De l’inquiétude

Je suis d’un naturel inquiet. Dans mon premier roman, Paris s’émiette et fond sous une pluie corrosive. Dans mon deuxième roman une jeune femme disparaît comme si ce n’était rien, comme si c’était facile et évident de disparaître, comme si au fond c’était la permanence, le scandale – et non les ruptures qui nous dévient de nous-mêmes. Dans le troisième, des œuvres d’art se dégradent, se transforment : des images bien aimées, à titre privé ou collectif, deviennent irregardables.

Avant d’être édités par les éditions Fissile et Al Dante, les textes originaux Paradis remis à neuf et Naissance de la gueule ont déjà été «déformés» par des improvisations orales multiples, à la radio ou sur scène. Ces textes, édités et figés par l’impression papier, seront encore, dans le futur, soumis à des improvisations orales multiples et encore transformés. C’est pour cette raison que Paradis remis à neuf est sous-titré matériau sonore.

D’abord : pourquoi écrire aujourd’hui ?

Pourquoi encore écrire quand tout s’écrit déjà, via sms tweets blogs et réseaux sociaux, quand chacun donc tout le monde écrit et écrivant tout le temps ne trouve plus le temps de lire autre chose que tout ce qui s’écrit dans les écrans, ne trouve plus le temps de faiblir, se laisser porter hors de l’immédiat de notre temps ?

J’ai très peu de souvenirs d’enfance. Quasiment aucun. Et ils sont très confus. Mais je sais avec certitude que parmi mes premières images se trouvent des images de télévision. Plus précisément je ne crois pas me rappeler de quoi que ce soit d’autre antérieur à la séquence post-générique de la série Les Champions. L’histoire de ma mémoire commence en 1977 par la démonstration d’un super pouvoir : le sauvetage in extremis d’une camionnette.

Il y a dix jours, j’ai pensé que pour écrire un livre, on doit mixer 10 ingrédients. J’en note un par jour depuis dix jours. Chacun est premier dans mon cœur. Chacun à sa manière a ma préférence. Chacun est précieux et nécessaire. Même s’il se pourrait qu’ils soient incompatibles et que leur coexistence pacifique dans le livre ne soit pas gagnée d’avance.

 Ma première réaction fut de ne surtout pas écrire sur l’écrire, de ne pas surplomber l’écriture, de ne pas ouvrir ses viscères pour en exposer ses lignes en amont, ses lignes en aval. Ma première réaction fut de me tenir dans l’angle qui interdit qu’on redouble l’écrire en écrire d’écrire, qu’on réfléchisse l’écriture en une méta-écriture.