C’est sûrement le mouvement de caméra le plus raté de Steven Spielberg et probablement le plus beau… Le jeune héros s’en va au loin, au milieu des studios comme Chaplin au milieu de la route, la ligne d’horizon est au centre. Alors un mouvement aussi brutal que voyant réaxe la caméra, comme une maladresse de cadreur. La ligne d’horizon n’est plus au centre, et l’on comprend : un réalisateur est né, celui qui incarnera le mieux le cinéma aux yeux du grand public, à travers le monde…

On le sait depuis son premier film, Ruben Östlund est un cinéaste talentueux, l’un des plus intéressants du PC (paysage cinématographique). On le sait depuis son premier film, Ruben Östlund n’est pas le cinéaste le plus subtil du monde, plus Marco Ferreri que Antonioni… L’ironie étant qu’il prend un malin plaisir à montrer que justement le monde n’est pas plus fin que ses films  en brossant le portrait des happy few qui se pensent au-dessus de la plèbe : familles modèles, intellos bourgeois bohèmes et ici les grands vainqueurs du capitalisme.

S’il fallait à tout prix trouver des héritiers aux cinéastes disparus, ce qui n’est pas certain, l’héritier de Kubrick serait Paul Thomas Anderson. Certes pour lui, contrairement au réalisateur de Barry Lyndon, chaque film n’est pas l’occasion de revisiter un genre mais il suscite la même attente auprès des cinéphiles, on espère chaque fois de lui un grand film, assez différent du précédent : on veut être séduit et surpris. Licorice Pizza séduit et surprend.

Depuis Memories of Murder, peut-être le plus important film noir de ces 20 dernières années, on savait que Bong Joon Ho était un cinéaste majeur. Il confirma avec une filmographie presque impeccable, au point que le ridicule et consternant Okja soit immédiatement considéré comme un accident. Parasite le confirme : il est bien l’un des plus grands cinéastes actuels et la Corée du Sud est décidément une des cinématographies dominantes depuis plus de 20 ans. Le film a reçu une pluie de prix : César du meilleur film étranger, Oscar du meilleur film, Palme d’or, Golden Globe du meilleur film étranger, Brit Award, etc.

Le 1917 de Sam Mendes s’ouvre sur un soldat au pied d’un arbre et se termine… au pied d’un arbre, le temps d’un film entièrement tourné en plusieurs plans-séquences qui, magie du montage numérique, n’en forment qu’un seul. Entre-temps, la caméra n’aura pas lâché un instant ce soldat, le suivant à chaque pas dans sa mission. Mais il serait vraiment dommage de réduire 1917 à cette seule prouesse visuelle.

Le monde entier est un théâtre, et tous les femmes et les hommes seulement des acteurs, et un homme dans sa vie joue différents rôles…
William Shakespeare, Comme il vous plaira

Marco Bellocchio est l’un des grands maîtres du cinéma mondial. Là où d’autres peuvent se reposer sur un système, souvent avec succès (voir le dernier Ken Loach, énième variation, brillante, du genre qui a fait sa réputation), Bellocchio reste insaisissable. Au lieu de nous éclairer sur sa cinématographie, chaque film est l’occasion de nous surprendre et de nous mettre en face de la grande complexité d’une œuvre singulière et d’une rare diversité.

On sait depuis les Batman de Tim Burton, et notamment son superbe deuxième opus Le défi, qu’il ne faut pas plus mépriser les films de super héros que les westerns il y a quelques décennies. Il aura fallu du temps pour que certains admettent que chez Ford, Hawks, De Toth et les autres, le film de genre se confond avec le film d’auteur — et on peut même toujours préférer un blockbuster réussi à un mauvais film d’auteur. Avec Joker, la question ne se pose plus.

Depuis Memories of Murder, peut-être le plus important film noir de ces 20 dernières années, on savait que Bong Joon Ho était un cinéaste majeur. Il confirma avec une filmographie presque impeccable, au point que le ridicule et consternant Okja soit immédiatement considéré comme un accident. Parasite le confirme : il est bien l’un des plus grands cinéastes actuels et la Corée du Sud est décidément une des cinématographies dominantes depuis plus de 20 ans.

Budapest au début du XXe siècle. Une jeune femme entre dans un prestigieux magasin de chapeaux, elle est accueillie comme une cliente… Après une séance d’essayage, elle se présente, elle est venue « pour l’annonce » : elle s’appelle Irisz Leiter, le magasin a été fondé par ses parents disparus et elle cherche à retrouver les circonstances de leur disparition. Elle aurait un frère dont elle cherche la trace. La caméra la suit, la cadre en gros plan.

Certains films produisent sur nous un effet immédiat : on sort de la salle, secoué, comme bousculé. On aimerait en dire beaucoup de bien, mais, curieusement, le film s’efface, on l’oublie. Quelques mois plus tard, il n’en reste plus grand-chose. A l’inverse, plusieurs mois après l’avoir vu, Une affaire de famille traine encore dans la tête, y a établi ses quartiers, grossit : c’est un de ces films entêtants, marquants, qui s’imposent à nous petit à petit jusqu’à l’évidence : ce que l’on croyait être un très bon film est bien plus encore : une œuvre majeure.

Il peut arriver aux spectateurs, et bien entendu à l’auteur de ces lignes, de  ne voir dans un film que ce qu’ils ont décidé de voir avant même la première scène. Paolo Sorrentino s’amuse avec l’image que certains critiques et spectateurs peuvent avoir de lui :  virtuose pour les uns, artificiel pour les autres (souvent chez ceux qui considèrent que la nouvelle vague est un dogme et toute tentative de faire du cinéma un blasphème).

Un serial killer peut-il faire de la mort une œuvre d’art et donc être lui même un artiste ? Voilà la question censément provocante qui est au cœur du dernier film de l’autoproclamé enfant terrible du cinéma, Lars Von Trier dans son dernier opus The House that Jack built (notons que les distributeurs ont échoué à trouver une traduction française, relevant le défi, j’ai imaginé un truc un peu dingue : « la Maison que Jack a construite »).