Depuis sa thèse sur Gilles Deleuze, Véronique Bergen a définitivement quitté les ontologies de la profondeur au bénéfice de la surface, de ce qui arrive de manière épidermique, toujours au contact des événements dont nous sentons bien qu’ils viennent trouer la carapace de l’être. Il y était question déjà de dispositifs, à partir des Stoïciens, de Nietzsche, des jeunes filles de Carroll. Et les dispositifs sont sans doute ce qui reste déterminant dans cette longue traversée de Deleuze qui signe les débuts de Véronique Bergen.

Pour ceux et celles qui n’ont pas vu l’exposition Araki au Musée Guimet, il est possible de regarder et lire le magnifique catalogue de l’exposition que publient les éditions Gallimard en partenariat avec le Musée Guimet. Sous la direction de Jérôme Neutres, il offre une rétrospective des créations marquantes d’Araki de 1965 à 2016 ainsi que de nombreux inédits qu’accompagnent les textes de Tadao Ando, Philippe Forest, Jérôme Ghesquière, Michael Lucken et Sophie Makariou. Une création conçue spécialement pour l’événement au Musée Guimet, « Tokyo Tombeau », ferme le livre.

Serge Féray, qui a rencontré Nico entre 1985 et 1987, livre dans son essai un voyage éblouissant dans les sous-bois de l’univers de Nico, un tombeau en forme de chant d’amour. Ce livre réussit la gageure de sécréter une magie sœur de l’hypnose, de l’alchimie noire que dégagent les albums de Nico : The Marble Index, Desertshore, The End. À pas de loup, Serge Féray est entré dans le labyrinthe nicoesque, a sondé les innovations expérimentales que la déesse de la lune (dixit Andy Warhol) apporta à une scène rock dont elle s’éloigna pour incarner dans une texture sonore inédite ses fantômes, ses démons, son père évaporé, ses fêlures, le spectre de l’Allemagne nazie, le bruit des bombes.

Lors d’entretiens que j’ai réalisés sur «création et critique», un glissement s’est opéré dans les échanges de la critique (littéraire) vers le politique. Quels enjeux critiques et politiques traversent le travail d’écriture ? Un nouveau cycle d’entretiens s’ouvre sur cette question, cette fois dans Diacritik, avec différentes auteures.

Le titre de la fiction de Véronique Bergen, Le cri de la poupée, allie de manière paradoxale le vivant et de l’inanimé, l’expression et la chose muette, l’organique et l’artificiel. Une poupée est dotée du pouvoir de crier, comme si elle était douée de vie. Mais c’est aussi bien le vivant qui est doté des qualités de l’inerte et de la chose artificielle. Le titre condense ainsi les principales lignes qui donnent à ce livre sa logique étrange : le vivant devient poupée et l’humain devient insecte, le mort devient vivant, ou en tout cas parlant, les êtres se dédoublent, les corps subissent une subversion de leur ordre organique pour tendre vers l’inorganique (la poupée) ou de nouvelles configurations étranges (« Te déconstruire, te réagencer, faire de ta bouche un anus »), ou encore passer les frontières des espèces et des règnes (« avant de naître poupée, j’avais vécu en chien »).

 Ma première réaction fut de ne surtout pas écrire sur l’écrire, de ne pas surplomber l’écriture, de ne pas ouvrir ses viscères pour en exposer ses lignes en amont, ses lignes en aval. Ma première réaction fut de me tenir dans l’angle qui interdit qu’on redouble l’écrire en écrire d’écrire, qu’on réfléchisse l’écriture en une méta-écriture.