« Il me semble inutile de ne conserver que la trace des aspects satisfaisants de mon existence », écrit Susan Sontag dans son journal, le 1er septembre 1948 (elle a quinze ans), comme une invitation à l’écriture d’une biographie totale et non complaisante de celle qu’elle s’apprêtait à devenir, une icône des lettres américaines. C’est désormais chose faite — et de quelle manière ! — avec le livre que lui consacre Benjamin Moser, récipiendaire du Prix Pulitzer pour son Sontag, publié en France aux éditions Bourgois, dans une traduction de Cécile Roche. Un monument pour un monument, l’équation relevait pourtant du défi impossible.
éditions Bourgois
« La littérature pour moi est vivante et au cœur de la vie. Je ne suis pas d’un côté, citoyenne et de l’autre poétesse, écrivaine. Ma poésie est souffle de ce que je vis, mes textes portent mes convictions, mes élans, mes peurs, mes joies, mes espoirs et ma vision de la vie et du monde. Si je suis comme la plupart d’entre nous ébranlée par la pandémie, je suis surtout bouleversée par ce qu’elle confirme ici comme ailleurs : les inégalités sociales, le pouvoir des finances sur le bien-être des êtres humains ». (Evelyne Trouillot, Entretien, juin 2020)
De roman en roman, Evelyne Trouillot ne cesse de créer des situations narratives au plus près de la diversité d’Haïti, interpellant notre commune humanité. Les Jumelles de la rue Nicolas protagonistes de son huitième roman ne sont pas près de quitter notre esprit.
Décidément, cette rentrée d’hiver livre une formidable moisson de premiers romans dont le remarquable Sans chichi d’Elsa Escaffre qui vient de paraître chez Bourgois. Dans un chant funèbre à son grand-père garde-champêtre, la travailleuse du texte telle qu’elle se présente tisse un récit étonnant et profondément neuf où, à l’aïeul disparu, répondent les funérailles nationales de Jacques Chirac. Œuvre de montage, de démontage, de vernissage et de décrochage, Sans chichi s’offre comme une véritable performance où poétique et plastique tressent un chant unique où la mélancolie ne cesse de guetter, venant, plus largement, confirmer combien Bourgois, sous la houlette alors de Clément Ribes, participe du profond renouvèlement de notre contemporain. Autant de raisons d’aller à la rencontre de la jeune romancière le temps d’un grand entretien.
Au croisement de la fable animalière, du conte philosophique et du roman excentrique (dès son titre directement inspiré du Tristram Shandy de Sterne), Vie et opinions de Maf le chien narre les aventures d’un bichon blanc, né dans le Sussex, élevé par la mère de Natalie Wood et offert par Frank Sinatra à Marilyn Monroe, pour la consoler de sa rupture avec Arthur Miller.
Le titre du sixième roman de Hari Kunzru, Red Pill, est sans doute emprunté à une scène de Matrix et au choix que Morpheus laisse à Neo : « Choisis la pilule bleue et tout s’arrête, après tu pourras faire de beaux rêves et penser ce que tu veux. Choisis la pilule rouge : tu restes au Pays des Merveilles et on descend avec le lapin blanc au fond du gouffre ». Le narrateur de Red Pill, en résidence d’écriture à Berlin a manifestement fait le choix de la pilule rouge. Il va découvrir un univers de la transparence et de la surveillance généralisée érigé en un système politique qui prend tout dans ses rets : le quotidien des artistes en résidence, l’Histoire comme la série Blue Lives, que le narrateur bingewatche au lieu d’écrire.
Les histoires d’amour finissent mal, en général. Les Rita nous ont prévenus. Rien de plus banal qu’un couple qui se défait et Isaac Rosa part de ce constat, qui est aussi un défi littéraire, pour composer son roman Heureuse fin, récit à rebours d’un couple de la rupture à la rencontre, inversion de la chronique d’une fin non seulement annoncée mais initiale.
Hanif Kureishi est un analyste des corps et des forces qui les meuvent, en particulier désir et libido, jusque dans leur part la plus primaire et bestiale.
Cette série de Marc-Antoine Serra publiée dans Diacritik est composée de cinq photographies et d’une vidéo. Elle a été réalisée d’après Walter Benjamin, Sur le Haschich (éditions Christian Bourgois), à Marseille, sur les lieux qui sont ceux qu’évoque Walter Benjamin.
Jim Harrison, géant des lettres américaines, est mort hier, on vient de l’apprendre. Une crise cardiaque a eu raison du « Gargantua yankee », chez lui, en Arizona. Big Jim laisse derrière lui des romans, des nouvelles et des recueils de poésie. Il était très lu en France, ce qui plaisait à ce grand amoureux de notre pays, de ses tables et de ses vignobles, comme des Péchés capitaux, son dernier livre (Flammarion, 2015).