La lecture de Confinements en œuvres de Manu Larcenet devrait être remboursée par la Sécu. Et tant pis pour le trou dans le budget, 16 € pour 120 pages de bonheur graphique et de franche marrade, ça nous fait l’évasion à 13 centimes la page, ce qui ramené au prix du test PCR est tout de même très avantageux.
Joie. Allégresse. Félicité. Tout ça à la fois. C’est beau. C’est bon. C’est drôle. Ça sort le 13 novembre. C’est donc indispensable car signé Manu Larcenet aux éditions Les Rêveurs. Confinements en oeuvres est la nouvelle pépite de l’auteur de Blast, de Peu de gens savent, de Microcosmes, de Thérapie de groupe et de tant d’autres chefs-d’œuvre que l’on ne sait plus comment être dithyrambique à force de ne plus être objectif.

Manu Larcenet est grand et l’art est son jardin. Sa nouvelle création est une ode punk aux grands maîtres de la peinture, revisitant, détournant les classiques, impressionnistes, expressionnistes, dadaïstes, surréalistes… Dans « Le Lit » de Toulouse Lautrec, en train de taper le carton avec « Les joueurs de carte » de Cézanne, confiné chez Mondrian, Manu Larcenet se met en scène, squatte les œuvres comme on s’incruste dans un cocktail branchouille. En mode défonce au gré de son inspiration débridée, l’avatar barbu en salopette bleue transgresse, pique, traverse l’histoire de l’art pour mieux exorciser l’impensable : le 17 mars dernier, le gouvernement a décidé de claquemurer la population française pour contrer l’expansion du Coronavirus dans l’hexagone. Dans ce contexte sanitaire un tantinet anxiogène, Manu et son double se sont empressés de s’inviter chez Warhol, Rembrandt, Poussin, Pollock pour mieux s’évader.

J’ai commencé par aller me confiner chez mon saint patron Vincent Van Gogh. J’ai peut-être été un peu loin en l’attendant mais je m’ennuyais à mort. en partant, je lui ai laissé un mot sur la porte : « Salut, Vincent. Je repasse demain pour tout nettoyer », et j’ai signé « Gauguin ».

Un moyen sûrement pour le dessinateur d’aller puiser à la source pour échapper sans trop de dommages à l’expérience traumatisante de l’enfermement. Un pied de nez peut-être aux adeptes de la romantisation du monde qui se sont répandus dans les magazines dans des pastilles indécentes pour se donner bonne conscience d’être isolés dans leur résidence balnéaire.
Ponctué de commentaires hilarants, la passion de l’auteur pour l’art le disputant à l’onirique et au primesautier, Confinements en œuvres est un anti-journal de réclusion, un vade mecum artistique qui nous renvoie aux belles heures du détournement d’images de Michel Hazanavicius et Dominique Mézerette (La Classe américaine) ou des brèves de L’Édition (Le Journal de L’Émission de Les Nuls). Les textes lapidaires et savoureux de Larcenet sont autant de saillies sur l’absurdité de l’époque : de l’annonce de « l’interdiction de déplacement sur le territoire » à celle du déconfinement, Manu fait un rêve, celui de s’enfermer dans les œuvres plutôt que dans une réalité morne qui à l’aune d’une seconde claustration préfère clore les librairies plutôt que de s’ouvrir à l’imaginaire et sur le monde.
Puis, finalement, c’est en arrivant chez Brueghel que le déconfinement a été annoncé. Soudain, il y avait de nouveau plein d’abrutis dans les rues.

Manu Larcenet, Confinements en œuvres, 120 p. couleur, éditions Les Rêveurs, Sortie le 13 novembre 2020, 16 €, en commande sur le site de l’éditeur