La rumeur enfle sur la croisette, elle n’étonne personne : au soir du Palmarès 1977, le jury présidé par Roberto Rossellini a choisi un film italien comme Palme d’or. Ettore Scola peut feindre la surprise, il a entendu les tonnerres d’applaudissements à la fin de la projection, il a lu une critique presque unanime. Réalisateur en vogue, prix de la mise en scène pour Affreux, sales et méchants, il attend la palme. Personne ne semblait se souvenir de l’autre (grand) film italien de la compétition et, à la surprise générale, ce sont les frères Taviani qui remportent la palme pour Padre Padrone. Une journée particulière entre dans la légende des grands oubliés du festival.

Il reste qui ? Ermanno Olmi ? Bertolucci ? Bellocchio bien sûr… Peut-être… Cela ne change rien, tout le monde l’aura compris : avec la mort d’Ettore Scola, c’est bien l’âge d’or du cinéma italien qui s’est définitivement éteint ce mardi. Alors attention, le cinéma italien n’est pas mort, il faut être Français et critique de cinéma pour penser le contraire. Moretti, Tullio Giordanna, Bellocchio, Amelio, Sorrentino : le cinéma italien est bien vivant.
Mais l’âge d’or vient de se terminer.

Le grand talent de Quentin Tarantino, c’est déjà d’être arrivé à faire de chacun de ses films un incontestable événement cinématographique, quand bien même le spectateur sortirait de la projection frustré et plus ou moins déçu, 8 Salopards n’échappant pas à la règle. Il faudrait bien peu fréquenter les salles de cinéma pour bouder ainsi son plaisir devant ce déferlement de références largement assumées par un réalisateur cinéphile. C’est pourtant là un des problèmes : les films de Tarantino ressemblent à ces images où l’on doit retrouver en un minimum de temps le titre d’un maximum de films.

Go West des Pet Shop Boys résonne, sur l’écran des jeunes dansent et fêtent la nouvelle année. Le dernier film de Jia Zhang Ke débute en 1999, il finira en 2025, quand, à travers le destin de trois amis, la Chine aura achevé sa mutation. Durant ce qui est sûrement le plus long prologue de l’histoire du cinéma (45 minutes avant le début du générique), le film s’ouvre sur un triangle amoureux : une femme, deux hommes – l’horreur scénaristique absolue ?

J’aime bien Lelouch.

Je pourrais en faire un plaisir coupable, avec ce petit ton condescendant qui fait les grands critiques de cinéma, mais non : j’aime vraiment bien Claude Lelouch, et je ne me l’explique pas, parce que depuis vingt ans, il accumule les navets. Notez que je n’en attends jamais rien d’exceptionnel, mais invariablement il me déçoit et son dernier film  Un + une est même franchement insupportable.

Peut-on aimer le dernier épisode de La Guerre des étoiles ? Je veux dire, tranquillement, comme on aime un film, sans devoir rendre des comptes aux fans, qui trouveront que J.J Abrams trahit les « chefs d’œuvres » originels de Lucas (je veux dire : ceux de 77, 81 et 85, après, c’est n’importe quoi) ni aux Malraux de Prisunic pour qui aller voir le film le jour de sa sortie avec une certaine excitation correspond à serrer la main au maître américano-impérialiste Disney à Montoire…

J’ai bien aimé le dernier James Bond. Je pourrais m’arrêter là, je vous ferais gagner du temps avec la plus courte critique de Spectre (et même lancer une nouvelle école de critique), mais, d’une part, j’ai un peu de temps devant moi avant la prochaine séance, et d’autre part, si je l’affirme aussi directement, comme on affirme qu’on est alcoolique chez les A.A., c’est parce que j’ai l’impression ces derniers jours d’être le seul à avoir bien aimé le dernier James Bond.

Le cinéphile un peu lucide sait qu’il est souvent la première personne à qui l’on demandera, « Y a quoi à voir au cinoche en ce moment ? » et la dernière que l’on écoutera. Parce que, selon une légende urbaine, il aime l’ennui, le bruit des aiguilles d’une montre, les films où l’on engage la conversation avec un extraterrestre plutôt que de se contenter d’une baston.
Cette rubrique ne dérogera pas à la règle.