Pendant “les fêtes” (appellation dont le sens m’échappe parfois – ou plutôt qui me conduit à m’échapper, notamment par la lecture), j’ai continué à explorer l’œuvre de Roberto Bolaño, auteur aujourd’hui fameux (comme en témoigne le dernier Goncourt qui se réclame à haute voix de lui), dont je dois avouer n’avoir lu jusqu’ici que les livres de taille relativement modeste – le  plus marquant dans mon souvenir étant La littérature nazie en Amérique (en passionné de vies imaginaires, de Schwob à Borges) et le plus épais, Le Troisième Reich (à quoi s’ajoutent plusieurs recueils de nouvelles, de brefs romans comme Étoile distante, et l’essentiel de la poésie).

Sans doute Pâture de vent de Christophe Manon qui vient de paraître chez Verdier est-il un des plus beaux livres de cette rentrée d’hiver. Fulgurant, déchiré de violence et d’une extrême douceur à la fois, le récit de Manon s’impose par la force figurative de son écriture et par le chant d’amour dont il caresse les personnages qui figuraient déjà dans Extrêmes et lumineux, son premier récit.

Tout récit est procès, plus encore quand il s’attache à l’Histoire, à la place de la violence et du pouvoir dans l’Histoire : mais que peuvent plus précisément nous dire les procès, en tant que scènes judiciaires, d’un passé récent, le XXe siècle ?

Dans ses crépusculaires et si flamboyants Petits Traités, Pascal Quignard, luttant contre la modernité en entonnant son contrechant féroce, lance combien dans ses récits, le langage se retire de sa phrase, combien l’image s’y déploie comme la force fabuleuse et noire, et combien dire la Littérature, c’est comprendre que « l’image coupe l’herbe sous le pied du langage ». Immanquablement un tel aphorisme, qui défie image et langage d’un même geste, hante de son intempérance sans retour l’un des livres les plus remarquables de cette rentrée littéraire sinon de l’année, splendeur encore trop peu mise en lumière : l’incandescent premier roman de Christophe Manon, Extrêmes et lumineux paru chez Verdier.