Les fins d’année ne seraient pas ce qu’elles sont dans l’esprit de chacun sans leur lot d’inévitables palmarès de ce qui a pu marquer musicalement les 12 derniers mois, s’agissant notamment de la pop music. Pourtant, d’emblée, avant même d’offrir un quelconque top 10, une question urgente se pose qui, depuis quelques années, se fait entendre de manière lancinante dans toute son inquiétante singularité : la pop music existe-t-elle encore ? Existe-t-il encore une star globale ? Existe-t-il même encore une identité sonore des années 20 ? Rien n’est moins sûr.
Auteur : Johan Faerber
La rentrée littéraire, chaque année, ce n’est jamais en premier lieu une simple question de lettres. Ce sont tout d’abord des chiffres. Car, en France, on le sait, la rentrée littéraire est un événement ritualisé, un événement médiatique, un événement commercial qui, chaque année, fait du livre un événement symbolique : une manière de rite de passage. Au cœur de la Nation qui a inventé la notion de « Grand écrivain », il y a, chaque année, le frémissement de voir à la fois un écrivain que l’on suit depuis quelques livres subitement le devenir ou de découvrir qui, immédiatement, selon le conte médiatique, sera appelé à l’être.
L’odyssée des éditions Musidora, emmenées par Nicolas Tellop, s’annonce décidément passionnante : après l’étonnant et riche Anachronopoète, voilà que la jeune et inventive maison annonce la réédition de deux romans cultes devenus introuvables : Ne sont pas morts tous les sadiques et Le Festin des charognes d’un certain Max Roussel dont on sait peu de choses. A l’occasion d’une levée de fonds pour mener ses rééditions à bien, Nicolas Tellop est longuement revenu pour Diacritik sur la personnalité pour le moins trouble de Max Roussel et sur son écriture si étonnante et violente, quelque part entre Céline et Burroughs.
Peut-être est-il toujours très difficile de parler d’un film qui parle de soi à nu, qui trouve dans l’image la force même de déborder du cadre et de trouver depuis le cadre lui-même une double chance : celle de conjurer la mort mais surtout celle de retrouver la vie. Et peut-être est-ce là que se tient la force inouïe du dernier film de Christophe Honoré, Le Lycéen qui sort ce mercredi et qui constitue sans nul doute son film le plus abrasif, le plus violent mais aussi, de loin, le plus beau.
Une splendeur : tel est le mot qui vient à l’esprit quand on achève la lecture de Nous sommes maintenant nos êtres chers de Simon Johannin, qui paraît en poche chez Points. A la fois incandescent et sombre, ce recueil a marqué l’entrée du jeune romancier en terre de poème après L’Été des charognes et Nino dans la nuit. Ici, la poésie devient comme un hymne tremblant mais confiant à tous les corps disparus qui peuplent les nuits du poète.
C’est un choc, c’est un événement dans l’espace poétique contemporain que Séverine Daucourt signe avec Les Eperdu (e)s qui paraît aux toujours passionnantes éditions LansKine. Dans une puissance lyrique au souffle suffoquant, Daucourt livre une odyssée poétique tremblante mais ferme depuis son expérience personnelle du suicide, sa place de soignée à partir de laquelle, devenue poète et soignante, elle va sonder ce qui dans la société étiquette les unes et les autres. Dans une forme poétique qui tresse les voix des soignés, de l’institution médicale et des poètes, Daucourt défend la poésie comme renaissance à la singularité entière du monde. Inutile de dire que Diacritik ne pouvait qu’aller à la rencontre de la poète le temps d’un grand entretien pour échanger autour de l’un des livres majeurs de l’année.
De recueil en recueil, depuis bientôt une vingtaine d’années, Suzanne Doppelt s’est imposée comme l’une des voix majeures de la poésie contemporaine. Son dernier recueil, Et tout soudain en rien qui paraît chez P.O.L, vient confirmer son remarquable travail à la croisée de la voix et de l’image. Après avoir interrogé la peinture, Doppelt s’intéresse ici avec force sur la prégnance du visible, son rapport au dicible à travers l’énigme de la photographie au cœur de Blow Up d’Antonioni. Remake de ce film aux prises avec une enquête sur les fantômes de l’image, Et tout soudain en rien sonde le rapport de la captation de l’image au monde, aux mots. Autant de pistes que Diacritik ne pouvait qu’explorer en compagnie de Suzanne Doppelt le temps d’un grand entretien.
C’est un des chocs littéraires de cette année : Une mère éphémère d’Emma Marsantes, paru chez Verdier, s’impose comme l’un des récits qu’il faut lire toute affaire cessante. Dans une langue heurtée, brisée, profondément tendue et neuve, Mia raconte son histoire. Et elle est terrible. Elle dit sa mère folle, son père prince déchu. Elle dit son frère qui la viole, son voisin qui abuse d’elle sans qu’enfant elle le comprenne bien. Elle dit aussi bien la survie depuis l’écriture, dont son récit est ici l’issue presque miraculeuse. Autant de raisons pour Diacritik de partir à la rencontre de son autrice le temps d’un grand entretien pour saluer ce rare événement de la naissance d’une voix singulière.
Les années 20 se sont ouvertes sur un grand roman de Jean Echenoz, l’enlevée et enthousiasmante Vie de Gérard Fulmard. Récit nourri de multiples rebondissements, cette vie en apparence anodine est celle de Gérard Fulmard, homme ordinaire pris dans une histoire bientôt extraordinaire, aux prises avec son psychothérapeute singulier, lui-même mêlé à un parti politique tout aussi singulier. Dans ce roman noir porté par l’énergie d’un Buster Keaton, Echenoz réinvente une célèbre tragédie racinienne où, pour la première fois de son œuvre, la première personne domine la narration. Autant de raisons d’aller à la rencontre du romancier le temps d’un grand entretien que Diacritik republie à l’occasion de la parution du roman dans la collection de poche des éditions de Minuit
Ce week-end a lieu le 32e Salon de la Revue qui se tient ces samedi et dimanche à la Halle des Blancs Manteaux à Paris. C’est toujours l’occasion de venir à la rencontrer des directrices et directeurs de revue, d’échanger avec des auteurs et d’assister à un vaste plateau de rencontres. La vie des revues est plus que jamais dominée par un véritable vivier : à la fois créatif mais aussi critique.
Depuis jeudi midi, la France est jetée dans un rare émoi. L’attribution à la mi-journée du prix Nobel de littérature à Annie Ernaux a fait l’effet d’une véritable tempête. Si, à l’instar de l’académie suédoise, le monde entier salue chez la romancière française son sens aigu de l’observation sociale ainsi que la mémoire interpersonnelle que son écriture, à l’unisson d’une société qu’elle traverse, sait porter, l’accueil en France se montre nettement plus mitigé. Agité, il se révèle profondément divisé, clivé, fêlé. Comme si, plus largement, l’annonce de la distinction d’Annie Ernaux rejouait toutes les fractures littéraires, nationales et politiques qui, depuis bientôt quelques courtes années, agitent le débat public et dont, à son corps défendant, Annie Ernaux serait, depuis la littérature même, l’incarnation la plus accomplie : à la fois le symbole patent et le symptôme latent.
Quel bonheur de lire, au milieu de cette rentrée littéraire si riche, le nouveau livre de Christian Rosset, Pluie d’éclairs sur la réserve, si fécond journal critique et si puissante réflexion plastique qui vient de paraître à L’Association. Dans ce que l’auteur nomme de lui-même une « hantologie », le critique se fait le guetteur mélancolique de notre modernité, la traquant notamment dans la bande dessinée comme autant de déambulations et flâneries dans le 9e Art. De Guido Crepax à Catherine Meurisse en passant par Godard, Rosset nous livre ses frottages esthétiques, ses éclairs des rencontres, ses aperçues fugitives mais durablement marquantes, dessinant à main levée un art poétique de la lecture. Diacritik ne pouvait manquer d’aller à la rencontre de ce diariste critique à l’occasion de la parution de cette impressionnante méthode de lecture que tout critique devrait lire.
C’est un livre événement, sans doute aucun, l’un des plus importants essais parus cette année : Qui parle ? (Pour les non-humains) de Kantuta Quirós et Aliocha Imhoff, qui paraît aux PUF dans la collection « Perspectives critiques » reprend, avec force, la question du « qui parle ? » afin de la poser à l’ère anthropocène. Comment donner ainsi la parole, en notre temps, à ceux qui ne peuvent la prendre, animaux, machines, végétaux ? Ne faut-il pas inventer ce qu’on pourrait nommer une politique du silence qui rendrait la démocratie à la démocratie en l’élargissant hors de l’humain ? Autant de questions passionnantes et fondatrices que Diacritik est allé poser aux deux essayistes le temps d’un grand entretien.
« Nous cherchons des mots, peut-être cherchons-nous aussi des oreilles » clamait lumineux de confiance Nietzsche dans Le Gai Savoir en une formule sans trêve qui pourrait tenir lieu de préambule à Mourir et puis sauter sur son cheval, le magistral roman de David Bosc, fiévreux récit de douleur, qui sort en poche chez Verdier.
Thésée, sa vie nouvelle de Camille de Toledo sort en poche chez Points. Ce roman conte, comme une traversée de la nuit et de la douleur, le destin de Thésée qui, après le suicide de son frère, plonge dans son histoire familiale. Magnifique et bouleversant, Thésée, sa vie nouvelle œuvre entre le poème, l’enquête et l’archive pour offrir une rare leçon de vie. C’est à l’occasion de la parution en grand format chez Verdier de ce remarquable livre, sans doute son meilleur à ce jour, que Diacritik avait choisi de rencontrer son auteur, pour un entretien que nous re-publions aujourd’hui.