« Montage, mon beau souci », écrivait Godard avant qu’il ne soit Godard. Débutant sur le récit d’un rêve étrange, comme un long travelling, Impossibles adieux donne au montage toute son importance, tant la répétition de motifs récurrents y est prégnante.
Livres
Les livres reçus en cette rentrée commencent à former une pile, certes raisonnable – rien à voir avec les montagnes d’ouvrages débordant de partout dont j’ai été témoin dans certains bureaux de la Maison de la Radio (sans jamais envier leurs destinataires, bien au contraire). Du coup, comme l’essentiel de cette pile ne m’arrive pas par hasard, j’ouvre à chaque fois sans trop tarder ces nouveautés, surtout si quelque indice incite à mener l’enquête (en hommage à Emmanuel Hocquard, ces chroniques auraient pu s’intituler Un privé à Diacritik).
Je reprends : le projet de cette brocante est de déposer dans un certain ordre ce dont on n’a pu parler en temps voulu. Positionner sur une natte – ou un drap, ou à même le sol – divers objets, dans le but d’inciter les flâneurs attentifs à en acquérir un ou deux, c’est d’abord faire de la mise en page éphémère : composer dans l’espace, un rectangle jaune en côtoyant deux autres ivoires, puis un quatrième, couleur terre, avant que d’autres ne s’ajoutent, remettant en jeu, à chaque fois, la donne graphique. Il arrive que l’agencement soit impeccable : n’y touchons plus !
Formulons l’hypothèse de départ : un livre représentatif de l’avant-garde réputée illisible des années 60-70 nous permettrait de parler d’intelligence artificielle autrement.
Avec Georgette, Dea Liane signe un premier roman, aussi singulier que fort, aux éditions de L’Olivier. D’inspiration autobiographique, ce dense et court récit raconte l’enfance et l’adolescence de la jeune femme sur laquelle veille, entre Beyrouth, la Syrie et Châtenay-Malabry une bonne : Georgette.
Comme chaque été, alors que les aoûtiens sont tout à leurs vacances, et que l’ensemble du pays semble encore tourner au ralenti, des centaines d’articles et de reportages fleurissent comme des marronniers sur ce « rendez-vous incontournable » qu’est la rentrée littéraire. Et cette année, la presse est unanime : la rentrée 2023 est « resserrée », « sobre », avec seulement 466 romans au programme, du jamais vu depuis plus de vingt ans.
Si un nom pouvait incarner, de manière contemporaine, la passion pour la pop culture, nul doute que celui Nicolas Tellop s’imposerait avec force. Pour preuve encore, son dernier opus, un essai aussi singulier qu’émouvant, le très beau L’Évangile de l’espace qui vient de paraître au Feu Sacré. Consacré à l’écrivain américain Kurt Vonnegut, ce bref texte plonge dans l’univers si étonnant de l’auteur d’Abattoir 5. De ce coup de foudre littéraire est née la passion de Tellop pour une littérature s’interrogeant sur le rôle qu’elle peut jouer pour le lecteur : peut-on même parler de littérature engagée ? Cela a-t-il un sens ou sommes-nous en face de l’escroquerie la mieux troussée du XXe siècle ? Autant de questions peu apaisées que Diacritik est allé poser à l’auteur le temps d’un grand entretien.
Comme Le Balcon en forêt de Julien Gracq, jadis également publié aux éditions Corti, L’école de la forêt de Carla Demierre met en scène un fragile et précaire repli face aux tourments du monde. Si la menace est présentée comme externe chez Gracq, car de nature historique et guerrière, elle semble au contraire se loger au cœur même de la société chez Carla Demierre – ou du moins de la micro-société au cœur du roman qui, a bien des égards, semble avoir une fonction métonymique.
L’année du singe est l’année du chaos : une forme de désordre envahit le monde – à moins que ce désordre ne soit l’état réel du monde ainsi révélé. Le désordre n’est pas ici la simple absence d’ordre, son opposé, il correspond à un effacement des limites habituelles qui servent à penser et à instaurer un certain ordre que l’on appelle d’ordinaire « réalité ». Le chaos qui traverse le livre de Patti Smith n’est-il pas une réalité plus profonde ? Les nouveaux rapports qui apparaissent entre les vivants et les morts, entre le rêve et la réalité, entre la pensée et le monde, ne sont-ils pas, plutôt qu’une négation de l’ordre du monde, la révélation de son chaos essentiel ?
Cette fin de semaine, du 23 au 25 septembre, aura lieu à Bruxelles la seconde édition de Poetik Bazar, festival de poésie qui proposera un salon d’édition, des lectures, des rencontres avec des auteur.e.s venu.e.s de Belgique, de France et des Pays-Bas, des dédicaces, des ateliers…
Du 22 au 25 septembre, aura lieu à Vincennes la nouvelle édition du Festival America, manifestation littéraire consacrée aux auteur.e.s d’Amérique du Nord (États-Unis, Canada, Québec, mais aussi Mexique, Cuba, Haïti, Jamaïque, etc.). Le salon du livre qui se tient à l’occasion du festival rassemblera une trentaine de maisons d’édition françaises et étrangères. Le festival proposera cette année encore de nombreux rendez-vous, rencontres, débats, lectures, concerts, expositions, masterclass, etc.
Si les discours ambiants vous cassent les oreilles, vous pouvez toujours faire un pas de côté et vous installer un instant dans cet écart pour voir ce qui pousse. Avec Mon plan, Maël Guesdon sonde un espace de ce genre.
Bolaño, aujourd’hui, est à la mode. Quand on aime un auteur, on ne peut que se réjouir et être en même temps agacé de ce genre de phénomène.
Nathalie Quintane est une auteure qui depuis les années 90 habite le paysage littéraire français de manière très singulière. Mêlant textes poétiques, autobiographiques, essais, fragments fictionnels, Nathalie Quintane aborde les genres pour en défaire les présupposés, les lieux communs, les frontières.
Entendons-nous bien, le Dictionnerfs de Mathieu Potte-Bonneville et François Matton n’est pas qu’un dico de plus dans l’univers des lexiques qui font autorité que l’on offrira distraitement à Noël ou à son petit neveu. Car le Dictionnerfs possède un « Mojo », un sex appeal, un pouvoir, que n’ont pas les habituels recueils de définitions, de citations qui finissent leur carrière au mieux sur une étagère de bibliothèque et au pire sous une armoire normande et bancale.