Cocasse et poignant : tels sont les deux termes qui traversent l’esprit après avoir achevé la lecture du remarquable premier récit d’Élise Golberg, Tout le monde n’a pas la chance d’aimer la carpe farcie, qui vient de paraître aux éditions Verdier.
éditions Verdier
Si vous n’avez pas encore lu Samy Langeraert, arrêtez tout, et précipitez-vous sur son deuxième récit, Les Deux dormeurs qui vient de paraître chez Verdier. Après le très beau Le Temps libre, le jeune romancier revient avec un récit encore plus troublant de douceur et de beauté contemplative. Un jeune homme, ancien étudiant en art, s’installe des après-midis entières dans la cafétéria d’un centre d’art pour y travailler à des textes mais observe aussi bien les clients. S’il s’attarde à regarder les uns et les autres, s’engage très vite un autre récit qui questionne le rapport au monde, au travail dans un rare effet Bartleby. Poème en prose magistral davantage même que roman, Les Deux dormeurs est un livre de prix que Diacritik vous invite à découvrir en compagnie de son auteur le temps d’un grand entretien.
Longtemps attendue, espérée, désirée, longuement mûrie, La Petite Beune, suite magnifique à la non moins magnifique Grande Beune, parue il y a maintenant un quart de siècle (très précisément en 1996), sera donc venue, comme le roi, quand elle l’aura voulu, à son heure, l’heure juste de ce midi du désir qui constitue, du récit, le foyer et le thème. Venue à temps, mais un temps sien, et de ce fait à plus d’un titre intempestive.
Il y avait d’abord la Grande Beune en 1996, il y a maintenant la Petite Beune en 2023. Vingt ans après, ou un peu plus mais au fond c’est la même chose : si on fermait les yeux, pour un peu on reverrait d’Artagnan sorti de la poussière, Aramis et ses fanfreluches de précieux, Athos et sa mélancolie souveraine, Porthos et son rire de géant – le retour des vieux guerriers, ou les vieux guerriers sur le retour, ce qui n’est pas la même chose. Dumas avait eu le nez creux quand il avait fait revenir ses mousquetaires : non tellement parce qu’il annonçait la mécanique sérielle, non tellement parce qu’il annonçait Proust par la question du temps, mais parce qu’il montrait qu’en littérature il n’est au fond question que de retour. Homère l’avait déjà dit, et avant lui Gilgamesh : on ne fait que revenir, réarpenter les mêmes sillons mais en étant, Héraclite nous l’a enseigné, jamais le même que la première fois – Pierre Michon le sait bien.
Avec Porte du Soleil, Christophe Manon publie sans nul doute un de ses plus beaux textes, touchant à une bouleversante et rare grâce. Troisième volet d’Extrêmes et lumineux, ce nouveau roman voit Manon partir en Italie en quête de ses origines familiales dans un monde traversé de la peinture et de la poésie de la Renaissance. Odyssée du vivant qui revient de la mort, Porte du Soleil offre une réflexion incarnée sur la place que les vivants occupent pour les morts. Il faut lire Porte du Soleil comme l’un des jalons essentiels de notre contemporain. Autant de pistes de réflexion que Diacritik a cherché à explorer avec l’écrivain le temps d’un grand entretien.
Je ne sais pourquoi, une expression idiote me trotte dans la tête depuis le réveil : Aller plus vite que la musique. Curieuse façon de dire, que je n’ai jamais comprise. Peut-être vaut-il mieux ne pas être musicien pour en faire usage.
Indubitablement, Une histoire du vertige de Camille de Toledo, qui paraît chez Verdier, s’offre comme l’une des plus remarquables et stimulantes réflexions de ces dernières années. Livre adressé, narration des narrations, Une histoire du vertige revient, à la lumière de la littérature, sur nos temps présents pour comprendre ce vertige, ce sentiment d’effondrement par lequel l’homme détruit ses appuis terrestres. Essai écopoétique, Une histoire du vertige dresse le sombre tableau des fictions qui ont confisqué le monde et ont fini par le détruire. Peut-être s’agit-il ici d’un essai de critique épique, premier du genre et ouvroir potentiel à un renouveau critique. Autant de perspectives ouvertes par un grand entretien avec Camille de Toledo autour de ce livre clef.
Avec La Sainte de la famille, Patrick Autréaux signe sans doute son plus beau texte, le plus vibrant, le plus mystique. Après l’éclatant Pussyboy, un des récits les plus importants de ces dernières années, l’écrivain poursuit chez Verdier une quête autobiographique qui se fait cette fois involutive. C’est peut-être même uniquement l’histoire d’un trou : celui que provoque la mort de sa grand-mère qui ravive en lui le désir d’écrire l’histoire sensuelle entre toutes de Sainte Thérèse de Lisieux. Pour saluer l’un des romans majeurs de cette rentrée d’hiver, Diacritik ne pouvait manquer d’interroger le romancier le temps d’un grand entretien.
C’est un des chocs littéraires de cette année : Une mère éphémère d’Emma Marsantes, paru chez Verdier, s’impose comme l’un des récits qu’il faut lire toute affaire cessante. Dans une langue heurtée, brisée, profondément tendue et neuve, Mia raconte son histoire. Et elle est terrible. Elle dit sa mère folle, son père prince déchu. Elle dit son frère qui la viole, son voisin qui abuse d’elle sans qu’enfant elle le comprenne bien. Elle dit aussi bien la survie depuis l’écriture, dont son récit est ici l’issue presque miraculeuse. Autant de raisons pour Diacritik de partir à la rencontre de son autrice le temps d’un grand entretien pour saluer ce rare événement de la naissance d’une voix singulière.
« Nous cherchons des mots, peut-être cherchons-nous aussi des oreilles » clamait lumineux de confiance Nietzsche dans Le Gai Savoir en une formule sans trêve qui pourrait tenir lieu de préambule à Mourir et puis sauter sur son cheval, le magistral roman de David Bosc, fiévreux récit de douleur, qui sort en poche chez Verdier.
Indéniablement, livre après livre, David Bosc s’impose comme l’une des voix majeures de la littérature contemporaine. Son nouveau récit, Le Pas de la Demi-lune, splendeur hantée par Marseille, le Japon des Samouraïs et les paysages d’attente de Julien Gracq, ne déroge pas à la règle. À Mahashima, au milieu des ruines, bien après un conflit, deux personnages, Shakudo et Ryoshu vivent heureux jusqu’à ce que Ryoshu décide de revenir sur les paysages de son enfance. Dans une langue mesurée, d’une rare délicatesse, David Bosc livre le contemporain à une écriture du sensible et une réflexion sur la communauté en tout point remarquable. Diacritik est allé à la rencontre du romancier le temps d’un grand entretien car, plus que jamais, il faut lire David Bosc.
Avec Jean-Luc et Jean-Claude, Laurence Potte-Bonneville s’impose comme l’une des plus belles révélations de cette rentrée littéraire. Publié chez Verdier, ce bref et joyeux récit nous livre à la compagnie des étonnants quinquagénaires Jean-Luc et Jean-Claude qui, un soir, ne pouvant valider leur grille de loto, décident de ne pas rentrer dans leur foyer et de partir à l’aventure pour trouver un autre PMU. Dans ce road movie en région, les deux personnages, entre Bouvard et Pécuchet ou Mercier et Camier, vont croiser des figures aussi hautes en couleur. Une telle écriture à l’écoute de l’étrangement du monde et de ses singularités sensibles ne pouvaient manquer d’ouvrir des questions que Diacritik est allé poser à la romancière le temps d’un grand entretien.
Jean-Louis Comolli est mort. Au-delà de la grande tristesse que cette nouvelle engendre (il fallait s’y attendre, on le savait malade depuis longtemps, je sais bien mais quand même…), qu’est-ce qui fait que cette disparition me (nous) laisse si éperdus, comme désorientés ?
Nimbé de fantastique en même temps que de modernité technologique, Cent ombres, premier roman d’une autrice sud-coréenne est tout à fait surprenant. On aimera d’emblée l’écriture de Hwang Jungeun, son écriture enchaînant les sept chapitres qui forment ce roman. Et l’on notera déjà que cela commence par une promenade en forêt pour se terminer par une excursion dans une île située au large alors même que décor et action du roman ont bien plutôt des allures urbaines.
« Il y avait un jour, un pays qu’on nommait Chili, et dans ce pays une ville qu’on appelait Santiago, et dans cette grande ville, une petite maison bleu ciel où vivaient deux petites filles… » Ces filles, ce sont Camilia et Javiera, à qui Carmen Castillo dédie Un jour d’octobre à Santiago lors de sa publication en 1980.