Les premiers coups, frappés par le personnage principal à la porte d’un homme en deuil, résonnent dans le noir. Alors que Némésis, le roman de Philip Roth débute dans la canicule aveuglante d’un été américain, la transposition de Tiphaine Raffier installe d’abord l’obscurité sur le plateau. Car cet été 44 est celui du deuil.
Auteur : Delphine Urban
Anne-Cécile Vandalem raconte des histoires. Avec des personnages, des secrets, des rebondissements, des lieux angoissants. Elle a déjà déployé son univers mi-réaliste mi-fantastique dans Tristesse et Arctique, des fables où affleurent la monstruosité, au croisement du roman policier et du film catastrophe. Le vrai monstre y est souvent l’humain, avec sa folie destructrice et son désir de maîtrise. On y questionne l’urgence climatique et on y fait surgir les pulsions latentes, on y enterre les secrets et on y regarde l’infini.
J’ai découvert le travail du Primesautier Théâtre avec Mais il faut bien vivre, mise en corps agile et éclairante de l’œuvre du sociologue Hoggart, auteur d’une Culture du Pauvre (1970) que le plateau du théâtre mettait en lumière mais aussi en volume, en bouche, en chœur…
On revient toujours à Tchekhov. Même si c’est la première fois pour Galin Stoev en France, monter Tchekhov c’est reprendre une histoire, y ajouter une variation, y apporter une nuance pour explorer toujours un peu plus subtilement les méandres de la vie qui passe. Et Oncle Vania, chant du piétinement et de la résignation, en est l’incandescent canevas. Sans cesse recommencée, la tentative de tisser la vie autour du vide donne lieu à des jeux d’équilibriste sur le fil entre le sens et son absence.
Au départ elles sont quatre. Quatre chaises en bois pliantes, environnées d’un bric à brac de jouets, vides, en attente. Puis, surgies du noir total, elles sont trois : trois femmes qui tricotent, trois parques qui papotent, trois siciliennes qui gromelotent dans un sabir rapide et éloquent bien qu’incompréhensible littéralement.
À Vincennes, rien de nouveau sous le Soleil. Il fait froid et un brasero brûle devant la Cartoucherie, pour réchauffer les corps de ceux qui viennent toujours chercher là de quoi éclairer leur esprit, illuminer leur âme et réconforter leur cœur au contact de cette vieille utopie qui persiste à les accueillir. Comme toujours, on vous explique que les meilleures places ne sont pas attribuées au plus offrant mais que chacun peut choisir à son arrivée de coller sur son billet l’étiquette rouge qui lui assure l’assise, la couverture et le spectacle.
Wajdi Mouawad aime les grandes fresques et ce spectacle de six heures, en trois parties, ne cache pas son ambition monumentale. L’ouverture en forme de dialogue inouï entre l’enfant et le vieillard qu’il sera pose les jalons de cette épopée diffractée. Il s’agit d’explorer les possibles d’une vie, d’abolir le hasard qui fonde une existence, de jeter les dés à plusieurs reprises pour voir ce qui se serait passé si… Si au lieu de prendre un avion, on en avait pris un autre. Voire si on n’en avait pas pris du tout.
Alexander Zeldin, jeune prodige de la scène anglaise, est auteur associé au National Theater de Londres et au théâtre de l’Odéon. Il compose des spectacles réalistes, collectifs et documentés retraçant les trajectoires des oubliés de la société contemporaine.
Tout est énigmatique dans ce nouveau spectacle de Romeo Castellucci, Bros, dont le thème annoncé, « les violences policières », déclenche a priori diverses attentes et inquiétudes dans l’esprit du spectateur averti. Son titre d’abord, en forme d’aboiement, de demi-mot (un demi brother/un faux frère), de signe de reconnaissance entre mâles fiers de leur camaraderie et dont on se demande s’il évoque l’esprit de corps de la police, s’il réfère à une devise de fraternité, s’il est ironique, rythmique, ludique…
Avant que le spectacle commence, le personnage existe déjà, mais à peine, esquissé au creux d’un roman de Joy Sorman. Dans Comme une bête, l’autrice raconte le parcours initiatique d’un apprenti boucher. Au début de l’apprentissage, mention est faite d’une classe de garçons parmi lesquels on compte une fille, une seule à oser envisager ce métier d’homme : salissant, dangereux, éprouvant, au cœur de la chair des bêtes et du paradoxe de nos désirs. Car « nous aimons les animaux et pourtant, nous les mangeons… ». Amour, nourriture, boucherie et sexisme — et si tout cela n’était qu’une affaire de corps, d’incarnation, de théâtre donc ?
À la Comédie Française, un Roi Lear du pauvre : un petit spectacle ou le spectacle de la petitesse ?
Shakespeare, Cadiot, Ostermeier et Podalydès réunis pour un Roi Lear de Comédie (française) : l’affiche est trop alléchante pour ne pas être irrésistible. Les billets sont pris cet été pour un spectacle à voir à l’automne, spectacle qu’on imagine grandiose et extravagant.
Créé en juillet 21 au Festival d’Avignon, Liebestod constitue le premier volet d’un diptyque somptueux éprouvant la splendeur de l’amour à l’aune de la souffrance.
L’Amour qui se donne à voir ici n’a rien avec voir avec celui qui fait flamber les cœurs de Romeo Et Juliette et qu’une longue tradition a mis au cœur des enjeux dramatiques de nos spectacles. Sur le plateau de Love, crée en 2016 par Alexander Zeldin à Londres, huit personnages hétéroclites se croisent, se gênent, s’observent, se chicanent et se lovent maladroitement dans les chaises en plastique inconfortables d’un centre d’hébergement. Dans un espace trop petit, trop commun, ils tentent de cohabiter, se supporter et, souvent, ils s’aiment : un fils et sa vielle mère s’aiment, les quatre membres d’une famille recomposée s’aiment, deux immigrés issus de pays orientaux se parlent et sourient, une grand-mère et une petite fille se rapprochent…
C’est comme un marronnier un peu rassurant à la rentrée : un nouveau spectacle de Stéphane Braunschweig en ouverture de saison à l’Odéon. Cette année c’est le texte d’un auteur norvégien, déjà plusieurs fois mis en scène par Braunschweig, qui offre leur partition aux huit acteurs réunis pour tisser devant nous quelques histoires familiales douce-amères.
« Je n’aime pas le théâtre » : ainsi s’ouvre le spectacle de Tiago Rodrigues.