C’est une histoire de sangs, celui des « animaux morts » que découpait le grand-père boucher, le sang des filiations et celui des transmissions, le mauvais sang, pour citer Carax, d’une génération dont les rêves ont été fracassés par le sida. Anthony Passeron ne sait pas grand-chose de cette histoire, sinon le silence qui étouffe les douleurs et les hontes. Dans sa famille on ne parle pas de cet oncle mort quelques années après la naissance de l’auteur, ce « fils préféré » qui a pourtant refusé d’être boucher dans l’arrière-pays niçois comme tous les aînés avant lui et a préféré partir — Amsterdam, les paradis artificiels, la mort, jeune, bien trop jeune. Alors Anthony Passeron enquête, il rassemble des souvenirs et matériaux familiaux et des archives, il refuse le culte du secret qui a enterré une seconde fois tous ces Enfants endormis. Il raconte, entrelaçant l’histoire intime et l’histoire collective, dans un premier roman sidérant.

Les 10, 11 et 12 juin 2021, Aides, association de lutte contre le VIH et les hépatites virales mobilise, en partenariat avec Diacritik, 70 artistes et personnalités à l’occasion d’un événement culturel et digital d’ampleur : #fetelamour. Sur trois jours découvrez autant de créations originales qui, comme Diacritik, placent la culture en leur centre, et font de la culture l’arène politique même où les enjeux liés au VIH sont interrogés, sondés, où les amours sont fêtées, où cinéma et littérature ont plus que jamais quelque chose à nous montrer, où la musique a quelque chose à nous faire entendre que les discours n’épuisent pas.

Retour sur l’œuvre de Cyril Collard à l’occasion ce soir de la nomination de l’épatant Harrison Arévalo à la 31e cérémonie des Molières dans la catégorie révélation masculine pour son interprétation de l’auteur des Nuits Fauves dans Les Idoles, la fulgurante pièce de Christophe Honoré, lui-même nommé dans deux catégories : meilleur auteur francophone et comme meilleur spectacle public.

La gentrification des esprits est le deuxième livre de Sarah Schulman à être traduit en quelques mois en français. Dans cet essai, elle analyse les rapports entre la gentrification urbaine et l’homogénéisation des pensées, des cultures, du tissu social. Rencontre et entretien avec la romancière, essayiste et dramaturge américaine.

« Look up ! ». L’injonction de cet ange descendant des cieux, cassant le plafond de Prior alité malade du sida, est certainement un des souvenirs les plus prégnants de celleux qui ont vu la magnifique adaptation d’Angels in America en minisérie en 2003. La pièce de Tony Kushner (Angels in America : A Gay Fantasia on National Themes) a en revanche rarement l’occasion d’être montée au théâtre. Si elle relève d’enjeux de représentations sur le sida au cœur de l’intrigue et de son identité profonde, elle aborde également d’innombrables autres sujets (racisme, coming out, couple, environnement, inégalités, religion, etc.) qui s’entremêlent pour former une fresque tragique d’une Amérique en prise avec ses démons.
Depuis le 15 novembre et jusqu’au 10 décembre 2017, Aurélie Van Den Daele revisite la pièce avec une mise en scène résolument contemporaine et une compagnie de comédien.ne.s remarquables au Théâtre de l’aquarium. Entretien.

Ultime roman de Rafael Chirbes, Paris-Austerlitz auquel le grand écrivain espagnol travaillait depuis vingt ans, achevé peu de temps avant sa mort brutale en août 2015, vient de paraître chez Rivages dans une traduction de Denis Laroutis.
Dans La Stratégie du Boomerang (Alma, 2011), Chirbes écrivait que « la littérature, comme les amants, se venge de ceux qui ne prennent pas le risque d’aller jusqu’aux limites. la demi-écriture est un mensonge que l’enquêteur détecte ». Ce pourrait être l’art poétique d’une œuvre qui s’est toujours confrontée aux limites et de ce roman d’amour et de mort, centré sur l’absent, l’homme aimé, « l’un de ces malades » que l’on traitait « avec un mélange de dégoût, de cruauté et de mépris ».

Ils et elles s’appellent Sean, Nathan, Sophie, Thibault, Max, Germain, Eva, Luc, Hélène, Marco, Jérémie, Marcus. Une liste qui pourrait être celle de morts. Ils pourraient l’être si, avec d’autres, ils ne s’engageaient pas à Act Up pour lutter contre l’épidémie du sida qui tue les pédés, les gouines, les toxicos, les prostitué.e.s, dans l’indifférence des pouvoirs publics et d’une très grande partie du reste de la population. Dans la mise en scène de leurs histoires, Robin Campillo s’entoure d’acteurs et actrices brillants qui servent un film d’une épaisseur dramaturgique et formelle bouleversante. Une tâche ardue accompagnée d’une certaine responsabilité dont le résultat suscite et nourrit beaucoup de fantasmes, de l’imaginaire, des colères, des déceptions, des récupérations, du transfert, de l’émotion.

« L’impensable vient de se produire. Des personnes qui étaient encore tenues hier pour mortes sont revenues. Ces personnes ont les mêmes droits que chacun d’entre nous… bref, le droit de reprendre le cours de sa vie » annonçait, tremblant, l’un des personnages des Revenants, premier film de Robin Campillo qui mettait en scène des femmes et des hommes morts depuis longtemps parfois mais revenant, avec force, peu à peu dans leur quotidien pour reprendre une vie qui leur avait été ôtée. Nul doute que ces quelques mots qui tentaient d’expliquer le retour de ces morts qui, loin d’être des zombies, n’avaient jamais aussi semblé vivants pourraient venir escorter et prendre le pouls du nouveau film de Robin Campillo qui sort sur les écrans : 120 battements par minute, grand et flamboyant film de revenants, d’hommes et de femmes qui, de chair et d’os, littéralement, reprennent vie et reprennent le cours de leur vie brutalement interrompue au contact de la pellicule.