Depuis le 7 octobre et jusqu’au 7 janvier 2024, dans la Région des Hauts-de-France, se tient l’une des plus riches et des plus stimulantes expositions jamais conçues sur Claude Simon. Conçu par Mireille Calle-Gruber qui en assure le commissariat scientifique, ce Claude Simon « sur la route de Flandres, peintre et écrivain » ne se présente pas seulement comme une mais trois expositions : un triptyque en forme de parcours dans les aspects majeurs mais souvent méconnus du prix Nobel de littérature. Grand entretien  avec la conceptrice, Mireille Calle-Gruber, .

De retour du Marché de la poésie avec matière à plusieurs constellations, tandis que le Terrain Vague déborde de lectures en attente… Mais l’heure de la pause d’été a sonné. Il faudra organiser une (ou plusieurs) brocantes au retour, histoire de prendre distance avec ce qui collera, comme le sparadrap du capitaine Haddock, à l’actualité (j’emporte deux romans de la rentrée dans ma besace, soit deux de plus que l’an dernier ; et aussi quelques merveilles glanées ces derniers temps chez les bouquinistes recyclant les SP non lus). So May we Start ?

Splendide et passionnant : tels sont les deux termes qui viennent à l’esprit après avoir achevé la lecture du Scénario de la Route des Flandres de Claude Simon aux éditions du Chemin de Fer. C’est peu de dire qu’il faut saluer le travail extraordinaire de Mireille Calle-Gruber qui, notamment après Le Cheval, continue de nous faire découvrir les pans encore ignorés de l’œuvre monumentale de Claude Simon. Ici elle nous livre le scénario adapté par Simon lui-même de l’une de ses œuvres majeures, La Route des Flandres paru en 1960. Édition critique, attention génétique, éclairage iconographique : précipitez-vous sur ce livre qui ouvre de nouvelles et riches perspectives de recherche que, le temps d’un grand entretien, Diacritik ne pouvait manquer d’aller poser à Mireille Calle-Gruber.

Partir à la découverte de l’œuvre magistrale de Claude Simon en explorant sa mythique maison de Salses-le Château où il écrivit la plupart de ses romans si déterminants pour notre contemporain, c’est ce que propose de faire, en un clic depuis votre fauteuil, la remarquable visite virtuelle proposée par la Région Occitanie. Initiée et accompagnée par Mireille Calle-Gruber, une des plus grandes simoniennes, cette visite vous plongera, guide à l’appui, dans les lieux d’écriture quotidiens de l’auteur de La Route des Flandres et de L’Acacia. Diacritik ne pouvait manquer de saluer cette formidable visite en interrogeant Mireille Calle-Gruber à l’occasion d’un grand entretien.

1.

Lanterne magique de Jérôme Prieur, sous-titré Avant le cinéma (Fario, collection “Théodore Balmoral”), est la réédition, revue et corrigée par son auteur, de Séance de lanterne magique paru en 1985 chez Gallimard dans la collection “Le chemin”. Ce livre, j’étais passé à côté au moment de sa parution, comme cela arrive – et bien plus souvent qu’on ne l’imagine – avec certains livres dont on ne se rend compte que longtemps après qu’ils nous étaient destinés.

Ça commence comme ça : “Vieil ami, je viens de relire ta longue lettre, mais je crois qu’en réalité je ne vais pas y répondre, non pas qu’il n’y ait rien à répondre à tes conclusions définitives, ni que je partage entièrement ton opinion, mais plutôt que je préfère discuter oralement de la chose avec toi ce soir où tu dois, paraît-il, nous faire chez Bernard, une « conférence » à ce sujet.”

Claude Simon, ce serait, décidément, mort ou vivant, l’éternelle bataille de la phrase. Telle serait la conclusion hautement morale et finement désabusée qui viendrait conclure le canular dont chacun depuis lundi s’émeut : deux amis, Serge Volle, écrivain et peintre de 70 ans et un « ami écrivain très connu dont Volle ne veut pas dire le nom » affirment qu’aucun éditeur aujourd’hui « n’accepterait de publier Claude Simon ». Décision est alors prise d’envoyer 50 pages du Palace, roman de Claude Simon, à « dix-neuf éditeurs, petits et grands ». Le constat est sans appel : sur les 19 éditeurs dont le nom demeure un mystère dans l’histoire de l’humanité, 7 ne prennent pas la peine de répondre quand 12 le refusent au prétexte notamment de « phrases sans fin… qui font perdre le fil au lecteur ». La démonstration serait donc faite, et elle prendrait les allures d’un crime de lèse-majesté de la Littérature même : le Prix Nobel de 1985 ne pourrait plus être publié en 2017.

Benoît Peeters (écrivain, directeur des Impressions Nouvelles) et Laurent Demoulin (auteur du tout récent Robinson chez Gallimard) se sont livrés à un brillant et plaisant exercice : un grand entretien à deux, autour des éditions de Minuit et de Jérôme Lindon, que Diacritik, via Jacques Dubois, a le bonheur de publier, en deux parties.

En hommage à l’immense Michel Butor qui vient de mourir, Diacritik republie cette missive de Frédéric-Yves Jeannet, parue dans nos colonnes le 26 février dernier

à Michel Butor

Tu es mon dernier père vivant. Tu sais peut-être que David Bowie vient de mourir, en ce début d’année, deux jours après son soixante-neuvième anniversaire, mais il n’était pas vraiment pour moi un père, plutôt un grand frère & demi-dieu lointain, inaccessible dans une sorte d’Olympe. Il ne me reste que toi. Je t’écris donc cette lettre avant ma mort et la tienne : je préfère que ce soit de notre vivant.

« Alors que la belle forme classique se referme sur elle-même, et fait ainsi retour, qu’elle est en elle-même le retour, il est essentiel à l’écriture joycienne de placer le motif cyclique sous la règle de son dérèglement et de son inconsistance (…). L’aventure est dans la langue, sa prolifération, sa dispersion, l’affranchissement de ses horizons » (Jean-François Lyotard).