Aucune date, monument ou commémoration n’ont jamais été imaginés ou érigés pour célébrer la mémoire des milliers de femmes immolées sur les bûchers de l’histoire européenne. Alors que l’effigie de leurs exécuteurs lève le menton sur les piédestaux de la renommée & de la fortune. D’une part, les bûchers, sorcières et violences sexistes — de l’autre, le capitalisme : quel rapport entre les deux ? Tel est l’objet du dernier livre de Silvia Federici, Une guerre mondiale contre les femmes.

À l’heure où la loi Lang fête ses 40 ans, qu’un géant comme Amazon ne cesse de menacer les librairies indépendantes, où on annonce encore qu’un logiciel comme Alexandre et Aristote remplacera bientôt tout travail de conseil de libraire, Diacritik ne pouvait manquer d’aller à la rencontre de Patricia Sorel qui sort une suggestive et fort instructive Petite histoire de la librairie française à la Fabrique. L’occasion de faire avec la chercheuse le point sur un commerce qui, dès ses origines, a toujours été menacé mais a toujours su résister.

En attendant la réouverture des librairies, et dans une politique de partage en temps troublés, La Fabrique éditions offre dix titres de son très riche catalogue en téléchargement gratuit. L’occasion, pour Diacritik, de remettre en ligne l’article que Jean-Philippe Cazier avait consacré à l’essai de Françoise Vergès, Un féminisme décolonial, en septembre 2019.

Aussi remarquable que passionnant : tels sont les deux termes qui viennent immanquablement qualifier le nouvel essai de Jacques Rancière, Le Temps du paysage qui vient de paraître à La Fabrique. A la croisée des 18e et 19e siècles, Le Temps du paysage identifie et cristallise ce moment dans l’histoire au cœur duquel le paysage ne renvoie plus à une simple question d’aménagement mais vient profondément affecter les sens et les critères de la beauté et de l’art. Ce moment de bascule dans la conception de la nature ne manque pas de faire plus largement écho à notre temps en nous posant la question de l’écologie. Autant de raisons pour Diacritik de rencontrer le philosophe et de l’interroger le temps d’un grand entretien sur son essai, sur sa méthode sans oublier l’écologie, la ZAD et le bac blanquer.

Dans Un féminisme décolonial, Françoise Vergès développe un point de vue critique sur le féminisme pour en repenser les conditions de possibilité et les finalités. Il ne s’agit pas de nier la pertinence et la nécessité d’une pensée et d’une politique féministes mais de produire une nouvelle dynamique – et de nouvelles alliances – qui ne répéterait pas les impasses et points aveugles qui font du « féminisme civilisationnel » un nouveau moyen d’oppression.

Le titre du livre de Laurent Cauwet, La domestication de l’art, s’entend en deux sens : le dressage et l’asservissement de l’art, ainsi que la réduction de celui-ci à un domaine de l’économie, un moyen de produire des biens et de participer au marché. Laurent Cauwet analyse la façon dont l’art aujourd’hui en France est attaché à la logique néolibérale et à une certaine politique d’Etat à travers un ensemble d’institutions et de pratiques qui, monopolisant la vie artistique et la finançant, font de l’art un champ à la fois dominé et un moyen de la domination.

« Pourquoi des poètes en temps de détresse ? » s’interrogeait en 1992 Jacques Rancière en reprenant la célèbre formule d’Hölderlin quand, à l’instar du poète romantique et devant une époque troublée d’hommes et désertée d’idées, le philosophe ouvrait l’action poétique à la tâche alors inouïe : celle de voir le présent qui ne se donne pas, redonner au temps sa puissance à être temps, trouver dans le présent ce qui s’imprésente, et ainsi dire de quelle étoffe se tisse le temps lui-même.