Zoødiac : Wild Requiem

Zoødiac © Jean-Christophe Cavallin

Un an après le Pandémonium, le master écopoétique et création d’Aix-Marseille Université lance le Zoødiac, un nouveau projet d’écriture en ligne, sur le thème de la sixième extinction. Le poète Pierre Vinclair attend les premiers arrivants à bord de l’embarcation. La philosophe Vinciane Despret le rejoindra en septembre, pour le Festival Extra! (Centre Pompidou) et un atelier sur les Tombeaux de bêtes. Levez vos doubles zoomorphes et venez mêler votre voix au triste requiem sauvage de ce radeau sans retour…

« On ne pleure pas les plantes. C’est l’opinion de Bachofen, qui nomme le végétal die unbeweinte Schöpfung (la création dont la mort n’est pas pleurée) et l’oppose à l’homme qui pleure ses morts. Dans son savant parallèle, le philologue oublie les bêtes. Pleure-t-on l’animal qui meurt comme on pleure une personne ou le laisse-t-on s’effacer dans l’anonymat d’une espèce qui, toujours recommencée, rend toute bête équivalente ? Le problème est simplifié par la douleur insupportable de la sixième extinction. Quand la dernière jument Quagga meurt au Zoo d’Amsterdam, quand le chat d’un gardien de phare mange le dernier roitelet de Lyall, ni la zèbre de l’Artis ni le minuscule oiseau n’est plus une bête entre autres, anonymée dans la série de sa constante reproduction. Il n’a plus aucun parent à qui passer le flambeau.

Alors comment porter le deuil du Grizzli de Californie, de la Gulelle de Mayotte, de la souris de Candango ? Ces classes qui disparaissent, quelle fiction peut-elle nous apprendre à les pleurer comme des gens ? L’urgence de la question nous invite à imaginer les tout derniers jours vécus par le dernier spécimen d’une espèce en voie d’extinction. Son agonie solitaire offre la vivante image de l’espèce changée en personne.

À la fois arche de Noé et canot de sauvetage, le ZOØDIAC voudrait embarquer les journaux imaginaires de ces derniers spécimens, afin que leurs morts orphelines chantent le requiem sauvage de la sixième extinction. Ce chant du cygne des espèces pourra prendre de multiples formes : journal, bouteille à la mer, lettre d’adieu, testament, et caetera. Le vivant s’éteint sans couronnes. Contre cet effacement, on aimerait pouvoir lire le journal des dernières heure de l’Ibis de la Réunion, la bouteille à la mer du dernier thylacine, la lettre d’adieu du Cougar, le testament du Dodo ;  recueillir les derniers mots de ces bêtes laissées pour compte qui sont à leur famille morte ce que Ishi, Aruká, William Lanne ou Truganini furent au peuple décimé qu’ils ont emporté dans la tombe.

Pour commencer notre voyage, nous avons demandé à Fabienne Raphoz de monter à bord avec Pierre Vinclair. Elle lira la dernière lettre de la fauvette à tête noire (Sylvia atricapilla) pendant qu’on quitte le port. »

Zoødiac © Jean-Christophe Cavallin