Paul Auster est mort hier à l’âge de 77 ans. En hommage à au grand auteur américain, Diacritik republie cet article de Christine Marcandier, à propos de 4321, l’un de ses plus grands livres.

Peut-être Paul Auster, imaginant Ferguson, s’est-il souvenu de Rimbaud : « À chaque être, plusieurs autres vies me semblaient dues », tant ce délire pourrait être le creuset romanesque de 4321 et de son personnage central démultiplié. Ferguson est d’ailleurs moins un personnage qu’une figure, surface de projection comme mise à distance de son auteur, un moteur fictionnel comme une interrogation de ce qui pourrait fonder une identité américaine comme notre rapport au réel.

Paul Auster est mort hier à l’âge de 77 ans. En hommage au grand auteur américain, Diacritik republie cet article de Julia Simon sur son dernier livre, publié en France aux éditions Actes Sud.

Sy Baumgartner est professeur de philosophie à Princeton, veuf depuis une dizaine d’années. Un matin, alors qu’il poursuit l’écriture d’un essai sur les pseudonymes de Kierkegaard, dans son bureau au premier étage de sa maison, il descend chercher un livre oublié la veille dans le salon. S’enclenche alors une série de hasards et coïncidences, motif central de l’œuvre de Paul Auster, comme un étoilement d’effets papillon, qui provoque un puissant effet d’anamnèse. Un double huis clos sert de cadre au récit, la maison de Princeton, le cerveau de Baumgartner, avec échappées mémorielles et réflexions sur le sens d’une vie, de toute vie, quand un deuil frappe et qu’une vie doit (ou non) se reconstruire.

« Tu parles d’un merdier, fit Brady. Bon Dieu d’bon Dieu. Sacré nom de Dieu. Non mais r’garde moi ça. Il a plus ses couilles !
— Je vois ça.
— J’crois bien qu’elles sont dans la main du négro, fit Brady.
— Tu as raison. » Delroy se pencha pour regarder de plus près.
(Percival Everett, Châtiment)

Sy Baumgartner est professeur de philosophie à Princeton, veuf depuis une dizaine d’années. Un matin, alors qu’il poursuit l’écriture d’un essai sur les pseudonymes de Kierkegaard, dans son bureau au premier étage de sa maison, il descend chercher un livre oublié la veille dans le salon. S’enclenche alors une série de hasards et coïncidences, motif central de l’œuvre de Paul Auster, comme un étoilement d’effets papillon, qui provoque un puissant effet d’anamnèse. Un double huis clos sert de cadre au récit, la maison de Princeton, le cerveau de Baumgartner, avec échappées mémorielles et réflexions sur le sens d’une vie, de toute vie, quand un deuil frappe et qu’une vie doit (ou non) se reconstruire.

Au printemps 2021, les Syriens commémoraient les dix ans de la Révolution syrienne, anniversaire marqué par plusieurs parutions en France, dont celle des Lettres à Samira de Yassin al Haj Saleh, et du livre de Justine Augier qui lui est consacré, Par une espèce de miracle. L’exil de Yassin al Haj Saleh. Celui-ci, après avoir fait seize ans de prison sous Hafez pour appartenance au parti communiste syrien, s’était engagé dans le soulèvement de 2011 et avait rejoint la ville de Douma dans la Ghouta insurgée, de même que son épouse Samira Al Khalil, et leur amie avocate Razan Zeitouneh. Toutes deux furent enlevées le 9 décembre 2013 par un groupe salafiste, alors que Yassin al Haj Saleh était parti à Raqqa, où plusieurs de ses frères furent enlevés par Daech. Elles n’ont jamais réapparu, de même que Nazem Hamadi et Waël Hamadé qui avaient été enlevés avec elles. Alors que s’achève cette année commémorative des dix ans de cette « révolution impossible » (Yassin al Haj Saleh), nous avons désiré revenir sur ces faits et faire entendre la voix de cet intellectuel, une des plus lucides et profondes de la diaspora syrienne disséminée aujourd’hui dans le monde.

Existe-t-il des dystopies heureuses ? Est-ce que nos smartphones et nos tablettes rêvent de baisers électroniques ? Peter Chômeur va-t-il pouvoir se faire rembourser un achat qu’il n’a pas fait ? Des questions auxquelles Marc-Uwe Kling répond (ou presque) dans Quality Land, roman d’anticipation (ou presque) qui pointe l’emprise du tout numérique et de la soumission volontaire à l’intelligence artificielle. Toute ressemblance avec un monde en passe d’exister ne serait pas forcément une coïncidence…

Passionnant : tel est le mot qui vient à l’esprit pour qualifier le fort et bel essai que Julien Lefort-Favreau consacre à l’édition indépendante qu’il vient de faire paraître chez Lux sous le titre de Le Luxe de l’indépendance. Dans ses Réflexions sur le monde du livre, Lefort-Favreau réfléchit à ce que signifie être indépendant, de nos jours, dans le monde du livre, à savoir comment s’élabore au quotidien mais aussi dans le long terme une indépendance esthétique, politique et économique. Qu’en est-il de l’engagement de l’éditeur ? Comment se construit le récit de cette indépendance ? Comment trouver un équilibre financier qui tienne compte du désir d’avant-garde ? Autant de questions que Diacritik a désiré poser au professeur de littérature française et d’études culturelles à l’Université Queen’s au Canada.

À l’occasion de la sortie en poche (Actes Sud Babel) de Kanaky. Sur les traces d’Alphonse Dianou, Diacritik republie le grand entretien que Joseph Andras avait accordé à Sarah Lefèvre lors de la sortie du livre en grand format (2018).

L’été arrivant, vous vous laisserez peut-être tenter, si la situation sanitaire le permet, par la visite d’un des nombreux musées consacrés à la Shoah, d’un lieu de mémoire en France ou à l’étranger, ou même par la découverte d’un des camps d’extermination, parmi lesquels Auschwitz-Birkenau est celui qui attire le plus de visiteurs chaque année.

Je vécus ainsi, un mois durant, avec la pensée toujours présente de la mort toute proche. Pour le soir, pour le lendemain à l’aube. Mon sommeil était encore troublé par des cauchemars et des secousses nerveuses qui me réveillaient en sursaut. (Henri Alleg, La Question)

L’historien a beau jeu de nous répéter qu’il est crucial de se souvenir. Cette injonction est structurellement vouée à rester lettre morte. Le récit, toute forme de récit, est désormais à bout de course. Dieu radote, on le sait. À quoi bon se souvenir ? Et se souvenir de quoi, au juste ? D’aucuns préfèrent parler des excès de la mémoire, et des bienfaits de l’oubli.

« Personne ne peut dire d’où vient un livre et encore moins celui qui l’a écrit. Les livres naissent de l’ignorance, et s’ils continuent à vivre après avoir été écrits, ce n’est que dans la mesure où on ne peut les comprendre », soulignait Paul Auster dans Leviathan (1993), via son personnage Aaron.

Peut-être Paul Auster, imaginant Ferguson, s’est-il souvenu de Rimbaud : « À chaque être, plusieurs autres vies me semblaient dues », tant ce délire pourrait être le creuset romanesque de 4321 et de son personnage central démultiplié. Ferguson est d’ailleurs moins un personnage qu’une figure, surface de projection comme mise à distance de son auteur, un moteur fictionnel comme une interrogation de ce qui pourrait fonder une identité américaine comme notre rapport au réel.

« On ne t’a jamais dit que la littérature ne parle jamais de choses gentillettes, même quand ça se passe sur une île ? », écrivait Juli Zeh dans Décompression (2O13) qui se déroulait déjà sur l’île de Lanzarote ; phrase qui apparaît désormais comme le programme de son nouveau roman puisque, dans Nouvel an (2019), Henning passe lui aussi ses vacances de Noël en famille sur cette île des Canaries.