L’art voyage, nous dit Jacques Rancière, il se déplace et franchit des frontières – celles qui le constituent, qu’il traverse et reconfigure pour, en lui-même, devenir. Les voyages de l’art est un livre qui explore et déploie cette logique par laquelle l’art est mouvement avant d’être identité ou essence – son essence étant une forme de nomadisme.

Passionnant : tel est le terme qui vient spontanément à l’esprit après avoir achevé la lecture des Voyages de l’art de Jacques Rancière qui vient de paraître au Seuil dans la collection « La Librairie du XXIe siècle ». Passionnant, parce que Rancière revient, en rassemblant et en articulant six interventions, sur le régime esthétique de l’art qui l’occupe notamment depuis Le Partage du sensible pour l’éclairer cette fois à la lumière de considérations sur l’architecture et la musique. Passionnant, parce que Rancière revient avec une rare force sur la question de la modernité et des ambiguïtés qui y sont attachées. Passionnant, parce qu’il déploie la question du mouvement de l’art en dehors de lui-même en partant de l’art lui-même pour questionner ses frontières toujours en déplacement. Autant de propositions stimulantes sur lesquelles Diacritik ne pouvait manquer d’interroger le philosophe le temps d’un grand entretien.

C’est peu de dire qu’en rassemblant trente ans d’interventions dans le débat public, Jacques Rancière offre avec Les Trente inglorieuses une somme de réflexions absolument indispensables pour comprendre les enjeux politiques dans lesquels nous vivons. Selon le philosophe, depuis une trentaine d’années s’est en effet mise en place une logique politique dans laquelle, loin d’être un outil d’apaisement, le consensus, dont les uns et les autres se réclament, forme une manière de violence étatique sans répit. Faire taire la lutte des classes, reconduire des logiques de domination, clamer une passion de l’inégalité et une haine viscérale de la démocratie, et développer pour une partie de la Gauche qui s’affirme laïque et républicaine un racisme d’en haut : telles sont les questions politiques fondamentales que Rancière analyse au cœur de notre époque. Autant de raisons pour Diacritik de partir à la rencontre du philosophe le temps d’un grand entretien où il est question de la présidentielle, de l’état d’exception et aussi, un peu, de Houellebecq.

Reprise des chroniques en forme de constellation…Tant de choses à lire, puis à commenter s’il nous reste du temps, de ce temps que nous préférons le plus souvent employer à la lecture, car là au moins nous avançons. Même s’il nous arrive d’emprunter de fausses pistes, et d’ainsi nous égarer, le soir nous n’en sommes pas au même point qu’au réveil. Tandis que, quand nous écrivons, ne serait-ce que quelques notes de lecture, nous prenons plus souvent la gomme que le crayon… En ces derniers jours d’un été plus chaud que de coutume (l’automne arrive et il fait 35° en région parisienne), quelques essais de voies – dans l’ordre : bande dessinée, cinéma, poésie.

Aussi remarquable que passionnant : tels sont les deux termes qui viennent immanquablement qualifier le nouvel essai de Jacques Rancière, Le Temps du paysage qui vient de paraître à La Fabrique. A la croisée des 18e et 19e siècles, Le Temps du paysage identifie et cristallise ce moment dans l’histoire au cœur duquel le paysage ne renvoie plus à une simple question d’aménagement mais vient profondément affecter les sens et les critères de la beauté et de l’art. Ce moment de bascule dans la conception de la nature ne manque pas de faire plus largement écho à notre temps en nous posant la question de l’écologie. Autant de raisons pour Diacritik de rencontrer le philosophe et de l’interroger le temps d’un grand entretien sur son essai, sur sa méthode sans oublier l’écologie, la ZAD et le bac blanquer.

Sur une proposition d’Aliocha Imhoff et Kantuta Quirós, aura lieu, le 7 octobre de 19h à 2h, à l’occasion de la Nuit Blanche « Le Procès de la fiction ». Cet évènement prendra la forme d’un procès d’assises, où se jouera le procès de la frontière entre fait et fiction qui se déroulera dans la salle du conseil de Paris, dans l’hôtel de Ville et qui réunira notamment Françoise Lavocat, Laurent de Sutter, Dorian Astor, Camille de Toledo, Eric Chauvier, Maylis de Kerangal, Dominique Viart ou Jacques Rancière encore.

« Pourquoi des poètes en temps de détresse ? » s’interrogeait en 1992 Jacques Rancière en reprenant la célèbre formule d’Hölderlin quand, à l’instar du poète romantique et devant une époque troublée d’hommes et désertée d’idées, le philosophe ouvrait l’action poétique à la tâche alors inouïe : celle de voir le présent qui ne se donne pas, redonner au temps sa puissance à être temps, trouver dans le présent ce qui s’imprésente, et ainsi dire de quelle étoffe se tisse le temps lui-même.

D’après la légende, désireux d’acquérir une connaissance parfaite des poisons et de leurs antidotes, le roi Mithridate VI (132-63 av. J.C.) avait réussi à s’immuniser totalement contre leurs effets en ingérant régulièrement de petites doses tout au long de son existence. A tel point qu’au moment de se donner la mort, il se rendit à l’évidence et à pied à la caserne la plus proche afin de se faire embrocher par un de ses mercenaires pour pouvoir en finir. Moins d’une semaine après l’élection américaine, dressons un parallèle entre l’empoisonnement antique et le populisme contemporain qui a conduit successivement au Brexit et à l’accession de Donald Trump à la présidence des États-Unis.

Au lendemain de cette désastreuse élection, on ne compte plus les indignations ridicules de gens raisonnables, qui reprochent aux électeurs d’avoir mal voté. Ils ont bien plutôt voté pour le mal. Non que le nouveau président des États-Unis soit le mal incarné (ce serait tout de même lui faire trop d’honneur), nous pensons plutôt ici au mal historique, celui dont la nécessité est, selon quelques grands philosophes, le moteur de l’histoire.