Colza est un nom des champs, mais c’est son nom à la ville — son nom de gouine urbaine, de serial amoureuse « torréfiée de salive ». Échappée à son Gers natal, l’écrivaine de Colza se déshabille de son nom d’héroïne de Giraudoux pour se plonger dans une vie et une fête d’identités qui sont des produits de la ville. Alice Baylac a le génie des formules frappées à la diable comme les médailles de guerres subversives : « Le Gers — cette affaire de famille ».

Devant l’aggravation de la situation climatique, devant la marche forcée de la sixième extinction, devant l’impuissance et la dispersion de l’écologie politique se pose la question pressante d’une « écologie littéraire ».  Débrouiller cette question exige un état des lieux : pendant que le monde brûle, que fait la littérature ? Que font les études littéraires ? Que devient l’écopoétique ? Ces questions sont au centre des revues LHT et Acta qui viennent de paraître sur Fabula.

Ce devait être au départ un épais roman réaliste, une fresque pyrénéenne, l’histoire sociale d’une vallée. Ce qui reste à l’arrivée est un texte incisif et bref, le sprint d’un groupe de témoins qui précipitent le récit vers son dénouement tragique. Ils reconstituent une histoire très simple : l’histoire d’une fillette élevée par un Ours dans une grotte inaccessible où les fées l’ont déposée. Ce n’est pas un conte de fées ou pas un conte de fées comme on l’entend d’habitude.

Un an après le Pandémonium, le master écopoétique et création d’Aix-Marseille Université lance le Zoødiac, un nouveau projet d’écriture en ligne, sur le thème de la sixième extinction. Le poète Pierre Vinclair attend les premiers arrivants à bord de l’embarcation. La philosophe Vinciane Despret le rejoindra en septembre, pour le Festival Extra! (Centre Pompidou) et un atelier sur les Tombeaux de bêtes. Levez vos doubles zoomorphes et venez mêler votre voix au triste requiem sauvage de ce radeau sans retour…

« Nous avons connu nous aussi notre printemps silencieux. Le ciel était sans avions, la mer était sans bateaux. Les centre-villes étaient déserts comme les forêts de France. La peur terrait l’homme chez lui, l’obligeant à vivre la vie qu’il impose aux animaux. Il ne sortait qu’en tremblant, le regard fuyant, pour de brèves courses. Comme les bêtes au fond des bois ou les rats dans les égouts, il apprenait la discrétion. Quelque chose respirait. Les choses reprenaient leur cours. — La Terre dut croire que son cancer entrait en phase de rémission.

Que dit le psaume CXXXVII ? Qu’il existe un lien viscéral entre la terre et le chant ; qu’un lieu qu’on ne peut aimer est un lieu qu’on ne peut chanter, et qu’un lieu qu’on ne peut chanter reste une terre étrangère. Le mal du pays est aphone : « Hélas ! leur dîmes-nous, qui pourrait inciter — Nos cœurs tristes et lourds à chanter la louange — De Dieu, sur cette terre et ce rivage étrange ? » (Clément Marot a chanté Sur les fleuves de Babylone, bien avant les Boney M. et les pattes d’éléphant).

C’est le premier dimanche d’automne. Nous sommes couchés dans une prairie en amont de Montricher. Au fond du tableau, le Mont-Blanc comme une boule de papier froissé et, à nos pieds, au bout des bois, la canopée de béton de la Fondation Michalski. Invités aux journées sur l’Écriture des lieux, nous avons eu le plaisir d’apprendre que Jean Hegland est en résidence à la Fondation.

Nos sociétés se reconnaissent à une « accumulation de spectacles » ; nous vivons dans nos écrans comme des papillons dans l’hypnose des lampes ; et malgré cette inflation de productions imaginaires, malgré cette boulimie d’images et de fictions, « notre part de création personnelle est devenue moindre que celle d’une blanchisseuse du XIXe siècle » (Leroi-Gourhan, 1965).

Rencontre avec James C. Scott dans le Quartier Latin, le 28 mai 2019. Dans le grand entretien qu’il nous a accordé, il revient sur Homo domesticus. Histoire profonde des premiers États, paru en janvier dernier aux éditions de La Découverte mais aussi sur sa pensée de l’anarchisme, évoquant aussi bien l’architecture que les Gilets jaunes, la Mésopotamie que Dickens ou Balzac.