Le sous-titre de Règne animal de Jean-Baptiste Del Amo pourrait avoir des accents balzaciens (Grandeur et décadence d’une exploitation agricole) ou zoliens (Histoire naturelle et sociale d’une famille), sur un siècle de 1898 à 1981 : dans le Gers, à Puy-Larroque, tout semble d’abord un « perpétuel recommencement », dans une ferme qui suit le rythme des saisons et cycles naturels, avant que la petite exploitation familiale ne devienne un élevage de porcs industrialisé et intensif, selon un double mouvement d’accélération et de chute, jusqu’à « l’effondrement ».
Le magnifique et très dur roman de Jean-Baptiste Del Amo, au-delà de ses qualités littéraires, épouse la course folle qu’est devenu l’élevage, au mépris de tout respect de la nature comme des animaux, tout en dévoilant jusqu’à l’insoutenable une violence et une cruauté qui s’exercent aussi bien sur les hommes que sur les bêtes.

Yasmina Reza était célèbre dans le monde entier pour son théâtre, notamment pour sa pièce Art (Prix Tony Award et Molière). Elle le sera désormais pour son roman Babylone qui vient de rafler le prestigieux Prix Renaudot. L’auteure de 57 ans, réputée d’une discrétion de violette, fuyant les photographes et les interviews, avait précédemment fait parler d’elle à l’occasion de la sortie en 2007 de L’aube le soir ou la nuit où elle faisait le récit de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy qu’elle avait suivit pendant un an.

Certains livres vous invitent dans un univers totalement autre, dès leurs premières lignes : Double nationalité de Nina Yargekov (qui a reçu le prix de Flore la semaine dernière) est de ceux-là. Une jeune femme se retrouve dans un aéroport, elle ne sait plus qui elle est, où elle va, pourquoi elle est là, elle n’a d’abord que le contenu de son sac à main pour mener l’enquête. Mais cette altérité fascinante n’est pas seulement liée au sujet du roman ou à son personnage central : la fantaisie de Nina Yargekov, sa manière de décaper la langue, le récit et plus largement nos repères sont une invitation au voyage, au Nouveau.

Atticus Lish vient de recevoir le Grand Prix de littérature américaine 2016 pour son exceptionnel premier roman, Parmi les loups et les bandits (Buchet-Chastel). Dans son communiqué, le jury salue non seulement le roman mais la traduction de Céline Leroy qui est en effet un tour de force. Diacritik republie à cette occasion sa critique et son entretien avec l’écrivain, réalisé en septembre à Paris.

Ce ne sont pas seulement deux livres publiés aux éditions du Seuil que les jurys du prix Medicis ont couronnés ce mercredi 2 novembre 2016. Ne noter que ce « doublé » serait réduire la portée symbolique de ce double choix, cette extension du domaine littéraire, la reconnaissance d’un jeu avec les frontières essai/récit, réel/fiction, longtemps considérées comme étanches, du moins en France. Pourquoi choisir Laëtitia d’Ivan Jablonka pour le Medicis roman et Boxe de Jacques Henric pour le Medicis Essai sinon dans l’idée implicite que chacun de ces deux livres auraient pu figurer dans l’une comme dans l’autre des deux catégories, vidant les étiquettes génériques de leur sens étroit ? Ce prix ne fait qu’un et il doit être lu comme un diptyque.

La fictionnalisation de faits divers réels est l’une des tendances lourdes de la littérature contemporaine, française comme étrangère : ce principe de confrontation du réel et de la fiction via le crime n’est en rien nouveau, il semble cependant s’accentuer depuis quelques années et la rentrée littéraire 2016 en est une nouvelle illustration, que l’on pense, entre autres exemples, à Laëtitia d’Ivan Jablonka, The Girls d’Emma Cline, California Girls de Simon Liberati ou à l’exceptionnel Sacrifice de Joyce Carol Oates.

L’histoire se répète, comme un disque rayé, à chaque rentrée littéraire : un livre fait sensation, séduit la critique, les libraires et les lecteurs. Cette année, c’est Gaël Faye et son Petit Pays, prix Fnac (remis par Jonathan Franzen) puis prix Cultura, présent sur les premières listes de tous les grands prix d’automne, ou presque, toujours en lice pour quelques-uns d’entre eux dont le Goncourt, articles dans toute la presse, sujet au JT de TF1, droits étrangers vendus à une vingtaine de pays avant même la parution en France, la littérature devenant phénomène…

Dans le monde anglo-saxon, on parle de shortlist, celle qui regroupe les finalistes d’un grand prix littéraire. Sur la dernière liste du Goncourt 2016, quatre romans et le fameux « Galligrasseuil » raillé en son temps par Bernard Frank : deux titres dans la fameuse « blanche » (L’Autre qu’on adorait de Catherine Cusset et Chanson douce de Leïla Slimani), un sous la bannière Grasset (mais avec jaquette bleue, Petit Pays de Gaël Faye) et couverture blanche liseré rouge du Seuil, Cannibales de Régis Jauffret.