Le spectacle Méduse.s a été créé en avril 2021 lors du Festival Émulation du théâtre de Liège pour lequel le collectif La Ganf reçoit le « Coup de cœur du jury Jeunes » ; il est repris en juin 2021 au théâtre Les Tanneurs pour le festival TB2. En 2022 et 2023 le spectacle est joué à plusieurs reprises en Belgique et au Luxembourg. Méduse.s sera joué au Festival Off d’Avignon, du 6 au 27 juillet à 15h au théâtre des Doms. À l’occasion d’une journée d’études qui se tiendra à la Villa Gillet de Lyon le 12 mai prochain, « Les Héroïnes contrattaquent. Les réécritures théâtrales féministes de contes et de mythes depuis les années 2000 », le collectif La Gang — Sophie Delacollette, Alice Martinache et Héloïse Meire — a répondu à quelques questions.
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Les grandes représentations, les coulisses, les acteurs, les festivals, les textes de théâtre. Et pas seulement « ce soir ».
Les premiers coups, frappés par le personnage principal à la porte d’un homme en deuil, résonnent dans le noir. Alors que Némésis, le roman de Philip Roth débute dans la canicule aveuglante d’un été américain, la transposition de Tiphaine Raffier installe d’abord l’obscurité sur le plateau. Car cet été 44 est celui du deuil.
Le rideau se lève à la Comédie de Reims, la salle se tait et la musique commence. On comprend dès les premiers instants la gravité de ce qui va être dit. Le deuil est rarement joyeux. Malgré tout, Sinzo Aanza manie bien le sarcasme et la cacophonie brûlante des villageois, admirablement rapportée par la mise en scène d’Aristide Tarnagda, et montre la force de la vie, toujours triomphante des plus grands malheurs. Artiste, romancier et dramaturge congolais, Sinzo Aanza dépeint dans son travail les réalités crues de la République Démocratique du Congo. Qu’il s’agisse des ébauches de démocratie ou des conditions de l’exploitation minière depuis la colonisation, dans Plaidoirie pour vendre le Congo, il s’interroge sur la dignité avec cette phrase terrible : « Comment continuer à être un homme dans la mort ? ».
Mélanie Menu, je me souviens très bien, il y a longtemps, je suis au cours Florent en première année, les élèves de dernière année présentent un atelier de fin de cycle, des mises-en-scène sans moyens pour dire au revoir à l’École, bonjour au grand bain de la dure vie réelle des comédiens et comédiennes…
Wajdi Mouawad convoque un grand nombre de « compagnons » – tels Sophocle, Novalis, Goethe, Hölderlin, Kafka, Lautréamont, Beckett, Tchekhov, Ponge, Pessoa, etc. – dont des fragments ont guidé ses pas comme auteur, acteur et metteur en scène.
Anne-Cécile Vandalem raconte des histoires. Avec des personnages, des secrets, des rebondissements, des lieux angoissants. Elle a déjà déployé son univers mi-réaliste mi-fantastique dans Tristesse et Arctique, des fables où affleurent la monstruosité, au croisement du roman policier et du film catastrophe. Le vrai monstre y est souvent l’humain, avec sa folie destructrice et son désir de maîtrise. On y questionne l’urgence climatique et on y fait surgir les pulsions latentes, on y enterre les secrets et on y regarde l’infini.
J’ai découvert le travail du Primesautier Théâtre avec Mais il faut bien vivre, mise en corps agile et éclairante de l’œuvre du sociologue Hoggart, auteur d’une Culture du Pauvre (1970) que le plateau du théâtre mettait en lumière mais aussi en volume, en bouche, en chœur…
On parle presque toujours des œuvres que l’on voit, que l’on lit, que l’on écoute, dans une sorte de relation unique avec elles, comme si on vivait dans une « mono-réalité », comme s’il n’y avait d’un coup que le livre, le film, la pièce, et soi, comme suspendus dans le vide, sans même le temps qui passe, ou l’espace.
On revient toujours à Tchekhov. Même si c’est la première fois pour Galin Stoev en France, monter Tchekhov c’est reprendre une histoire, y ajouter une variation, y apporter une nuance pour explorer toujours un peu plus subtilement les méandres de la vie qui passe. Et Oncle Vania, chant du piétinement et de la résignation, en est l’incandescent canevas. Sans cesse recommencée, la tentative de tisser la vie autour du vide donne lieu à des jeux d’équilibriste sur le fil entre le sens et son absence.
Au départ elles sont quatre. Quatre chaises en bois pliantes, environnées d’un bric à brac de jouets, vides, en attente. Puis, surgies du noir total, elles sont trois : trois femmes qui tricotent, trois parques qui papotent, trois siciliennes qui gromelotent dans un sabir rapide et éloquent bien qu’incompréhensible littéralement.
À Vincennes, rien de nouveau sous le Soleil. Il fait froid et un brasero brûle devant la Cartoucherie, pour réchauffer les corps de ceux qui viennent toujours chercher là de quoi éclairer leur esprit, illuminer leur âme et réconforter leur cœur au contact de cette vieille utopie qui persiste à les accueillir. Comme toujours, on vous explique que les meilleures places ne sont pas attribuées au plus offrant mais que chacun peut choisir à son arrivée de coller sur son billet l’étiquette rouge qui lui assure l’assise, la couverture et le spectacle.
Samuel Beckett a écrit directement en français Fin de partie après En attendant Godot au milieu des années 1950. La pièce a été ensuite créée en avril 1957 à Londres puis reprise le même mois au Studio des Champs-Élysées, à Paris, avec Roger Blin dans le rôle de Hamm. Ensuite, acteurs et lecteurs n’ont cessé de rejouer et réinterpréter un texte qu’on considère aujourd’hui comme un classique, de Alan Schneider à Pierre Chabert, Michel Bouquet ou György Kurtág.
En 2011, assistant à une mise en scène d’Othello par Ostermeier, à Sceaux, Delphine Edy est frappée par la foudre : « Une soirée inoubliable, un véritable choc esthétique. Le théâtre, ce soir-là, a la force de l’évidence. La vérité de cette dramaturgie crée des ponts entre le monde élisabéthain et le nôtre, se conjugue à la force d’un théâtre en prise avec le présent dont il enregistre les tensions et les ruptures et se veut éminemment politique, en invitant le spectateur à être acteur dans l’histoire, à commencer par la sienne propre ». Dès lors elle ne cesse de suivre le travail du metteur en scène et directeur de la Schaubühne de Berlin et en fait le sujet de sa thèse (Le Réalisme et son double au théâtre. Thomas Ostermeier, mise en scène et recréation).
Wajdi Mouawad aime les grandes fresques et ce spectacle de six heures, en trois parties, ne cache pas son ambition monumentale. L’ouverture en forme de dialogue inouï entre l’enfant et le vieillard qu’il sera pose les jalons de cette épopée diffractée. Il s’agit d’explorer les possibles d’une vie, d’abolir le hasard qui fonde une existence, de jeter les dés à plusieurs reprises pour voir ce qui se serait passé si… Si au lieu de prendre un avion, on en avait pris un autre. Voire si on n’en avait pas pris du tout.
Alexander Zeldin, jeune prodige de la scène anglaise, est auteur associé au National Theater de Londres et au théâtre de l’Odéon. Il compose des spectacles réalistes, collectifs et documentés retraçant les trajectoires des oubliés de la société contemporaine.