“Je ne cherche pas la perfection, je cherche la tension”, disait Shirley Jaffe. Ces chroniques, agençant par montage des notes, des remarques, des citations, agrémentées parfois de brefs récits, et d’images, cherchent aussi à matérialiser une forme de tension, non “entre”, mais “à partir de” ce qui en a incité l’écriture.

« Black Is Beautiful » : le Musée Picasso consacre une exposition à l’artiste afro-américaine Faith Ringgold. Si elle transmet la force esthétique et politique de son travail, elle pose frontalement la question de la capacité du musée à exposer des artistes minoritaires, à prendre réellement en charge et à défendre leur travail artistique eu égard aux rapports de domination qu’ils ont dû et doivent affronter. Peut-on exposer des artistes minoritaires, sans les trahir ni les dominer une seconde fois, en occultant les processus sociaux qui les ont assujettis ? En tout cas, l’exposition réussit un singulier exploit : être muette sur les batailles menées par Ringgold, ne rien dire du racisme et du sexisme dans l’art lui-même.

Larvatus prodeo. En français : je m’avance masqué. Cette devise, prêtée à Descartes, pourrait être aussi celle de Chechu Álava. Pourtant la philosophie cartésienne n’est pas la meilleure porte d’entrée dans l’univers pictural de cette artiste espagnole vivant désormais à Paris. Il faudrait aussi ajouter un « e » à la fin de l’adjectif. Ajouter des « e », mettre au féminin, c’est d’ailleurs ce à quoi elle s’emploie depuis vingt ans.

J’aimerais être une souris au Palais Bourbon pour, sous les sièges, voir les jambes des politiques, le squelette de la loi, la silhouette des amendements. Avec mes petits yeux, VOIR et enregistrer toutes les lois, la nuit, le jour, entendre chaque voix sans perdre une miette. Une miette de rongeur.

Emerveillement et compassion animent sa pratique magnanime, infusent à la fois ses écrits et ses expositions. Le moine bouddhiste Matthieu Ricard vit dans l’Himalaya depuis 1972, où il réalise des photographies de ses maîtres spirituels et de paysages grandioses. Il décrit ainsi la splendeur de la vie sur terre qu’il assortit parfois de citations empreintes de spiritualité.

Je note ces quelques réflexions au sortir de la double exposition Claude Monet – Joan Mitchell, dialogue et Joan Mitchell, rétrospective qui se tient à la Fondation Louis Vuitton, non loin du Jardin d’Acclimatation (tiens, un lipogramme en “e”) jusqu’au 27 février prochain.

La bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou propose, jusqu’au 10 octobre 2022, une exposition des œuvres de Chris Ware. Le parcours offert aux visiteurs déploie trente années de créativité intense, avec une large place laissée à ses planches originales, à son travail constant sur l’objet livre (qu’il renouvelle en profondeur), à des films où l’artiste américain explicite son travail et ses techniques. Installée au cœur de la bibliothèque, réalisée par Benoît Peeters et Julien Misserey en étroite collaboration avec Chris Ware, totalement gratuite, cette exposition est absolument exceptionnelle. Diacritik vous propose une promenade photographique dans ses allées.

Je commence à avoir l’âge où je peux dire de tel jeune homme, fraîchement trentenaire ou sur la fin de sa vingtaine : « je l’ai connu tout bébé » ! Et je suis heureux de le voir là, calme et rayonnant, peintre et artiste désormais reconnu, ou en voie de reconnaissance. Le « bébé » en question, connu il y a quelques années lors de délicieuses soirées chez Sapho, s’appelle Cyril Duret, et sa nouvelle exposition a lieu à la galerie Loeve&Co Marais.

Fritz Lang dit à la fin du Mépris qu’“il faut toujours terminer ce qu’on a commencé”. Gaston Planet, peintre dont l’œuvre et la personnalité restent présentes chez celles et ceux qui l’ont rencontré (il est mort en 1981 à l’âge de 43 ans), disait qu’“il y a des abandons qui sont doux, très doux. Il y a des renoncements aussi qui sont satisfaisants.” J’ai annoncé à la fin de l’épisode précédent que la deuxième partie de cette “brocante de fin d’été” serait une “session de rattrapage” consacrée à un petit nombre d’ouvrages, de poésie, de bande dessinée, ainsi qu’à trois films et une exposition. Du coup, à moins de succomber à la douceur de l’abandon (ce qui ne serait pas une mauvaise idée : la canicule régressant, le temps enfin clément incite à la promenade), il faut y aller, en pleine conscience que cette “session” ne rattrapera qu’imparfaitement ce qui n’aura pas été “oublié”. So May We Start ?

Lieu privilégié de la création artistique sous toutes ses formes, la Cité internationale des Arts (site Montmartre) ouvre ce week-end ses portes au public pour une visite des lieux et des ateliers d’artistes. Cet événement est plus précisément consacré aux artistes sélectionné.e.s dans le cadre des Résidences Art Explora qui accueillent chaque année une vingtaine d’artistes du monde entier.

1.

Ayant récemment écrit quelques pages au sujet de Simon Hantaï – artiste né le 7 décembre 1922 à Bia, en Hongrie, et ayant vécu à Paris de septembre 1948 à sa mort, le 12 septembre 2008 – au moment de la sortie en librairie de Ce qui est arrivé par la peinture – Textes et entretiens, 1953-2006 (édition établie et présentée par Jérôme Duwa, L’Atelier contemporain), je renvoie qui aurait le désir d’écouter sa voix si singulière (ou de lire quelques fragments de ses écrits), au neuvième épisode de Choses lues, choses vues où elles ont été mises en ligne. Ce qui nous fait revenir aussi rapidement sur Hantaï – et cette fois principalement du côté des “choses à voir”, même s’il y aura encore des “choses à lire” –, c’est l’exposition rétrospective de son œuvre à la Fondation Louis Vuitton (ouverte au public du 18 mai au 29 août 2022). Commissaire de cette exposition dite du centenaire, Anne Baldassari a aussi assuré la direction du très copieux catalogue (392 pages, 30 x 29 cm, publié chez Gallimard en coédition avec la Fondation).