« Légitime, c’est un très beau mot légitime. » Tels sont les mots d’Edmund, le « bâtard », qui cherche à prendre la place de son frère Edgar, « la place du haut : celle du légitime ». (Shakespeare, Le Roi Lear, traduction d’Olivier Cadiot, P.O.L, 2022). C’est vrai que c’est un beau mot légitime, comment ne pas être séduit par la beauté et la force de ce qui est fondé, juste et équitable. Et c’est peut-être cela qui frappe immédiatement à la lecture de cet article de Robin Lagarrigue publié le 27 janvier 2023 dans la Revue des deux mondes, « Ernaux – Houellebecq : les mêmes passions tristes ? », l’absence de légitimité.
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« Mon enfance et mon adolescence se déroulent dans un discours sociopolitique, grèves de l’été 1953 contre Laniel, chute de Dien-Bien Phu et, bien entendu, la guerre d’Algérie, qu’on nomme « les événements ». [En 1959] j’évolue vers l’opposition à de Gaulle et m’affirme pour l’indépendance de l’Algérie. Ce sont cette question, cette guerre, avec les attentats de l’OAS, le putsch des généraux, qui impactent mes premières années de fac, comme pour tous les étudiants de cette époque ».
Depuis jeudi midi, la France est jetée dans un rare émoi. L’attribution à la mi-journée du prix Nobel de littérature à Annie Ernaux a fait l’effet d’une véritable tempête. Si, à l’instar de l’académie suédoise, le monde entier salue chez la romancière française son sens aigu de l’observation sociale ainsi que la mémoire interpersonnelle que son écriture, à l’unisson d’une société qu’elle traverse, sait porter, l’accueil en France se montre nettement plus mitigé. Agité, il se révèle profondément divisé, clivé, fêlé. Comme si, plus largement, l’annonce de la distinction d’Annie Ernaux rejouait toutes les fractures littéraires, nationales et politiques qui, depuis bientôt quelques courtes années, agitent le débat public et dont, à son corps défendant, Annie Ernaux serait, depuis la littérature même, l’incarnation la plus accomplie : à la fois le symbole patent et le symptôme latent.
Annie Ernaux est décidément l’une des grandes romancières de notre temps, surtout lorsqu’elle prend des risques autobiographiques, ce qu’elle fit en plus d’une circonstance. C’est bien le cas avec Le Jeune homme que vient de publier Gallimard et qui suscitera sans doute plus d’une réaction de rejet chez certains lecteurs ou lectrices. C’est que la mise en scène d’elle-même au bras d’un très jeune homme, alors qu’elle est pleinement adulte, pourrait choquer.
Le nouveau livre d’Annie Ernaux, Le jeune homme, s’ouvre sur ces mots : « Si je ne les écris pas, les choses ne sont pas allées jusqu’à leur terme, elles ont été seulement vécues ». Comme un prélude à l’art d’écrire, les expériences vécues sont immédiatement présentées comme source première, clôturées par la mise en mots.
Chère Annie,
Vous n’avez pas eu le Nobel, mais sur mon bureau, à côté de la Recherche et sous la photo de Marilyn, trône toujours Écrire la vie, pour me donner du courage, de la hauteur, pour me redonner espoir et foi en la littérature quand il m’arrive de sombrer ou de douter. Annie, vous n’avez pas eu le Nobel mais ça reste si important, Annie Ernaux.
Parfois deux textes, dans un collectif, valent à eux seuls impératifs de lecture. Ici, indéniablement, ceux d’Annie Ernaux et de Joëlle Zask, qui ouvrent et ferment un recueil centré sur la magie et le miracle toujours renouvelé de la lecture, du plaisir du texte. Et ils sont treize à dire Pourquoi lire, dans une forme de manifeste situant la lecture aujourd’hui, entre intime et théorie.
Comment finir ? Comment s’achève l’œuvre d’un écrivain ? Comment son écriture vieillit-elle ? En un mot : existe-t-il un âge littéraire des écrivains ? Ce sont à ces questions délicates et rarement posées que s’est récemment attaqué un essai aussi neuf que stimulant de Marie-Odile André, Pour une sociopoétique du vieillissement littéraire, paru chez Honoré Champion.
L’Occupation est un court, très court roman. Dense. Brut sinon brutal. Un concentré de roman, dont chaque page, chaque phrase éveille d’autres mots en écho, les nôtres bien sûr mais aussi ceux que la littérature a déjà trouvés sur ce sujet qui est un véritable topos : la jalousie.
La première fois ce fut à la télé, son visage calme et rayonnant, d’une grande beauté, face à Julia Kristeva. Il était question de Beauvoir et des Lettres à Sartre, c’était une émission de Pivot, je suis tombé amoureux, d’un coup, avant de la lire.
L’usage de la photo d’Annie Ernaux et Marc Marie est de ces livres qui mêlent textes et photographies et dont les images ne sont pas conçues comme des illustrations mais comme un texte à part entière, créant une tension, un écart parfois, une polyphonie à coup sûr.