C’est un ensemble de lettres inédites qui tient du petit roman. À la toute fin de sa vie, Marcel Proust veut se séparer de son secrétaire et ami Henri Rochat qui vit à grands frais chez lui depuis trois ans. Entre tentatives pour lui trouver un emploi à l’étranger et versement d’une somme d’argent en plusieurs parties, l’écrivain fait intervenir son grand ami banquier Horace Finaly pour tenter de trouver une solution à un incroyable embarras. En grand proustien, le collectionneur bibliophile Jacques Letertre qui a acquis par l’intermédiaire de sa Société des Hôtels Littéraires ces lettres en 2020 nous éclaire sur un épisode désormais publié chez Gallimard et dont il a rédigé l’avant-propos.
A la recherche du temps perdu
Le titre assume une forme de paradoxe : Proust était un neuroscientifique. Le sous-titre se veut plus explicite : Ces artistes qui ont devancé les hommes de science. L’essai Jonah Lehrer pourrait être placé sous l’exergue de ces phrases fabuleuses d’Apollinaire, notant qu’« un mouchoir qui tombe peut être pour le poète le levier avec lequel il soulèvera tout un univers » : « Tant que les avions ne peuplaient pas le ciel, la fable d’Icare n’était qu’une vérité supposée. Aujourd’hui, elle n’est plus une fable. (…) Je dirais plus, les fables s’étant pour la plupart réalisées et au-delà, c’est au poète d’en imaginer de nouvelles que les inventeurs puissent à leur tour réaliser ».
Le 4 décembre 2019, Jacques Dubois se lance dans une grande entreprise de relecture (dia)critique de la Recherche, par « arrêts sur images » et scènes du grand roman proustien. La série s’achève un an plus tard, le 18 décembre 2020, après 60 billets proustiens. Alors que Le Temps retrouvé figure au programme de l’agrégation de lettres 2023, pourquoi ne pas retraverser l’ensemble du livre en 7 volumes à travers cette série d’un grand proustien ?
Jean-Yves Tadié intitule « Le Moment sacré » sa préface à la publication des soixante-quinze feuillets retrouvés d’À la recherche du temps perdu, feuillets que l’on croyait perdus à jamais. « Un grand mérite de ces pages du livre futur est d’être les premières qui aient été écrites bien que ce soient les dernières qui nous soient parvenues. »
L’existence des Soixante-quinze feuillets, en fait soixante-seize, était connue, mais ils n’avaient jamais été publiés, et ils sont là, sous nos yeux.
C’est après avoir pris conscience de l’emprise du Temps sur sa personne que Marcel entend se mettre au travail en avouant que son ambition est immense.
Gilberte présente sa fille de seize ans à Marcel qui la trouve bien belle tout en taisant son prénom.
Soirée chez la Princesse. Vieillissante mais protégée par une Oriane qui déteste Gilberte, Rachel est invitée à dire des fables de La Fontaine, ce qu’elle fait calamiteusement.
Soit un portrait comme il en est peu dans la Recherche. Un portrait « en pied » mais tout en glissements.
“Le Bal de têtes” est largement une réflexion sur le temps qui passe et sur les souvenirs selon lesquels chacun ordonne son passé, le sien et celui des autres.
Au nombre des invités du « Bal de têtes », Marcel reconnaît un homme politique qui, ministre boulangiste autrefois, fut compromis dans l’affaire des chèques du canal de Suez et fit de la prison.
Au temps de Combray et de la jeunesse de Marcel, le charmant Legrandin fut l’incarnation même du snob.
On vient d’apprendre que Robert de Saint-Loup est mort au front alors qu’il protégeait la retraite de ses hommes.
Au fond d’un amour, il est toujours quelque rêve, nous apprend le narrateur, rattaché à une personne ou à plusieurs ou encore à une représentation.
Audacieux, inventif et splendide : tels sont les trois adjectifs qui viennent spontanément à l’esprit du public qui vient d’assister à la représentation du Côté de Guermantes de Marcel Proust adapté et mis en scène par Christophe Honoré. Une très grande réussite en effet qui se joue actuellement au théâtre de Marigny tant Christophe Honoré réussit un pari plus que délicat : celui non de simplement parvenir à mettre Proust en scène mais à faire de Proust une pièce maîtresse de son œuvre même.