« Microcosme », une folie graphique signée Larcenet (1Book1Day)

© Manu Larcenet

Après Blast et avant Le Rapport de Brodeck, Manu Larcenet a eu l’idée un peu folle de faire parler des taches. Non, non, vous ne rêvez pas, des taches : des bavures, des salissures, des saletés, des tavelures…

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© Manu Larcenet

Si l’on en croit la genèse haute en couleur en ouverture de ce magnifique petit format à l’italienne de 160 pages édité par Les Rêveurs, l’auteur de Blast et du Combat Ordinaire s’est remis à sa table de travail et il semble que la tâche (sans jeu de mot) n’a pas été facile (encore que…) avec ces enfants qui font rien qu’à déranger les artistes. Grâce à (ou à cause de) cette progéniture bruyante, Larcenet aurait eu l’idée d’écrire et dessiner Microcosme, délire minimaliste (et régressif) relevé à la sauce acide. Larcenet manie l’absurde et la dérision qui tutoie le génie comique faisant de ce recueil de strips — mettant en scène des taches qui parlent, qui parlent et reparlent encore — un exercice de style hilarant pétri d’humour vache.

Evoluant dans un no man’s land bariolé et barré, les taches de Larcenet parlent de tout : de la mort, des maladies, de la dépression, de sexe, de la fin du monde, du chômage, des collègues de bureau, de tueurs en série, de l’adultère et des taches de souches qui tolèrent mal les taches étrangères (et si ce sont des taches de couleur, je ne vous dis même pas)… Bref, que des sujets qui suscitent invariablement la rigolade en temps normal. Cultivant le running-gag comme personne, Manu Larcenet donne vie et corps à ses « personnages » mouchetés qui répondent invariablement aux noms de Brigitte et Jean-Jacques et dissertent sur tout et n’importe quoi.

© Manu Larcenet
© Manu Larcenet

Succession de saynètes, de « sketches » (pour oser le jeu de mot sur la polysémie du terme en anglais), Microcosme enchaîne les blagues bien senties (mais jamais vulgaires) et les vrais morceaux de bravoure qui invitent à la réflexion. Ça dézingue alors ferme quand il s’agit de renvoyer les racistes à leurs contradictions et leur opposer le ridicule et l’anachronisme de leur mode de pensée (voire de vie) ; ça explose carrément quand débarquent le tueur en série, le père de famille (qui sont parfois une seule et même personne) ou reviennent la femme adultère et l’annonciateur de la fin du monde. Avec Jean-Yves Ferri en invité conclusif hilarant, Manu Larcenet rit et se rit de tout avec bonheur. Microcosme est un album irrésistible (pour adultes consentants), caustique et politiquement incorrect. Donc nécessaire.

© Manu Larcenet

Microcosme, de Manu Larcenet, couverture et intérieur couleur, 160 pages, éditions Les Rêveurs, 15 €

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