Retour vers le futur : Anthony Mangeon se livre à une archéologie de la science-fiction consacrée aux futurs de l’Afrique. Dans son dernier ouvrage, L’Afrique au futur. Le renversement des mondes, il part d’un constat : le futur de l’Afrique est à la mode. L’afrofuturisme règne au cinéma et dans les galeries d’art, le succès de Black Panther n’étant qu’un exemple parmi une myriade d’autres productions. En sciences humaines, même tendance : on ne compte plus les ouvrages prophétisant l’avenir africain, que ce soit pour annoncer des miracles économiques ou au contraire des calamités sociopolitiques. Derrière cet engouement, Anthony Mangeon montre que l’on retrouve en réalité des schémas narratifs, des motifs, des archétypes qui ont une histoire.

« Montaigne et beaucoup d’autres après lui (les classiques) peuvent dire d’un texte : « C’est très beau, mais ça aurait été encore plus beau, ou fort, si… » Par exemple : « Virgile, c’est très bien, mais il aurait été meilleur si, comme Lucrèce… » Cela est caractéristique d’une pensée rhétorique. Il faut apprécier le scandale, dissimulé ici par l’autorité de Montaigne. Car il y a scandale, avec ces nuances, ces éloges à moitié : tout à fait impensables pour nous. […] Imagine-t-on un « Mallarmé, c’est très beau, mais parfois trop obscur » ? ou « Proust, c’est très fort, mais parfois un peu long » ? »

Il y a quelque temps Pierre Vinclair avait franchi, pas à pas, la longue terre désolée d’un fameux poème de T. S. Eliot (Terre Inculte. Penser dans l’illisible, 2018). Le voilà qui reprend son sac de sherpa pour gravir un autre Everest : John Ashbery et son Autoportrait dans un miroir convexe, très long poème écrit par le poète états-unien Ashbery (1927-2017) en écho, en mémoire, en miroir de la toile éponyme du peintre italien Le Parmesan (1503-1540).

Pluie de livres, tous intéressants, et même, pour certains, passionnants. Je ne crois guère qu’un “papier” (merveilleux que l’on puisse encore utiliser ce mot pour nos élucubrations sur Internet) puisse être autre chose qu’une sorte de montage de feuilles arrachées à un carnet de bord collées sur papyrus, roulé avant d’être introduit dans une bouteille jetée à la mer. C’est uniquement par jeu qu’on continue : jouer, non à convaincre – puisque “convaincre est stérile [ou (var.) : infécond]” comme l’a écrit Walter Benjamin –, même si l’on espère contaminer d’hypothétiques lecteurs et lectrices de passage, mais à créer ce que j’entends par “constellations”, ces cristallisations, en partie aléatoires, en partie construites suivant des lignes de tension, d’objets épars – étoiles plus ou moins lumineuses qui se détachent de la grisaille – que l’on observe, allongé au cœur du Terrain vague, oubliant de compter le temps qui passe.

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Lanterne magique de Jérôme Prieur, sous-titré Avant le cinéma (Fario, collection “Théodore Balmoral”), est la réédition, revue et corrigée par son auteur, de Séance de lanterne magique paru en 1985 chez Gallimard dans la collection “Le chemin”. Ce livre, j’étais passé à côté au moment de sa parution, comme cela arrive – et bien plus souvent qu’on ne l’imagine – avec certains livres dont on ne se rend compte que longtemps après qu’ils nous étaient destinés.

C’est à un voyage sur la planète Fiction que nous invite Françoise Lavocat dans son dernier livre : là vivent (et parfois disparaissent) et rêvent aussi les personnages de la littérature, des films, chansons, séries et jeux vidéo qui peuplent nos imaginaires, ils se croisent, discutent, s’aiment ou se déchirent. Cette « planète lointaine, appartenant à un autre système solaire », a ses continents et ses villes, son système politique et sa chronologie propre, son Chiméramètre et ses jurys ontologiques… Départ pour le pays de fiction, avec la démiurge de ce monde prométhéen, Françoise Lavocat qui a accordé un grand entretien à Diacritik.

En 2016 nous quittait Michel Butor, l’une des figures littéraires parmi les plus inventives et remarquables du 20e siècle. C’est à la redécouverte et au prolongement de cette œuvre à la fois plastique et prolixe que nous convient les très beaux Cahiers Butor dont la première livraison, sous la houlette de Mireille Calle-Gruber notamment, vient de paraître chez Hermann.