Le monde d’après est advenu et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il a un  fort goût d’apocalypse. 219 ans après la bombe, le temps s’est arrêté aux portes des années 50, les musiques qui résonnent ne sont que ritournelles country et chansons swing passéistes, les écrans sont cathodiques et en noir et blanc et le ciel au-dessus du champ de maïs est d’un bleu artificiel presque sans nuage tel l’avenir des heureux (?) résidents de l’abri numéro 32. Et pour cause : à l’extérieur, à la surface, les terres sont désolées et peuplées de survivants livrés à eux-mêmes, en butte aux éléments, aux goules, au cannibalisme et aux animaux mutants…

Même quand il (se) dessine en couleur(s) – Thérapie de groupe, Le Combat ordinaire, Le Retour à la terreManu Larcenet est attiré par la noirceur, le gris et les ombres. Il y a donc une évidente logique dans son envie (son besoin ?) d’adapter La Route, chef d’œuvre de Cormac McCarthy. Le roman post-apocalyptique culte, couronné par le prix Pulitzer, adapté au cinéma se voit donc transposé en bande dessinée, par la grâce d’un Larcenet qui a dû prendre sur ses nuits pour restituer si brillamment le vertige et le désespoir de vivre des temps finis, la perte et l’absence.

En ces temps de situation géopolitique incertaine, les éditions de l’Olivier ont eu la bonne idée de rééditer (on oserait presque le mot réhabiliter) Le Masque de Dimitrios, thriller littéraire signé Eric Ambler publié initialement en 1939, quand l’Europe fourbissait ses armes et s’apprêtait à basculer dans un second conflit mondial. L’écrivain britannique, futur auteur de The Light of the Day (plus connu sous le titre de Topkapi, adapté au cinéma par Jules Dassin en 1964) y montre toutes ses qualités d’écriture de récits à la croisée du polar et du roman d’espionnage sur fond de vengeance, d’enquête à rebours et de contexte historio(géo)graphique.

« Tu parles d’un merdier, fit Brady. Bon Dieu d’bon Dieu. Sacré nom de Dieu. Non mais r’garde moi ça. Il a plus ses couilles !
— Je vois ça.
— J’crois bien qu’elles sont dans la main du négro, fit Brady.
— Tu as raison. » Delroy se pencha pour regarder de plus près.
(Percival Everett, Châtiment)

Je serais le cinéma français, je me questionnerais jusqu’au bout de la nuit, voire au bout de l’année. Il a fallu une série qui se donnait à l’origine comme une bluette présentée comme douce-amère et au ton décalé, avec ce titre en franglais un peu absurde pour que Judith Godrèche devienne une porte-parole(s), qu’elle verbalise le drame qu’elle a vécu en tant qu’enfant (parce qu’à 14 ans on est encore une enfant), en tant que femme, en tant qu’actrice.

Dire qu’on attendait qu’il se passe enfin quelque chose au cours de la 49e cérémonie des César est un euphémisme. Depuis l’annonce de l’intervention programmée de Judith Godrèche au cours de la soirée de ce vendredi 23 février 2024, depuis l’édition de 2020 qui avait vu Roman Polanski récompensé personnellement par deux fois pour J’accuse (!) et Adèle Haenel se lever et quitter la salle… on attendait au minimum de la compassion, des remerciements, peut-être de la solidarité, pourquoi pas une prise de conscience…

Pour le lecteur de bandes dessinées, retrouver régulièrement ses héros, suivre d’album en album les aventures des Largo Winch, Astérix, Spirou, Thorgal, Alix, Michel Vaillant, XIII ou autres Tuniques bleues – la liste n’est bien évidemment pas exhaustive – est bien plus que de retrouver le goût des madeleines d’antan. Qui plus est quand la qualité, le respect de l’héritage ou l’appropriation par les repreneurs augurent d’une continuité dans le changement (et inversement).

« Aucun livre de ne sera jamais à la hauteur du vrai jeu de pouvoir »

Comment ne pas penser à Amadeus de Milos Forman — film inspiré de la pièce de Peter Schaffer, elle même inspirée d’une pièce en un acte d’Alexandre Pouchkine —, avec Vadim Baranov en Salieri et le narrateur du Mage du Kremlin intronisé confesseur nocturne ? Vadim Baranov est une invention, un personnage de fiction possédant néanmoins de nombreuses ressemblances avec Vladislav Sourkov, ex-éminence grise de Vladimir Poutine. Mais de magie il n’est nullement question dans le livre de Giuliano da Empoli. À moins de considérer que manipulation des masses, déstabilisation et coups de force sont les « trucs » des illusionnistes, des spin doctors et des dictateurs qu’ils conseillent.

Le 18 décembre 2023, La Maison de l’Amérique latine a accueilli une soirée « Coïncidences Maurice Olender » autour d’Une histoire universelle des ruines, en compagnie Alain Schnapp, auteur du livre, et de ses invités Cecilia D’Ercole, François Hartog, Krzysztof Pomian. Diacritik, partenaire de l’événement, vous en propose une captation vidéo.

Dix ans ont passé depuis l’arrivée de True Detective sur HBO sur les écrans. Créée par Nic Pizzolatto, la série policière anthologique avait fait date dans le paysage des TV shows qui comptent. L’irruption d’un duo de flics torturés (chacun à leur manière) au service d’une loi et d’un ordre moins irréprochables avaient fait exploser le genre et déjoué les codes de la série policière traditionnelle, faite d’enquêteurs probes et sans aspérité(s), d’intrigues formatées et manichéennes.

Le 4 décembre dernier, La Maison de l’Amérique latine a accueilli une soirée « Coïncidences Maurice Olender » autour de Georges Perec. Sylvia Richardson y présentait Jeux (Seuil, 2023) et Claude Burgelin sa biographie critique Georges Perec (Gallimard, 2023). Ils étaient interrogés par Christine Marcandier qui dirige désormais « La Librairie du XXIe siècle », collection fondée par Maurice Olender en 1989, qu’il dirigea jusqu’en 2022, et qui accueille nombre de posthumes et inédits de Georges Perec. Diacritik, partenaire de l’évènement, vous propose une captation vidéo de la soirée.

Et si au lieu de se résigner au spectacle compassé des comédies sentimentales de saison, on se payait une bonne tranche de frisson et de sourire made in France ? Entre Se7en et les romans policiers scandinaves où le froid et la neige sont au centre d’intrigues qui portent la marque du mystère et de secrets enfouis jusqu’au dégel, Polar Park (sur Arte.tv) est la preuve que la fiction française peut s’épanouir sur le terrain de la série policière sans avoir recours au pastiche ou à l’imitation.