Et si Le Tartuffe qui interroge les apparences, l’hypocrisie et la séduction cédait au jeu des apparences au point de se révéler lui-même une flagrante imposture mettant mal à l’aise le public ? Telle est la question insistante sinon extrêmement gênante que ne manque pas de soulever la très problématique mise en scène par Ivo Van Hove du Tartuffe de Molière donné à l’occasion de la célébration en grande pompe des 400 ans de la naissance du dramaturge à la Comédie Française.
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Les grandes représentations, les coulisses, les acteurs, les festivals, les textes de théâtre. Et pas seulement « ce soir ».
Il est des vêtements qui sont plus que des vêtements, ils sont costumes, personnages, seconde peau, talisman souple, ligne, allure ; ils sont ici avec cette robe Dior portée par Marilyn en juillet 1962 lors du shooting photo avec Bert Stern, les habits du mythe, les habits d’une rencontre si émouvante, parachèvement d’une fin possible, épure, dignité d’une femme solaire et gaie le matin, à bout de souffle le soir. Quand j’ai rêvé de cette rencontre poétique et chamanique entre Isabelle Adjani et Marilyn Monroe, j’ai aussitôt vu cette robe tellement peu Marilyn, tellement Norma Jean, tellement peu Norma Jean, tellement Marilyn.
Elle est seule en scène. Mais à elle seule elle est nombreuse.
La Cerisaie de Tchekhov est pour moi la plus belle pièce écrite pour le théâtre, parce qu’elle raconte sur un mode intime et grâcieux l’histoire collective et universelle de la disparition. Mort des arbres, destruction de la beauté, fin d’une époque, primauté du rentable sur l’inutile… Les trains passent et chacun garde au fond de soi sa propre Cerisaie fragile mais éternelle. Une Cerisaie à la Comédie Française pour les fêtes de fin d’année : un vrai cadeau ?
On retient d’abord du nouveau spectacle de Julien Gosselin, Le Passé, son monumental dispositif : la scénographie ultraréaliste reproduisant des intérieurs bourgeois de la Russie du 19e siècle, à la ville et à la campagne, est surplombée d’un immense écran sur lequel se joue tout ce qui échappe aux regards.
Créé en juillet 21 au Festival d’Avignon, Liebestod constitue le premier volet d’un diptyque somptueux éprouvant la splendeur de l’amour à l’aune de la souffrance.
Et si le théâtre était un art mort ? Un art dépassé, écrasé par son brillant passé et que, désormais, il gisait inerte dans notre présent, incapable de le comprendre et de s’en saisir ? C’est, à n’en pas douter, la question violente, essentiellement conflictuelle que Julien Gosselin pose avec une rare force dans son nouveau spectacle Le Passé qui se joue actuellement à L’Odéon jusqu’au 19 décembre.
Ils sont tous morts, ou presque tous. Et pourtant ils sont tous là : la grand-mère, morte le jour de la première du premier film de Christophe, l’oncle Jacquot emporté par un cancer, l’oncle Roger et la tante Claudie, suicidés, le grand père Puig, à qui on ne parle plus depuis longtemps. Et Marie Do, la mère, la seule encore vivante. Ils sont assis, comme nous au théâtre des Célestins, sur les fauteuils rouges d’une salle de cinéma « céleste », convoqués par Christophe pour une drôle de séance. Ils sont venus voir le film de leur vie, lui-même fantôme, écran aléatoire au cœur d’un dispositif théâtral qui interroge les modalités de leur présence.
D’Angelica Liddell on sait déjà beaucoup. On connaît sa vie : sa rupture amoureuse déployée avec incandescence dans la casa della forza (2012) et son rapport à ses parents, exploré dans son récent diptyque : una costilla sobre la mesa et padre (2020). On sait ses combats contre le puritanisme ambiant et pour l’expression libre et brutale des désirs dans you are my destiny (2015) et Scarlett letter (2018). On a beaucoup vu son intimité physique : dans tous ses spectacles elle exhibe son sang, son sexe, sa sueur. Et on aime son imaginaire baroque, sexuel, immoral, rouge et flamboyant. Quand après un an de silence, la sombre atrabilaire revient sur les plateaux, c’est un événement. Elle a présenté son combat avec le taureau dans Liebestod en Avignon cet été. Et juste avant la fête des morts, c’est Terebrante qu’elle crée au CDN d’Orléans.
L’Amour qui se donne à voir ici n’a rien avec voir avec celui qui fait flamber les cœurs de Romeo Et Juliette et qu’une longue tradition a mis au cœur des enjeux dramatiques de nos spectacles. Sur le plateau de Love, crée en 2016 par Alexander Zeldin à Londres, huit personnages hétéroclites se croisent, se gênent, s’observent, se chicanent et se lovent maladroitement dans les chaises en plastique inconfortables d’un centre d’hébergement. Dans un espace trop petit, trop commun, ils tentent de cohabiter, se supporter et, souvent, ils s’aiment : un fils et sa vielle mère s’aiment, les quatre membres d’une famille recomposée s’aiment, deux immigrés issus de pays orientaux se parlent et sourient, une grand-mère et une petite fille se rapprochent…
La pièce commence au futur. Un futur proche de nous mais néanmoins postérieur à la catastrophe. Une éclipse a enlevé à l’humanité une de ses moitiés. Et ce n’est pas un hémisphère qui a disparu ou un peuple qui a été décimé mais au cœur de chaque famille un membre ou deux qui s’est volatilisé pendant les quatre minutes de cette nuit en plein jour. La moitié restante tente donc de rester vivante en espérant l’autre.
À propos de The Normal Heart, une pièce de Larry Kramer, mise en scène par Virginie de Clausade.
Du 22 au 26 juin, Théâtre Ouvert, à Paris, et le Théâtre de Chelles proposent Comme la mer, mon amour, une pièce de théâtre écrite, mise en scène et jouée par Boutaïna El Fekkak et Abdellah Taïa.
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« Je est un autre. […] J’assiste à l’éclosion de ma pensée : je la regarde, je l’écoute : je lance un coup d’archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, ou vient d’un bond sur la scène ». Arthur Rimbaud, Lettre à Paul Demeny du 15 mai 1871
On se réjouit de voir la belle revue Textyles consacrer un plein numéro 60 à l‘œuvre et la pensée de Jean-Marie Piemme devenu sans conteste le chef de file de l’écriture théâtrale en Belgique francophone.