Le sous-titre de Règne animal de Jean-Baptiste Del Amo pourrait avoir des accents balzaciens (Grandeur et décadence d’une exploitation agricole) ou zoliens (Histoire naturelle et sociale d’une famille), sur un siècle de 1898 à 1981 : dans le Gers, à Puy-Larroque, tout semble d’abord un « perpétuel recommencement », dans une ferme qui suit le rythme des saisons et cycles naturels, avant que la petite exploitation familiale ne devienne un élevage de porcs industrialisé et intensif, selon un double mouvement d’accélération et de chute, jusqu’à « l’effondrement ».
Le magnifique et très dur roman de Jean-Baptiste Del Amo, au-delà de ses qualités littéraires, épouse la course folle qu’est devenu l’élevage, au mépris de tout respect de la nature comme des animaux, tout en dévoilant jusqu’à l’insoutenable une violence et une cruauté qui s’exercent aussi bien sur les hommes que sur les bêtes.

« Un jour, entre les hommes et nous qui sommes stellaires, il y a eu rencontre » : il est difficile de parler en quelques phrases du magnifique second roman de Vincent Message, Défaite des maîtres et possesseurs, qui vient de sortir en poche chez Points, sinon via cette phrase, présente deux fois dans le cours du livre, mettant l’accent sur sa dimension de fable.

Un monument iconique, lumineux, spectaculaire et méconnu aux portes de Paris : La Grande Arche. Un architecte danois, épris de pureté qui mourra sans l’avoir vue achevée. Un Président de la République visionnaire, possessif et vénéneux. Et un puissant roman, une épopée, une enquête minutieuse, sur la tragédie noire d’un bâtiment de marbre blanc. Laurence Cossé, grand prix de l’Académie Française pour l’ensemble de son œuvre, livre La Grande Arche chez Gallimard.

Ce n’est pas un mais deux livres que Fanny Chiarello a proposé à ses lecteurs lors de la rentrée littéraire de septembre : Le zeppelin, aux éditions de l’Olivier et Je respire discrètement par le nez, aux éditions Les Carnets du Dessert de Lune ; les deux livres forment diptyque quand bien même ils peuvent être lus indépendamment l’un de l’autre.

Contrairement aux apparences, le titre du roman de Fanny Chiarello, L’Éternité n’est pas si longue, n’est pas une référence à Woody Allen (ayant lui-même, paraît-il, emprunté l’idée que « l’éternité, c’est long… surtout vers la fin » à Franz Kafka) mais à My Own Private Disco de Help She Can’t Swim et, plus précisément, à la première phrase du second couplet : Forever’s not that long.

« Quoi de plus romanesque qu’une diva sur un paquebot ? » : c’est par cette parenthèse discrète, sous une photographie de Geraldine Farrar, que Fanny Chiarello avait annoncé sur son site, la parution de son roman Une faiblesse de Carlotta Delmont. Quoi de plus romanesque en effet que la trajectoire brisée de Carlotta Delmont, diva des années folles qui se rêvait Mimi de Montparnasse ? Que la vie d’une femme qui aspira à ne jamais se laisser enfermer dans un carcan, coupant ses cheveux, refusant tout engagement, sinon scénique, forçant sa nature pour changer de tessiture ?

Parues, chez Gallimard en 2013, des Lettres à Eugène (Savitzkaya) d’Hervé Guibert, seul volume de correspondance dont l’écrivain a autorisé la publication dans la dernière ligne de son testament littéraire, le 3 novembre 1991. Ainsi s’achève « la publication des œuvres inédites posthumes d’Hervé Guibert, telle qu’il en avait fixé le plan, avant sa disparition », comme le précise une note liminaire.

Quand bien même on regrette un peu la très poétique couverture signée Sempé de l’unique roman de Pierre Desproges paru en 1985 chez Seuil, il faut reconnaître que la réédition au format poche par Points de Des femmes qui tombent fait partie de cette écrasante minorité de livres dont on ne se lasse pas.

En 1992, on s’en souvient sans doute, Jean Echenoz nous propulsait dans l’espace avec Nous trois (Éditions de Minuit) en nous secouant un tantinet au passage. Un quart de siècle plus tard, Christine Montalbetti nous propose à son tour d’aller y faire un petit voyage. N’ayons pas peur, allons-y. On ne sera pas déçu.