Les mots ne manquent pas pour décrire Goliarda Sapienza : atypique, forte, libre, intransigeante, talentueuse, complexe, ambiguë, charnelle et tendre. Une nébuleuse de mots  l’entoure de prestige comme un halo ou la poursuit comme un voile brumeux. L’originalité et la marginalité de ses écrits sont souvent rapportées à son éducation originale, à sa naissance dans une famille socialiste, anarchiste, sicilienne, et qui plus est recomposée. L’image construite est celle d’une femme indépendante dont la manière d’être et de vivre constitue aujourd’hui un modèle d’émancipation politique et féministe.

À première vue c’est un texte d’un seul jet, le plus souvent sans majuscule ni point, qui s’offre à nous tambour battant de la première à la dernière page. Sous cette forme élégiaque, rythmée comme une prière, le propos alterne les points de vue civil et militaire pour évoquer la sinistre Conquête de l’Algérie par la République française, une période historique qui s’étend de 1830 à 1847. Mais aucune date n’est citée ici, car les personnages sont nos seuls repères.

Les parutions de Johanne au Tripode et du Charivari au Cadran Ligné sont l’occasion d’aller à la rencontre d’un écrivains des plus singuliers. Les textes de Marc Graciano sont contemporains parce qu’archaïques et ce paradoxe fécond leur donne leur patine particulière. Depuis Liberté dans la montagne en 2013, son œuvre s’est étoffée, radicalisant peu à peu ses procédés stylistiques et narratifs tout en diversifiant ses arcs esthétiques. Entrer dans les rouages de cette œuvre dans le monde d’aujourd’hui, c’est saisir les modalités particulières d’une conjonction entre une langue extrêmement stylisée, neuve autant que vieille, et le rapport de l’écrivain à une fiction première et primale, revenue de l’aube des récits.

Les Éditions Le Tripode publient en ce début d’année un nouveau livre de Marie Redonnet et rééditent en parallèle, dans leur collection « Météores », La femme au colt 45 paru il y a maintenant deux ans. Le texte de « Trio pour un monde égaré », rédigé antérieurement à celui de La Femme au colt 45, en éclaire la genèse.

« Attention, lectrice ou lecteur, l’objet qui est à présent entre tes mains appartient à cette infime minorité de livres capables, une fois qu’on les a lus, non seulement d’influer sur la suite de notre existence, mais de modifier rétrospectivement ce qu’on pensait avoir vécu avant de les avoir lus ». Cette phrase du romancier et éditeur Jean-Hubert Gailliot, extraite de sa préface à Glose, est reproduite en quatrième de couverture de la réédition du roman, aux éditions Le Tripode. Promesse intenable… Quelle lecture pourrait ne pas être décevante après une telle annonce ? Glose, justement.

Le Voyage de Hanumân, à paraître aux éditions Le Tripode le 22 septembre 2016, raconte l’exil de deux paumés au Danemark, et leur vie quotidienne dans un camp de réfugiés. L’Estonien Johann et l’Indien Hanumân, compagnons d’infortune, survivent comme ils peuvent. Entre les magouilles, les petites et grandes indignités, les humiliations et les mensonges, se dessine jusqu’au rire une carte sensible de ces zones transitoires où pataugent et se mêlent l’absurde, les espoirs et les peurs de milliers de laissés-pour-compte. Diacritik publie, en avant-première, le grand entretien que Lucie Eple a réalisé avec Andreï Ivanov.

En ouverture, musicale puisque la mention suit quelques notes de Schubert, du roman d’Emmanuel Régniez, une phrase qui vaut entrée dans une altérité : « C’est à 11h03, le samedi 2 avril que l’on a sonné à la porte de Notre Château.
C’était extraordinaire. Cela n’arrive jamais. On ne sonne pas chez nous. On ne sonne jamais à la porte de Notre Château ».

La revue La Femelle du Requin, créée à l’automne 1995 et toujours plus vivante, entretient un rapport exigeant avec la littérature contemporaine, entre lenteur et vertiges. Pour les vingt ans du Requin, « l’âge de tous les possibles », un livre, paru au Tripode, rassemble vingt entretiens dans un volume qui est moins un anniversaire ou une anthologie que le feuilleté, vivant et passionnant, d’un temps et un espace : la littérature.