1 million cent-soixante mille. C’est le nombre d’occurrences concernant l’actualité de Marcel Proust donné en 0,36 secondes par Google ces jours-ci. Le feu d’artifice du centenaire de l’écrivain n’en finit pas d’exploser dans les médias mais faut-il automatiquement s’en réjouir ? Y a-t-il vraiment autant de Proust que de lecteurs de Proust ? Quelques éléments de réponse grâce à l’écrivain Thomas A. Ravier, auteur d’un essai sur Proust, Éloge du matricide (2007, Gallimard).
Marcel Proust
Comment départager le bon grain de l’ivraie dans ce qui s’écrit sur Proust en cette année du centenaire de la disparition de l’écrivain ? Il se publie tellement de commentaires à son sujet que l’on demande grâce. De quoi vous passer le goût de la phrase à rallonge tant associée à l’écriture proustienne. Bertrand Leclair — car c’est de lui qu’il va être question ici même — nous gratifie pour sa part d’un essai de 300 pages paraissant chez Pauvert. C’est beaucoup et c’est sans doute un peu trop. Et le critique ne saurait être inspiré à tout moment.
C’est un ensemble de lettres inédites qui tient du petit roman. À la toute fin de sa vie, Marcel Proust veut se séparer de son secrétaire et ami Henri Rochat qui vit à grands frais chez lui depuis trois ans. Entre tentatives pour lui trouver un emploi à l’étranger et versement d’une somme d’argent en plusieurs parties, l’écrivain fait intervenir son grand ami banquier Horace Finaly pour tenter de trouver une solution à un incroyable embarras. En grand proustien, le collectionneur bibliophile Jacques Letertre qui a acquis par l’intermédiaire de sa Société des Hôtels Littéraires ces lettres en 2020 nous éclaire sur un épisode désormais publié chez Gallimard et dont il a rédigé l’avant-propos.
Marcel Proust rencontra James Joyce le 18 mai 1922, au Ritz. Lors d’une soirée mondaine comme l’auteur de La Recherche excellait à les décrire, donnée par de riches Américains, les Schiff, à l’issue de la représentation d’une pièce de chambre de Stravinski, Renard. Deux génies littéraires se sont rencontrés, que se sont-ils dit ? Nul ne le sait vraiment, ne demeurent que quelques lignes de Joyce. Patrick Roegiers ose imaginer la scène, combler la béance d’un inconnu, faire du réel, sans doute décevant, une fiction assumée et un tombeau littéraire, hors temps, hors réel, hors cadre.
Le titre assume une forme de paradoxe : Proust était un neuroscientifique. Le sous-titre se veut plus explicite : Ces artistes qui ont devancé les hommes de science. L’essai Jonah Lehrer pourrait être placé sous l’exergue de ces phrases fabuleuses d’Apollinaire, notant qu’« un mouchoir qui tombe peut être pour le poète le levier avec lequel il soulèvera tout un univers » : « Tant que les avions ne peuplaient pas le ciel, la fable d’Icare n’était qu’une vérité supposée. Aujourd’hui, elle n’est plus une fable. (…) Je dirais plus, les fables s’étant pour la plupart réalisées et au-delà, c’est au poète d’en imaginer de nouvelles que les inventeurs puissent à leur tour réaliser ».
Le 4 décembre 2019, Jacques Dubois se lance dans une grande entreprise de relecture (dia)critique de la Recherche, par « arrêts sur images » et scènes du grand roman proustien. La série s’achève un an plus tard, le 18 décembre 2020, après 60 billets proustiens. Alors que Le Temps retrouvé figure au programme de l’agrégation de lettres 2023, pourquoi ne pas retraverser l’ensemble du livre en 7 volumes à travers cette série d’un grand proustien ?
En tête du Monde des livres du 8 octobre dernier, Fabrice Gabriel y allait d’un fort bel éloge du roman récemment publié par Patrick Modiano en rabattant le récent Chevreuse sur La Recherche du temps perdu.
« La mort n’atteint pas uniformément tous les hommes » fait remarquer Proust dans La Recherche du temps perdu en une tremblante maxime sur le tragique de toute maladie qui pourrait escorter, pour sa sortie en salles aujourd’hui, Guermantes, le nouveau très beau film de Christophe Honoré. Car, de la maladie et de la mort, ce film ne cesse d’en convoquer, tour à tour, les fantômes lancinants ou patents, les fantômes résolument proustiens dont la tenace réapparition ou fugitive disparition n’atteignent pas uniformément tous les hommes.
L’existence des Soixante-quinze feuillets, en fait soixante-seize, était connue, mais ils n’avaient jamais été publiés, et ils sont là, sous nos yeux.
Soirée chez la Princesse. Vieillissante mais protégée par une Oriane qui déteste Gilberte, Rachel est invitée à dire des fables de La Fontaine, ce qu’elle fait calamiteusement.
Soit un portrait comme il en est peu dans la Recherche. Un portrait « en pied » mais tout en glissements.
“Le Bal de têtes” est largement une réflexion sur le temps qui passe et sur les souvenirs selon lesquels chacun ordonne son passé, le sien et celui des autres.
Au nombre des invités du « Bal de têtes », Marcel reconnaît un homme politique qui, ministre boulangiste autrefois, fut compromis dans l’affaire des chèques du canal de Suez et fit de la prison.
Au temps de Combray et de la jeunesse de Marcel, le charmant Legrandin fut l’incarnation même du snob.
On vient d’apprendre que Robert de Saint-Loup est mort au front alors qu’il protégeait la retraite de ses hommes.