La nuit, le noir, des éclairs et des détonations : une fusillade au beau milieu de nulle part, d’abord filmée de loin, puis nous apercevons deux silhouettes à l’assaut d’une cabane. On distingue plus qu’on ne voit, mais on comprend : des hommes en tuent d’autres, les achevant sans pitié : un western.
Auteur : Jeremy Sibony
Il y a bien longtemps que San Gennaro a abandonné Naples. Plus probablement a-t-il été acheté par quelques mafieux locaux qui ne protègent plus que les camoristes et les footballeurs… Là-bas encore plus qu’ailleurs, la loi du plus fort est la seule qui soit respectée : Dogman, le dernier film de Matteo Garrone illustre magistralement cette défaite du monde civilisé.
Plusieurs semaines après le visionnage de la chose, la question reste en suspens : A Genoux les gars est-il le pire film que j’ai pu voir au cinéma ?
Il serait dommage de ne voir en Jafar Panahi qu’un symbole de la liberté victime de l’intégrisme islamiste. Bien entendu, il est impossible de l’oublier et il n’est pas question une minute de l’oublier, comme on n’oubliera pas le cas de Kiril Srebennikov, cinéaste russe maintenu sous résidence surveillée par le régime autoritaire de Vladimir Poutine.
L’écran se réduit au format 4/3 ; littéralement enfermée dans ce cadre serré, une jeune fille : Ila, disparaissant presque sous des couches de vêtements informes. On étouffe, nous sommes dans le cadre avec Ilana. le film vient de nous happer, nous voilà enfermé dans cette ville du Caucase.
C’est une tragédie banale dans un monde violent : une ado sort le soir, elle ne reviendra pas. On retrouvera son corps calciné, 3 Billboards commence alors que tout est terminé : le meurtre, la maladie aussi, tout est joué, reste le deuil et la douleur.
Palme d’or surprise du dernier festival de Cannes, The Square aura donc suscité la controverse, ce qui est le propre d’une Palme d’or : audacieux pour les uns, caricaturales pour d’autres, le film de Ruben Östlund, déjà réalisateur du très prometteur Snow Therapy divisait la critique. La polémique est naturelle, on peut penser qu’elle ne déplaît pas au réalisateur qui fait montre d’un véritable goût pour la provocation. Cependant, au-delà des critiques, forcément subjectives et pour la plupart totalement légitimes, on peut se demander si chez quelques uns, ce n’était pas le film mais son propos dérangeant qui posait problème : la remise en question de nos bonnes consciences, le regard lucide sur l’humanisme affiché des belles âmes. The Square n’épargne pas les intellectuels aux grandes idées, on peut imaginer que se retrouver chez le héros un peu pathétique du film n’a pas forcément plus à tous.
C’est devenu un lieu commun, mais un grand cinéaste se mesure autant à ses chefs d’œuvres qu’à ses films moins réussis. Michael Haneke venant de réaliser coup sur coup deux très grands films, Le Ruban blanc et Amour, pour autant de palmes d’or, le retour à l’ordinaire était inévitable, l’ordinaire étant chez le sémillant autrichien tout à fait relatif.
La tragédie s’ouvre sur un plan sublime et déjà angoissant, le plan d’une forêt enneigée. Au pied d’un arbre un morceau de cordon d’interdiction d’entrer est le premier signe du désastre à venir. Le plan dure, comme s’il fallait profiter de ce moment de calme avant que le mécanisme précis et impitoyable des films d’Andreï Zvyaguintsev ne vienne tout balayer.
Objet d’un culte que ne justifie pas un visionnage raisonné de ses films, Jean-Luc Godard n’est plus un cinéaste depuis bien longtemps mais un personnage, un rôle. Qu’il devienne le principal protagoniste d’une fiction est donc la suite logique d’une carrière chaotique qui aura vu un cinéaste reconnu par le plus grand nombre devenir un gourou pour certains, une caricature grotesque pour d’autres. C’est justement à la croisée des chemins que se situe Le Redoutable.
Le cinéphile porte en lui une malédiction : il est condamné à ne jamais être cru. On va lui demander son avis, pour surtout ne jamais le respecter. On vous demande qu’y-a-t-il-à-voir-au-cinéma-en-ce-moment, et on sait que c’est foutu parce que la plupart du temps, on n’apporte pas la bonne réponse. Par exemple, si au milieu du mois d’août on me demande ce qu’il faut voir, je vais répondre : Une femme douce. Jusqu’ici, tout va bien. Sauf que l’on se méfie de vous. « Et ça raconte quoi ? » Et là, vous savez que la partie est perdue.
D’abord, il y a ce silence, ces soldats anglais qui cherchent des provisions dans Dunkerque désertée. Puis, de nulle part, des tirs, les hommes tombent, l’ennemi est invisible, il le restera durant tout le film, un soldat court pour survivre, bienvenue à Dunkerque.
Après Général Idi Amin Dada sur le terrifiant dictateur ougandais puis L’avocat de la terreur , où il dévoilait la face cachée de Jacques Vergès, Barbet Schroeder achève sa trilogie de la terreur avec Le vénérable W., documentaire glaçant sur le moine birman Wirathu, bouddhiste prêchant la haine et appelant à la disparition de la minorité musulmane des Rohingyas.
Alors que la sélection du festival de Cannes vient de tomber, on peut déjà être sûr d’une chose : la sélection est décevante, incomparablement moins bonne que la précédente. Comment puis-je le savoir ? Parce que chaque année, les mêmes journalistes répètent exactement la même leçon : « cette année, c’est moins bien que l’année dernière ».
Un an après Alejandro González Iñárritu, c’est au tour de James Gray d’opposer la violence des hommes à celle de la nature, de revenir sur les clichés du bon sauvage et de rappeler l’homme à sa misérable condition d’engrais sur patte. Mais là où The Revenant était aussi beau que violent, The Lost city of Z est touché par la grâce, dernier opéra du cinéaste qui en quittant New York trouve l’apaisement.