Si, je suis constamment choqué. Lisez donc mes livres, c’est un amoncellement de millions de chocs. C’est un alignement non seulement de phrases, mais d’impressions de choc, Thomas Bernhard.
Le matin je ne suis pas de bonne humeur, au début de l’après-midi je n’ai pas assez de force, vers la fin de la journée je peux écrire un peu parfois, dans mon appartement, dans mon bar vide préféré. Quand une lecture est programmée, j’écris la veille le texte. Je ne veux pas savoir ce que j’ai fait. Je me sens sombre et mal à l’aise quand on me parle de mes textes je dois disparaître du temps.
Je sens de la nausée quand on me dit poète, quand un mail est signé : amitié poétique, quand un mail est signé : dans l’amitié du poème, quand un mail est signé : bien poétiquement, quand quelqu’un fait référence à la chanson Poètes vos papiers, quand je vois cette image du graffiti qui dit : Debout poètes, foutons un joyeux bordel, je sens une invariable nausée quand j’entends le mot plume, le mot recueil me donne la maladie de la mort, je suis comme claquée.
Je m’oppose à tous les textes venus de moi, qui sont venus vers moi par moi. Pour me torturer, il faudrait dans une pièce m’enfermer, me tenir les yeux ouverts de force par crochets, et diffuser sur un écran mes textes écrits dans cette vie.
Je renie chaque texte, toute lecture par moi donnée est abjurée.
Comme ma vie tient là-dessus, je défends ce que je renie, je continue de me renier, je continue de défendre ce que je renie pourtant je suis acharnée.
Les textes lorsqu’ils m’arrivent m’animent et me dégèlent.
J’aime les auteurs comiques bouillonnants comme Pierre Guyotat ou Fernando Pessoa ou Thomas Bernhard que je cite en exergue, qui me donne l’élan.
À présent, je vais noter quelques remarques à propos de l’écriture qui me viennent, ou que j’ai relevées, que j’avance sans liaison, sans conjuguer parfois les verbes, sans concentrer :
Faire quelque chose de bizarre.
Il se passe quelque chose.
Il se passe sûrement quelque chose.
Il risque de se passer quelque chose.
J’ai gratté ma tête pendant 20 ans sans dépasser.
C’est personnel.
J’ai disparu quelques secondes
je lisais.
Quand on pense qu’on écrit. J’ai remarqué. Je n’écris pas.
Je n’ai pas de fonction. Le son que je déchire. Quand j’écris. Tout est minuscule. Je me suis couchée pour mesurer la place que je prends. Je suis obstinée.
Il fait la même taille que moi. Un texte. Écrit vers la fin de la civilisation industrielle. Passe après tout le monde. C’est passer. Quand même. C’est obligé.
Je n’ai pas travaillé. Bouge le minimum. Écrase la purée. Après MaloneetMolloy. Meurt. Le soleil se rapproche.
Je me coupe les cheveux quand je termine un livre. Je me filme chaque jour en train de dire un mot. Dans la réalité tout s’est passé en 5 minutes. Dans la vie des personnes, la vie dure une vie.
Je n’encourage pas la reproduction. J’écris peu. Mènent les pensées. Je n’ai pas envie de perdre tout le temps. Le problème avec tout. C’est l’usure. L’érosion. Mais il faut le savoir : ça ne nous concerne pas.
Autant que j’ai pu. Je triche. Je me suis livrée par la parole quand il aurait fallu se taire. Maintenant je suis parée. J’ai triché dans l’écriture parce que ma main voulait tricher. Mais on ne marche pas. Malades. Maintenant je n’écris rien. Je piège par le corps je distraie.
Tout ce qu’il fait. Tout ce qui fait le texte est mérité. Je remarque que l’humanité dure. Posée sur les morts corps. Ça va bien. Le jus des pauvres. Noires les lèvres. Je continue de ne pas me lever. Il n’y a aucune erreur. C’est juste le mauvais moment. J’ai remarqué. C’est le mauvais moment.
Mon visage dépasse.
J’achète une reconstruction.
Je découpe les bords.
Porter des planches de bois.
Porter de l’eau sur la tête.
Porter les valises de quelqu’un qui n’existe plus.
Miley Cyrus apparaît dans un rêve.
Comme c’est un texte
elle a raison
elle chante
comme moi
la vie discount.
Je ne suis pas d’accord pour dire que c’est un métier.
Je ne suis pas d’accord pour dire que c’est séparé.
Ou pleurer sur soi-même.
C’est la même chose.
Pas la peine d’être très malin.
Je suis 100% d’accord avec le sentiment.
Les sentiments se composent à 99, 99% d’eau de source inconnue.
J’ai remarqué.
Nous sommes
un quart vivants
un quart morts
un quart robots
un quart rien.
Mais.
Comme la réalité n’existe pas.
Ils se mettent à écrire.
Ils sont mauvais.
Il faut les aimer.
Le mal prend son temps.
Tous les jours.
Ils vivent sur un socle.
J’ai remarqué.
À un certain moment quand on sera tous morts
ce ne sera pas calme
encore.
Maintenant pareil.
Maintenant aussi.
J’ai remarqué
il nous manque peut-être un os quand on écrit.
Devant son rectangle blanc.
C’est un petit rectangle.
Un grand rectangle blanc.
Il est possible de l’agrandir.
Il fait entre jour et nuit parce qu’il est septembre du soir dangereux.
Le son du rectangle.
Il peut bouger.
Devant ce rectangle.
Le son du rectangle est blanc continu.
La face hébétée de quelqu’un mais fixe.
Devant le rectangle.
Blanc.
Moi, c’est ici que je vis.
Pour la fin du monde.
J’ai remarqué quelque chose :
Vous étiez tous mieux bébés.
Vous étiez mieux en bébés.
Je ne fabrique pas, j’attends, mais sans patience.
Je me mets à écrire au mauvais moment.
Quelques exemples de la vie de ce que j’écris ici :
Poésie réalité :
L’enfant est malade, ses parents le mettent à la porte, pour la sécurité
Cerceau
Cerveau
Cheveux
Le prolongement de l’idée a perdu tout le monde
Poème écrit dans un téléphone cher :
Sparadrap
Gorge
Sparadrap
Sur la gorge
Calvitie
Calvitie
Pauvres personnes
mortes
Teste ton niveau de transparence en écrivant :
Je n’aimerais pas être à ma place
Une personne de mauvaise humeur
Son squelette est de plus en plus fin
Je ne touche pas la vie
C’est quelque chose que je connais
Je suis
Ni l’un
Ni l’autre
Noam Chomsky frappe à la porte. Il veut quoi ?
La même chose que vous.
Conseils de l’Ecclésiaste pour les plus jeunes et les plus pauvres :
J’ai tout essayé, j’aurais voulu me cogner.
Si je disais, je me suis cogné. Je mens.
Casse toi toujours quelque chose
Quelqu’un qui sourie fort effraie
Casse toi toujours quelque chose
Prends de la MDMA et passe la soirée à penser
Je bouge les sourcils quand je pense
Dans la rue, un jeune garçon pleure en écrivant un sms. À qui ?
Nous sommes en train de barrer la vie.
Un monopoème est une métastase :
Le cerveau de l’être humain est un nœud à l’intérieur du texte
Des écrivains font des nœuds musicaux
Certains poèmes ressemblent à des lexomils de 0, 25 mg
Pour se ramollir le cerveau : en lire une dose
Pour s’endormir le cerveau, il faut en lire trois doses
Pour se tuer le cerveau, lisez 803 doses.
Un événement :
Se filmer en train de donner un sandwich à un SDF et poster la vidéo.
Créer une chaîne populaire humainehumanisée.
S’approcher de la réalité avec une lentille transparente.
Le premier épisode d’une série d’actions cérébrales
mortes.
Poésie générée en 2015 :
Les ordinateurs ont mieux raisons.
J’ai trouvé des passages et des endroits non secrets sur Internet.
Il n’y a aucune erreur, mais c’est le mauvais moment.
La peau du visage commence à faire sa tombe vers 3 ans.
L’ordinateur est juste, il donne son relief.
Poème viral et gratuit :
Le souvenir a fait comme vieux maintenant.
C’est courir triste bras pendus qu’est-ce que je vais faire.
Soigné, soigné, troupe, troupeau, soigne au son regarder.
Criquet criquet sans exister tomber tomba le premier, c’était le premier.
Poème juste :
.Peut-être que les animaux vont nous manger.
.Enfin.
.Peut-être qu’ils vont nous manger.
.Personne ne gagne un point.
.Peut-être qu’un jour les animaux vont nous manger.
.Peut-être qu’ils nous mettrons les corps dans les usines que nous avons fabriquées pour ensuite nous manger.
.Peut-être qu’ils nous tueront rapidement automatiquement avec un bon rendement dans les usines propres que nous avons fabriquées.
.Peut-être qu’ils mettront du sperme dans les ventres des femmes pour qu’elles deviennent grosses pour qu’elles fassent le lait pour leur prendre le lait par les seins aspirés.
.Peut-être qu’ils mangeront des céréales de blés dans du lait de femmes avec du café.
.Peut-être que tout sera bio.
.Tout sera bio équitable et local.
.Éthique.
J’ai remarqué quelque chose :
Pas de forme. Laura Vazquez a récemment publié La main de la main, éditions Cheyne, 2014, 56 pages, 16 €
Avec Arno Calleja elle dirige la revue Muscle.
Le site de Laura Vazquez
A noter que le numéro 8 de la revue Muscle sera présenté par Laura Vazquez et Arno Calleja le dimanche 21 février, de 17 h à 20h, à la librairie Le Monte-en-l’air, 71 rue de Ménilmontant, 75020 Paris, avec des lectures de Christophe Manon, Yuhang Li, Mathieu Brosseau.
Présentation de la soirée et de la revue Muscle sur le site du Monte-en-l’air