Deux grands livres de la rentrée littéraire ont déjà été couronnés : Jean-Baptiste Del Amo a reçu le prix du roman FNAC pour Le Fils de l’homme (Gallimard) et Jean-Claude le Prix littéraire Le Monde pour Jacqueline Jacqueline (Seuil, « La Librairie du XXIe siècle »). D’autres prix ont annoncé leurs premières listes. Retrouvez-les ici, par ordre chronologique de publication des listes, avec liens vers les articles et entretiens publiés dans Diacritik. Cet article est périodiquement mis à jour.

L’Histoire commence un lundi comme les autres, alors que Berlin « remue derrière son écran de brouillard ». Mais ce lundi 20 février 1933 « ne fut pas une date comme les autres » : au bord de la Spree, « vingt-quatre costumes trois pièces » se réunissent secrètement dans un salon feutré du Reichstag. Ils sont le « nirvana de l’industrie et de la finance » qui va lever des fonds pour le parti national socialiste, premier rouage d’une mécanique inexorable dont nous connaissons les conséquences.
Eric Vuillard dans son « récit », puisque tel est le genre revendiqué du livre, revient sur cette date et d’autres tout aussi insignifiantes en apparence, tombées dans l’oubli, pour nommer ceux qui firent l’Histoire et « saisir le fond d’éternité » de ces moments qui, dans leur apparente banalité, sont les actes fondateurs d’un système. Les raconter c’est les remettre à L’Ordre du jour, puisque « la littérature permet tout, dit-on ».

« Printemps 1981, dans une cité d’un « quartier” de Toulouse, un rebeu atypique qui s’idéalise en poète de la racaille escalade une montagne nommée “baccalauréat” : du jamais-vu chez les Sarrasins. Sur la ligne incertaine et dangereuse d’une insaisissable identité, le parolier-chanteur de Zebda raconte une adolescence entre chausse-trapes et crocs-en-jambe, dans une autofiction pleine d’énergie et de gravité, d’amertume ou de colère, de jubilation et d’autodérision. » Cette présentation par Actes Sud de sa rentrée littéraire, lors de l’été 2016, mettait l’intérêt en éveil, malgré son côté racoleur. La personnalité connue de Magyd Cherfi n’était pas pour rien également dans l’envie de lire ce témoignage.

L’histoire se répète, comme un disque rayé, à chaque rentrée littéraire : un livre fait sensation, séduit la critique, les libraires et les lecteurs. Cette année, c’est Gaël Faye et son Petit Pays, prix Fnac (remis par Jonathan Franzen) puis prix Cultura, présent sur les premières listes de tous les grands prix d’automne, ou presque, toujours en lice pour quelques-uns d’entre eux dont le Goncourt, articles dans toute la presse, sujet au JT de TF1, droits étrangers vendus à une vingtaine de pays avant même la parution en France, la littérature devenant phénomène…

La semaine des prix littéraires a été lancée hier avec le Grand Prix de l’Académie française et ses deux lauréats, Hédi Kaddour pour Les Prépondérants et Boualem Sansal pour 2084. Un prix en miroir comme deux rives de la Méditerranée primées — et jusque là, comment ne pas être d’accord ? — mais aussi le recto et le verso du livre : d’un côté, l’ampleur, la fluidité, un sens inné et merveilleux (au sens étymologique) du détail qui fait sens, de l’autre des métaphores pâteuses, un didactisme tout aussi étouffant et, disons-le, un très mauvais roman : en somme le meilleur (Kaddour) comme le pire.