Le livre de Sergio González Rodríguez est une enquête menée au sujet de l’enlèvement et du très probable assassinat de 43 étudiants au Mexique, en 2014, et dont les corps n’ont jamais été retrouvés. Les 43 d’Iguala est aussi un livre politique, un état des lieux politique, en même temps qu’un livre qui obéit à une injonction morale, un devoir qui s’impose et auquel on ne peut se soustraire.
Marie Cosnay
Le livre de Marie Cosnay, Des îles – Îles des Faisans 2020-2022, est habité par l’idée que nous sommes chargés de « ces morts », que ces « morts sont nos morts », que ces morts nous obligent, que « Nous sommes obligés ». Ces morts, ce sont les migrants et migrantes, les réfugié.e.s qui, fuyant un monde de violence, de souffrance, de mort, ne rencontrent pourtant que la mort – mort perpétrée par les politiques européennes, mort ignorée, négligée par l’Europe, voulue par l’Europe.
Le festival Le Murmure du monde poursuit son exploration conjointe du vivant et des voix contemporaines dans une deuxième édition tout aussi séduisante que la première, dans le Val d’Azun, en Hautes-Pyrénées, avec le soutien du master Écopoétique et création d’Aix-Marseille Université et de Diacritik.
Récit politique, enquête, affolement de la narration et de sa possibilité, Des îles, de Marie Cosnay, est également un témoignage fondamental : témoignage pluriel de celles et ceux qui, du fait d’être immigré.e.s, exilé.e.s, « clandestin.e.s », du fait de chercher une vie ailleurs que là où les traités internationaux et les politiques racistes leur assignent une place, subissent un traitement indigne, inhumain ; témoignage de celle qui, écrivant, écoutant, regardant, est emportée dans un mouvement général qui la dépasse : mouvement de mort, mouvement de vie. Rencontre et entretien entre Mathieu Potte-Bonneville et Marie Cosnay.
Avec Des îles, Marie Cosnay réalise une des possibilités de l’écriture littéraire, à savoir produire un contre-discours. Non pas simplement un discours contre mais un discours qui affirme ce que le discours dominant (celui des dominants, en fonction de leurs seuls intérêts, justifiant leur domination) masque et efface. Ce qui ici est masqué, effacé, ce sont les vies des migrant.e.s, vies assassinées chaque jour, sous nos yeux, devant nos portes. Ce qui est ici affirmé, montré et valorisé, ce sont les vies des migrant.e.s, vies tendues vers la vie, la leur comme celle de tous et toutes.
Dans Comètes et perdrix, Marie Cosnay tourne autour d’un fait réel : l’enlèvement, dans les 1950, de deux enfants juifs, Robert et Gérard Finaly, enlèvement auquel l’Église n’est pas étrangère. Le livre développe la forme d’une enquête, ou se développe selon une forme-enquête qui multiplie les approches, les récits, les pistes. Qui n’évite pas les incertitudes, au contraire.
Le livre de Marie Cosnay, If, est construit autour de la mémoire. Mais il s’agit d’une mémoire qui ne se souvient pas : l’objet de la mémoire est hors souvenir car cet objet est inconnu. Comment avoir la mémoire de ce dont on ne se souvient pas, de ce qui n’est pas connu, ou de ce qui, étant connu, échappe pourtant à la mémoire que l’on en a ? Ces questions animent If et donnent lieu non à des réponses mais à une pratique d’écriture dont le but est moins de résoudre les interrogations que de les déplier, de les faire rayonner en lignes qui se recoupent ou divergent, dessinant la carte instable d’une sorte de chaos.
Comment parler d’un si bon livre ?
Ne surtout pas aborder le pourquoi, ici – oui, pourquoi écrire sur un si bon livre ? – alors même que, hasard (comme on dit), je viens de lire (quelle étrange idée) dans les Cahiers de L’Herne consacrés à Foucault l’article de Mathieu Potte-Bonneville lui-même : « L’écriture du compte rendu : un art impur ? ».
Jeune festival qui propose de faire la part belle aux auteurs et à la sérénité, Jardins d’hiver ouvre ses portes aujourd’hui aux Champs Libres à Rennes, seconde édition d’un événement qui entend compter dans le paysage littéraire par sa singularité et son plateau d’écrivains choisis.
Dans Poreuse, de Juliette Mézenc, la géographie ne se sépare pas du psychisme et des corps qui l’habitent – ou plutôt la traversent, y circulent, la hantent.
Notes de Voix n’est pas un livre sur l’écriture ou sur la peinture, même s’il y est question de littérature et de peinture. Ce n’est pas un livre qui explique ou illustre le travail du peintre, de l’élaboration d’une œuvre.
Aquerò, de Marie Cosnay, développe des éléments du conte, de la logique et de l’imaginaire des contes. Le livre est une mise en scène de l’enfance. Des animaux y sont des personnages et, parfois, parlent. Les adultes y sont une menace.
Tout récit est procès, plus encore quand il s’attache à l’Histoire, à la place de la violence et du pouvoir dans l’Histoire : mais que peuvent plus précisément nous dire les procès, en tant que scènes judiciaires, d’un passé récent, le XXe siècle ?