Je me souviens avoir trouvé dans une de ces boîtes tenues par les bouquinistes des quais de Seine un livre au papier jauni et à la couverture partiellement arrachée, aux cahiers parfois décousus et au dos illisible brûlé par la lumière : le Journal intime de Franz Kafka, traduit et introduit par Pierre Klossowski (Grasset, 1945).
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Peut-être Paul Auster, imaginant Ferguson, s’est-il souvenu de Rimbaud : « À chaque être, plusieurs autres vies me semblaient dues », tant ce délire pourrait être le creuset romanesque de 4321 et de son personnage central démultiplié. Ferguson est d’ailleurs moins un personnage qu’une figure, surface de projection comme mise à distance de son auteur, un moteur fictionnel comme une interrogation de ce qui pourrait fonder une identité américaine comme notre rapport au réel.
Détective est une antonomase inversée, de ces noms communs devenus non seulement un nom propre mais une marque. C’est la spécificité des grands journaux, peut-être, que de faire sinon oublier du moins passer au second plan l’usage courant d’un mot, c’est la carrière onomastique de cet hebdomadaire à l’ambition démesurée — « à la fois journal et magazine », tout ensemble « savant », « historien » et « romancier », soit être « partout… pour tous » comme le proclame hautement l’édito de son premier numéro, le 1er novembre 1928 — auquel Marie-Eve Thérenty et Amélie Chabrier ont consacré des journées d’étude, une exposition puis un livre, Détective Fabrique de crimes ? (Joseph K), variation dans les approches d’un même support médiatique dont elles démontrent la pertinence et la richesse.
Après deux journées d’étude à Montpellier et à Nîmes en septembre dernier, l’exploration de Détective, fabrique de crimes ?, initiée par Marie-Eve Thérenty et Amélie Chabrier, se poursuit le 14 janvier prochain, à Paris, avec une nouvelle journée de colloque, puis l’inauguration d’une grande exposition à la Bilipo le 19 janvier et enfin la publication d’un livre, avant celle des actes du colloque.
Aujourd’hui sur Diacritik débute une série signée du photographe Franck Gérard, série consacrée à son Journal américain et qui s’étendra sur plusieurs semaines.
J‘ai imaginé mon générique de film idéal, avec une idée fixe, une histoire de mecs, faite de dialogues de garçons et de monologues pensifs, avec des allers et retours dans le temps et l’espace. Tout en conservant une certaine unité théâtrale de lieu et de temps. Je me dis que la chanson de fin était à l’origine de mon postulat farfelu : composer une bande son en phase avec mon propos. Au milieu de ce long-métrage virtuel et à la lecture de ce scénario qui n’en est pas un, je me suis rendu compte que quelque chose était peut-être en train de s’écrire. Musique.
Tout commence par un Avertissement, ce qu’est d’une certaine manière l’ensemble du Monde libre d’Aude Lancelin : une mise en garde adressée à une presse toujours plus muselée — par le poids des annonceurs sur le contenu éditorial, par les financiers qui possèdent les principaux titres, par la pusillanimité de quelques directeurs de publication et autres rédacteurs en chef aux ordres, par un pouvoir politique qui s’immisce lui aussi dans les colonnes du supposé quatrième pouvoir.
Faire un journal, c’est d’abord une affaire de choix, ne pas succomber à la tentation du copier-coller racoleur, éviter les titres «à la manière de» (suivez mon regard). Et même si au sein de la rédaction certains revendiquent haut et fort l’influence de lectures passées et affichent un goût certain pour les mots et leurs jeux… petit florilège de manchettes qui auraient pu voir le jour sur Diacritik. Mais en fait, non. Attention, il y a un piège.
En 2014, Laurent Margantin entame un projet que l’on pourrait qualifier de prométhéen : traduire les 1000 pages du Journal de Kafka. Traduire et non retraduire tant la version qu’il propose est différente de celle à laquelle les lecteurs français avaient alors accès (signée Marthe Robert), une version amendée par Max Brod, coupée, délestée de tout ce qui pouvait faire scandale (la fréquentation des bordels) ou paraissait extérieur à la pratique diaristique : les fragments de récits, un chapitre de l’Amérique en cours d’écriture.
A l’heure d’une crise de la presse partout commentée, nombre de titres ne cessent pourtant de naître : Society, The Conversation, pour n’en citer que deux, l’un en version papier glacé, l’autre sur la toile. Les Jours continuant de se faire attendre.