Qu’a-t-on coutume d’appeler « révolution » ? Un renversement général de l’ordre des choses, donnant brusquement naissance à une manière de part en part nouvelle d’organiser la société. En cela, il s’agit de l’événement (politique, historique) par excellence : d’une part quelque chose d’imprévisible, d’inimaginable avant sa réalisation, c’est-à-dire une création.
Auteur : Pierre Vinclair
À l’occasion de la réédition des Célébrations et de « Péninsule » (textes initialement parus en 1980 et 1989) en un seul volume, sous le titre de Terre ancienne (Monologue, 2022), Pierre Vinclair adresse cette lettre à Yves di Manno.
« My Alejandra Pizarnik », le « portrait approximatif d’Alejandra Pizarnik par Liliane Giraudon » qui sert de postface à ce volume, s’ouvre ainsi : « Alejandra Pizarnik c’est-à-dire Flora Alejandra Pizarnik naît le 29 avril 1936 à Buenos Aires sous le signe du Taureau. Alejandra Pizarnik née dans une famille juive très récemment émigrée de Galicie. ‘Par mon sang juif je suis une exilée. Par mon lieu de naissance je suis à peine argentine (le côté argentin est irréel et diffus). Je n’ai pas de patrie…’ » (p. 323).
À l’occasion de la parution des Grandes soifs de Joël Cornuault, du Charivari de Marc Graciano et de Chiffreurs et Bousingos d’Alexandre Prieux aux éditions Le Cadran Ligné, Pierre Vinclair s’est entretenu pour Diacritik avec Laurent Albarracin, poète et directeur des éditions.
N’étant jamais ni leur préoccupation centrale, ni un point critique dans leurs systèmes, les philosophes depuis Platon et Aristote se sont souvent intéressés à la littérature pour la traiter en petite sœur étourdie.
Préambule
Avant notre commun naufrage
Anticipons d’être déçus :
Battage public des suffrages
N’a jamais que souffrance élu :
L’espoir levé qui s’abat tue
Comme la rime en poésie :
Tu voudrais, toquard, le salut ?
Tu n’obtiendras que Sarkozy.
En 2009, Guillaume Peureux avait retracé dans son impressionnante Fabrique du vers (Seuil, « Poétique ») l’histoire du vers français, histoire passionnante et infiniment plus complexe que le schéma (prosodie classique —> 1870’s, crise de vers —> vers libres) auquel nous a habitués un historicisme d’autant plus efficace qu’il est paresseux.
Le livre de Patrice Maniglier, Le Philosophe, la Terre et le Virus. Bruno Latour expliqué par l’actualité, se situe à l’intersection de deux sous-genres : d’une part, la reprise systématique d’une parole qui, quoique théorique, ne rendait pas explicites toutes ses articulations conceptuelles (c’est l’opération platonicienne sur Socrate) ; d’autre part, la confrontation d’une philosophie à un événement d’actualité, comme le firent Derrida et Habermas avec le 11 septembre, Badiou avec l’élection de Sarkozy ou Kant avec la Révolution française.
Chère Fabienne,
J’ai lu Ce qui reste de nous hier et, voyant que le livre allumait plusieurs voyants dans ma petite table de contrôle mentale, j’ai pensé à écrire une recension (c’est ce que je fais en général quand ça s’allume). Si pourtant je ne le fais pas, c’est non seulement parce que le risque d’un soupçon de connivence et de copinage serait trop élevé, mais aussi et surtout parce qu’il serait parfaitement justifié :
« La langue se souvient de toutes les phrases qu’elle a dites, de tous les mots qui sont venus la rendre vive et la parer. Chaque mot est la surface d’apparition d’un sens qui s’est constitué peu à peu, au cours de siècles et de siècles de formation. » Il en va, d’une certaine manière, de même avec l’œuvre de Jean-Christophe Bailly (dont je viens de citer deux phrases, extraites de Saisir, 2018, p. 121) : chacun de ses essais se souvient de toute une constellation de livres dont il actualise et relance la réflexion proliférante.
À la tête d’une des œuvres les plus intéressantes de ces vingt dernières années, Florence Pazzottu fait paraître J’aime le mot homme et sa distance aux éditions Lanskine. Comme dans ses livres précédents, le travail de la forme y sert une investigation capitale — dans nos rapports aux autres, aux mots, au monde. Cette poésie, follement libre et magnifiquement tenue, qui fait feu de tout bois et à laquelle rien n’est a priori étranger, se donne pour tâche de « répondre au chiffrement du réel ». Comment y parvient-elle ? Entretien avec Florence Pazzottu, mené par Pierre Vinclair entre le 20 juin et le 30 juin 2020.
À l’origine, le genre romanesque reposait sur un principe simple : à un individu (le lecteur) qui s’abîme dans le monde (dont il aime les histoires d’amour et les intrigues), une expérience fictive est proposée.
Laurent Albarracin est l’auteur d’une œuvre obstinée, dont les enjeux philosophiques, majeurs (et conscients) sont en même temps brouillés, ou plutôt, rendus hilares, par un humour virtuose.