est la matière du livre autant que ce qui peuple le monde de commencements. L’accident, ici, est un principe autant poétique qu’ontologique ou anti-ontologique : pas d’être mais des accidents, répétition de commencements, naissances incessantes.