Et si l’un des genres majeurs pour penser les liens du réel et de sa mise en récit était la biographie ? Non l’autofiction qui déplace le curseur vers la réinterprétation imaginaire d’une existence attestée, mais bien la biographie. Elle a longtemps été méprisée après des décennies d’œuvre rabattue sur la vie de son auteur puis condamnée par le textualisme faisant fi de tout lien entre l’homme et l’œuvre. Nombre de grands textes paraissant aujourd’hui montrent combien la biographie est au contraire une manière singulière et puissante pour sortir l’œuvre de sa clôture et la penser depuis une vie inscrite non dans le cadre étroit d’une existence mais dans le panorama bien plus large d’une époque. On pense au récent Sontag de Benjamin Moser mais aussi au Kafka de Reiner Stach, trilogie dont la première partie (Kafka. Le temps des décisions) paraît enfin en France, dans une traduction de Régis Quatresous, au Cherche-Midi.
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À peine relu et corrigé, et, avant même d’avoir été mis en ligne, déjà en route vers l’oubli (seul moyen de ne pas se laisser miner par les regrets), le dernier épisode de ce feuilleton critique à la frontière est devenu avant-dernier, un peu comme le dernier verre dont parlait Deleuze. Pas de pause : la pile n’est pas épuisée (elle ne cesse de se recharger).
Salve impressionnante de publications aux éditions Les Cahiers dessinés. Une revue, L’Amour, dont nous avons déjà parlé, et quatre ouvrages : Carnets de bord de Sempé, Le Monde selon Mix & Remix, Géant endormi de Brad Holland, Les dessins de Franz Kafka, auxquels il faut ajouter, aux éditions Noir sur Blanc, un livre écrit et dessiné par Frédéric Pajak : J’irai dans les sentiers. Pas loin de 1500 pages au total, les relations entre dessin et texte variant considérablement d’un volume à l’autre – le plus silencieux étant celui de Sempé, bénéficiant d’une brève préface (deux pages) de Patrick Modiano.
L’histoire pourrait être kafkaïenne, et Benjamin Balint le souligne dès le titre de son essai Le Dernier procès de Kafka, qui vient de paraître aux éditions de La Découverte : la saga des manuscrits et inédits de l’un des plus grands écrivains du XXe siècle, par ailleurs docteur en droit, semble tout droit inspirée du Château comme du Procès, elle est au centre de ce livre passionnant qui se lit comme un roman.
Je me souviens avoir trouvé dans une de ces boîtes tenues par les bouquinistes des quais de Seine un livre au papier jauni et à la couverture partiellement arrachée, aux cahiers parfois décousus et au dos illisible brûlé par la lumière : le Journal intime de Franz Kafka, traduit et introduit par Pierre Klossowski (Grasset, 1945).
Rien de plus fascinant, peut-être, que la correspondance d’un écrivain, ce « commerce avec des fantômes, non seulement avec celui du destinataire, mais encore avec le sien propre », écrivait Kafka. Ce type de lecture procure un plaisir particulier, certes intellectuel (découvrir obliquement une œuvre) mais aussi interdit (entrer dans l’intime).
Donner « pour la première fois la possibilité de suivre dans toutes ses ramifications le processus d’écriture de Kafka », telle est l’intention explicite de cette traduction par Robert Kahn des Derniers Cahiers de Kafka que viennent de publier les éditions Nous.
La revue Muscle est un étrange objet : une feuille pliée en quatre, imprimée recto/verso, deux textes d’auteurs différents par numéro.
En 2014, Laurent Margantin entame un projet que l’on pourrait qualifier de prométhéen : traduire les 1000 pages du Journal de Kafka. Traduire et non retraduire tant la version qu’il propose est différente de celle à laquelle les lecteurs français avaient alors accès (signée Marthe Robert), une version amendée par Max Brod, coupée, délestée de tout ce qui pouvait faire scandale (la fréquentation des bordels) ou paraissait extérieur à la pratique diaristique : les fragments de récits, un chapitre de l’Amérique en cours d’écriture.
La collection de photographies du Centre Pompidou compte plus de 70000 œuvres. Thomas Clerc en a choisi une soixantaine, des portraits ou photos de groupes, d’artistes (peintres, cinéastes, écrivains, chanteurs), des icônes, des images célèbres (Antonin Artaud par Man Ray, Jackson Pollock par Hans Namuth), d’autres inconnues ou moins connues que l’écrivain nous invite à regarder, au sens plein du terme : pas seulement survoler ou voir, plonger son regard, interroger une représentation. Que nous apprennent ces photographies d’artistes qui eux-mêmes représentent et sont là représentés ? Que comprenons-nous ainsi de leur œuvre ? Voyons-nous autre chose ? et si oui, quoi ?