Patti Smith publie Dévotion (Gallimard), un art poétique dans lequel une patineuse est la métaphore de l’artiste : l’occasion pour Christine Marcandier et Jean-Philippe Cazier de la rencontrer à Paris, le 22 octobre dernier, et de l’interroger sur l’écriture, les morts et fantômes qui hantent son œuvre mais surtout de l’écouter évoquer William Burroughs, Cocteau, Modiano ou Le jeu des perles de verre. Entretien.

Patti Smith l’écrivait dès l’incipit de M Train : « Ce n’est pas si facile d’écrire sur rien », sans doute parce que ce « rien » apparent est une forme de plénitude absolue, l’alchimie de détails qui sont autant de révélations d’un monde invisible aux yeux profanes, portés à la conscience de tous par celle qui traverse le monde en « voyante ». Dévotion, qui paraît demain aux éditions Gallimard, dans une traduction de Nicolas Richard, en est encore une fois l’illustration : des œufs sur le plat au Flore, la vision d’une patineuse magique, quelques plans d’une forêt estonienne, des pages de Modiano, un mot sur une tombe à Sète et c’est l’univers qui se déploie, sous les yeux de Patti Smith et de ses lecteurs.

Une traduction est-elle dépendante de son contexte ou notre conception de cette pratique a-t-elle évolué au point de nécessiter de revoir partiellement ou totalement refaire les traductions de nos classiques ? On pense, entre autres, à la retraduction collective de l’Ulysse de Joyce, à Berlin Alexanderplatz de Döblin par Olivier Le Lay, ou aux « nouvelles traductions » de 1984, de L’Île au Trésor ou des Nouvelles intégrales (tome 1) de Poe.

« Il n’y a pas d’histoire qui ne soit vraie… » souligne l’épigraphe d’Écrire pour sauver une vie, citation de Chinua Achebe (Le monde s’effondre). Quelques pages plus loin, John Edgar Wideman commente la « sagesse » de cette phrase, un proverbe igbo, et son ironie tragique : le personnage principal de son propre livre n’a pu la lire, le roman d’Achebe ne fut publié qu’en 1958, treize ans après la mort de Louis Till. Elle est comme sa parole absente soudain revenue en lumière, le retour d’une voix, dans et par la littérature. Mais elle est aussi et surtout exergue métadiscursive : l’histoire est vraie, elle est de celles qui illustrent « un monde où toutes les vérités se valent jusqu’à ce que le pouvoir en choisisse une pour servir ses exigences », un monde dans lequel la littérature est un contre-pouvoir et permet le rétablissement des faits, elle est refus des histoires assignées comme le sont certains êtres.

« Le chiffonnier de Paris fut l’homme à tout faire, le maître Jacques du XIXe siècle, à la fois rôdeur inquiétant des faubourgs, agent essentiel des progrès de l’industrie, et figurant coloré des arts et des lettres » : Antoine Compagnon consacre un livre à cette figure méconnue et néanmoins cardinale d’un siècle, un essai né d’un séminaire au Collège de France (2015-2016).

La Fin de Mame Baby est le premier roman de Gaël Octavia, jusqu’ici connue pour son œuvre dramatique.
Ce livre, qui paraît aujourd’hui dans la collection « Continents noirs » des éditions Gallimard, est indéniablement l’une des belles découvertes de cette rentrée littéraire (lire ici la critique du livre) et l’occasion d’un grand entretien avec son auteure.

Dans une toute petite ville qui ne sera jamais décrite sinon par sa violence et par les noms de fleurs dont sont affublés ses immeubles, donc dans cette petite ville anonyme parce qu’universelle, que l’on appellera simplement le Quartier, Mariette se balance sur un rocking chair, un verre à la main, les yeux dans le vide. Elle divague. Elle rêve à voix haute, pour vous, Lecteur :

Olivier Steiner : Chère Frederika, tu le sais, je ne suis pas critique littéraire, et ce que je fais ici sur Diacritik est un journal dans le Journal, soit un espace de liberté que je veux totale, autant que possible. J’aimerais bien qu’on se parle en écrivant, sachant que ce sera lu, un tiers est donc « là », faisons ça ici sur Messenger.

Le sous-titre de Règne animal de Jean-Baptiste Del Amo pourrait avoir des accents balzaciens (Grandeur et décadence d’une exploitation agricole) ou zoliens (Histoire naturelle et sociale d’une famille), sur un siècle de 1898 à 1981 : dans le Gers, à Puy-Larroque, tout semble d’abord un « perpétuel recommencement », dans une ferme qui suit le rythme des saisons et cycles naturels, avant que la petite exploitation familiale ne devienne un élevage de porcs industrialisé et intensif, selon un double mouvement d’accélération et de chute, jusqu’à « l’effondrement ».
Le magnifique et très dur roman de Jean-Baptiste Del Amo, au-delà de ses qualités littéraires, épouse la course folle qu’est devenu l’élevage, au mépris de tout respect de la nature comme des animaux, tout en dévoilant jusqu’à l’insoutenable une violence et une cruauté qui s’exercent aussi bien sur les hommes que sur les bêtes. Déjà couronné par le Prix des libraires de Nancy, il vient de recevoir par le prix du Livre Inter 2017.

Parmi les plus beaux poèmes de la langue française, figurent les « Tombeaux » que signa Stéphane Mallarmé : Tombeau de Poe (« Tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change »), Tombeau de Baudelaire (« Le temple enseveli divulgue par la bouche ») ; Tombeau de Verlaine (« Verlaine ? Il est caché parmi l’herbe, Verlaine »). Or, voilà que Jean-Luc Outers, auteur de plusieurs romans dont le remarquable La Place du mort (1995) dédié à son père alors en fin de vie, vient de renouer superbement avec le genre, non pas au travers de sonnets mais au gré de proses d’une écriture plus que sensible. Le titre Le Dernier jour coiffe ainsi six chapitres rendant hommage à des artistes admirés et aimés et que l’auteur fréquenta de près ou de loin. Et cela donne, à chaque fois, un petit monument de pierres verbales prises dans un montage tout d’élégance tranquille.

Le sous-titre de Règne animal de Jean-Baptiste Del Amo pourrait avoir des accents balzaciens (Grandeur et décadence d’une exploitation agricole) ou zoliens (Histoire naturelle et sociale d’une famille), sur un siècle de 1898 à 1981 : dans le Gers, à Puy-Larroque, tout semble d’abord un « perpétuel recommencement », dans une ferme qui suit le rythme des saisons et cycles naturels, avant que la petite exploitation familiale ne devienne un élevage de porcs industrialisé et intensif, selon un double mouvement d’accélération et de chute, jusqu’à « l’effondrement ».
Le magnifique et très dur roman de Jean-Baptiste Del Amo, au-delà de ses qualités littéraires, épouse la course folle qu’est devenu l’élevage, au mépris de tout respect de la nature comme des animaux, tout en dévoilant jusqu’à l’insoutenable une violence et une cruauté qui s’exercent aussi bien sur les hommes que sur les bêtes.