Bien sûr, le dernier roman de Joshua Cohen, couronné par le prix Pulitzer 2022 et qui vient de paraître en poche chez J’ai Lu, ravira les amateurs de caméo avec l’apparition tonitruante de Benjamin Nétanyahou dans sa dernière partie. Mais il ne faudrait pas réduire livre à un patronyme devenu dynastie. Mieux vaut accorder une grande attention à son sous-titre : Les Nétanyahou, « ou le récit d’un épisode somme toute mineur, voire carrément négligeable, dans l’histoire d’une famille très célèbre » qui souligne sa dimension de fable ironique et d’histoire morale. Joshua Cohen signe avec Les Nétanyahou un immense et irrésistible roman des conflits sous l’apparence inoffensive d’un campus novel et d’une satire du monde académique.

« Le camion est sorti de la ville et continue sa route à travers la campagne. Si on lève les yeux, on ne voit plus que des nuages qui s’empilent l’un sur l’autre en formant de grands panaches, comme la fumée d’une guerre qui n’en finit pas. Ce ciel est angoissant, il remplit le cœur d’une peur et d’une noirceur incompréhensibles.

Love Me Tender, deuxième livre de Constance Debré après le remarqué Play Boy en 2018, pourrait sembler relever de la forme canonique du Bildungsroman, apprentissage de soi comme des barrières que les normes sociales, familiales et morales élèvent face à nos espoirs de conquêtes, aussi bien intimes que professionnelles. De fait ce récit relève d’un canevas que l’auteure forge en composant son œuvre, texte après texte, et que l’on pourrait nommer le roman d’émancipation.

L’enquête menée par Jean-Baptiste Malet sur « l’histoire méconnue d’une marchandise universelle », parue en 2017 chez Fayard, vient de paraître en poche chez J’ai Lu. L’occasion pour un large public de comprendre ce qui se cache derrière les appétissantes boîtes de sauces et autres ketchups de nos placards, en quoi la tomate est le concentré de nos systèmes économiques et sa couleur rouge celle du sang de centaines de milliers de travailleurs exploités, voire esclavagisés, de par le monde.

Sélection de sorties de la semaine : Diacritik les a aimés en grand format, les voici en version poche.
Au générique, Christopher Bollen et Manhattan People (Points) ; Don Carpenter et Un dernier verre au bar son nom (10/18) ; Qui je suis de Charlotte Rampling et Christophe Bataille (J’ai Lu) et Le Principe de Jérôme Ferrari (Babel).

Les éditions Liana Levi ont publié en France les deux premiers romans de Silvia Avallone. Alors que publié Marina Bellezza sort en poche chez J’ai Lu (D’acier y est déjà disponible), retour sur une œuvre qui saisit une histoire collective à travers des destins individuels, pour mieux dire l’Italie dans ses contradictions et ses mutations. 

Sur le chemin d’une taverne, Breq trouve une personne à demi-morte gisant dans la neige. Breq la reconnaît : c’est un ancien militaire qu’il a connu il y a longtemps, Seivarden. Le narrateur décide de le recueillir pour le sauver d’une mort certaine, bien que s’encombrer d’une telle personne risque de l’entraver dans sa quête. Breq nʼest en effet pas sur cette planète par hasard : il est sur la piste d’une personne qui peut lui procurer un objet rare, précieux, et surtout extrêmement dangereux.
C’est ainsi que commence La Justice de lʼancillaire, premier tome d’une trilogie de science-fiction, paru en 2013 et couronné en 2014 de la plupart des prix du genre dans le monde anglo-saxon. Par Samuel Minne

En 1848, dans le piquant De l’obésité en littérature, Théophile Gautier se posait une question de taille : « L’homme de génie doit-il être gras ou maigre ? » Orgies, repas pantagruéliques, voire grands dictionnaires de la cuisine – comme ceux d’Alexandre Dumas – ont toujours fait bon ménage. Mais qu’en est-il des personnages romanesques ? Le plus souvent, ils sont minces voire filiformes.

« Le pire, c’est l’hiver », écrivait Marcel Theroux de ces terres Au Nord du monde (2009), quand on laisse derrière soi « les restes de la prétendue civilisation » ; quand, comme l’énonce Cormac McCarthy dans La Route (2007), adviennent « les nuits obscures au-delà de l’obscur et les jours plus gris que celui d’avant. Comme l’assaut d’on ne sait quel glaucome froid assombrissant le monde sous sa taie ». C’est cet espace qu’explore à son tour William Giraldi, une terre glacée où « résonnait l’écho obscur de l’esprit du froid », en lisière de toute civilisation, là où se trouve une vérité enfouie, dérangeante, de l’humanité. Un grand Nord dans lequel vacillent repères et certitudes, ouvrant à l’inconnu, à l’infini de la fable.

Écrivain américain vivante, née Mélissa Ann Brite à La Nouvelle Orléans en 1967. 12 romans, 6 recueils de nouvelles, 2 essais et une flopée de nouvelles.
Si vous ne voulez pas fâcher Poppy, appelez-le Billy Martin et parlez de lui au masculin car la papesse en noir est désormais un gros monsieur qui a pris sa retraite. Homme gay dans un corps de femme, écrivain torturé au style gothiquement décadent, Poppy Z Brite est l’une des plumes dark les plus importantes de la littérature underground contemporaine. Que ceux qui pensent aux gothiques de South Park aillent pourrir en enfer, nous enfants de la nuit pleurerons leur ignorance par des larmes de sang en écoutant Bauhaus.