Olivier Steiner
Il m’aura fallu attendre 43 ans bientôt 44 pour comprendre, savoir, découvrir ce que veut dire vivre un concert historique, c’était hier soir à l’Olympia Paris, mardi 19 novembre 2019. Il s’appelle Tamino comme le Prince de la Flûte enchantée, Mozart est le compositeur préféré de sa mère anthropologue et passionnée de musique, et son album Amir n’est autre que son deuxième prénom signifiant « prince » en arabe.
La rumeur parlait d’un Sephora à la place du Gibert à Saint-Michel… et le Stonewall de nos images et lettres, la librairie Les Mots à la bouche, qui va fêter ses 40 ans en 2020, risque de perdre son lieu historique, donc son corps et son visage, le 6 rue Sainte-Croix de la Bretonnerie, gentrification oblige.
Au début je voulais parler des photos de Marc-Antoine Bartoli, de son livre-photos Escapade, récemment paru, ça fait un mois environ que je traine ce texte, que je le reprends, le laisse, en change le titre — le premier était « Sous le voile d’une fiction transparente » — ça avait un sens que j’ai oublié —
Meet me by the gates, chantent The Penelopes and Isabelle Adjani. JD Beauvallet et Olivier Steiner les ont entendus. Duo d’articles pour trio d’artistes.
J’enlève la tique dans la critique, je l’extirpe : ne reste plus que le cri, cri qui n’est même pas le mien « propre », qui est le cri, notre cri à tous, de bébé, d’origine ou d’effroi, de terreur, de surprise ou de joie, cri de l’humanité, qu’il soit étouffé de peur bleue ou projeté de rage vers un ciel étoilé, immuable, grand observateur silencieux, qui ne dit rien, qui jamais ne répond…
J’ai rencontré Jonathan alors qu’il était comédien et danseur chez Yves-Noel Genod. Nous nous sommes recroisés dans des théâtres, nous nous sommes mieux connus, puis avec le temps j’ai appris qu’il faisait aussi des choses de ses mains, qu’il cherchait de ce-côté-là.
Roman plastique, installation impermanente, œil en quête d’histoire : tels pourraient être les différents sous-titres qui viennent spontanément à l’esprit de celles et ceux qui viennent d’achever la lecture de Rétine de Théo Casciani, premier grand roman qui paraît ces jours-ci chez POL, et très belle découverte de cette rentrée littéraire.
Il y a un livre que je rêve d’écrire, de faire plutôt, ce serait celui des années 90, le parfum des années 90, ses formes et ses images, ses textures, ses musiques, les couleurs des années 90, son espérance et ses illusions, ses longues nuits, ses journées courtes, sa joie, ses pensées et ses mots, ses visages et ses corps, sa foi en l’avenir, son énergie, sa gaité, ses fantasmes, ses désirs, son ambition et ses morts, sa mort partout propagande, ma jeunesse. Le livre des années 90.
J’aime lire Duras au-delà de Duras. Elle même disait qu’après sa mort il resterait le lecteur, les petits lecteurs, j’en suis un. Mais je ne lis pas Duras en son temps circonscrite, j’ai beaucoup lu Duras, jusqu’au dégoût, puis j’ai arrêté de la lire n’arrivant plus à voir les phrases comme au début, et je l’ai oubliée plusieurs fois, et j’y suis revenu, j’y reviens.
Le vieux monde se meurt, écrivait Antonio Gramsci, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres… nous sommes toujours là, incrédules et un peu hébétés, dans cet entre-deux qu’on appelle le présent. Le climat se dérègle, le modèle économique dominant semble à bout de souffle, les peuples se réveillent, le monde pyramidal des stars inaccessibles s’est écroulé comme un château de cartes, on semble avoir perdu le fil de l’histoire et la verticalité, l’amour et la haine diffusent dans le flux continu des informations, à travers les rhizomes numériques, on s’ajoute on se suit on se like, ce n’est ni bien ni mal, c’est aussi mal que bien, c’est que le monde change, il change tout le temps, chaque jour, chaque soir…
Olivier Steiner en dialogue avec Sapho, alors que l’artiste se produit au New Morning à Paris, le 12 décembre 2018, et chante Barbara.
Je ne vous connais pas bien mais vous aviez a priori toute ma sympathie et mon estime, j’avais beaucoup aimé vos premiers romans (Qumran et L’or et la Cendre), lus à leur parution, de beaux romans de plage intelligents, c’est tout ce que j’avais lu de vous, jusqu’à vos prises de position publiques contre la GPA, je parle de certains entretiens dans la presse et du court essai que vous venez de publier (Bébés à vendre), où vous racontez ce qui se passe notamment avec les mères porteuses du Laos, de Malaisie ou d’Ukraine.