Dès le début du livre, les repères sont brouillés : « il est quinze heures du matin ». Quelle est cette heure qui n’existe pas ? Quelle est cette voix qui la dit ? Qu’il soit quinze heures du matin signale un désordre de la pensée mais aussi du monde : s’il est quinze heures du matin, c’est qu’un désordre du monde a lieu, que son ordre habituel s’est écroulé. Ce désordre, ce monde écroulé, ont pour nom : Alep. L’écriture de cette voix est celle qui écrit depuis ce désordre.
Claude Favre
Voici un titre qui évoque à la fois la chaleur réconfortante du café et la fêlure, la cassure, la blessure : Thermos fêlé. Qu’est-ce qu’un thermos quand il est fêlé, quelle utilité a-t-il ? Il ne sert plus à rien. Sinon à montrer une certaine perfection factice avant de révéler la fragilité en son cœur.
Dans Sur l’échelle danser, Claude Favre tisse un lien entre un certain rapport au monde, à soi, et l’écriture. Ce texte poétique affirme un ethos singulier, une éthique, autant qu’il apparaît comme une sorte d’éthologie – ces dimensions étant réunies dans le verbe qui ouvre le livre : « Écouter ».
Un texte inédit de Claude Favre.
« Par la folie qui l’interrompt, une œuvre ouvre un vide, un temps de silence, une question sans réponse, elle provoque un déchirement sans réconciliation où le monde est bien contraint de s’interroger », écrivait Michel Foucault dans Histoire de la folie.
Il s’agit de mouvements : crever, percer, déplacer, déplacements. Les mouvements sont subis ou agis, collectifs ou singuliers – le singulier et le collectif, ici, ne se distinguant pas vraiment. Il s’agit d’action et de passion, d’affects et de politique, et de soi comme des autres. Il s’agit d’un mouvement général : effacer les frontières, les percer, les déplacer, les déborder.
Dans la série de nos inédits littéraires, Diacritik a le plaisir de publier un beau texte de Claude Favre, poétique, politique, vivant.
dansé au-delà de la nuit
discuté vrillé
qu’aucune chance pour le parti fasciste
il y a de l’histoire
ça veut dire des morts dans les plus atroces souffrances
Elle a une façon d’écrire, Claude Favre, une façon bien à elle et rien qu’à elle, Claude Favre, sa façon de nous envoyer des phrases comme des lassos qui nous amènent vers elle, tout contre sa bouche, pour nous faire entendre le monde comme elle l’entend elle, c’est-à-dire absurde, c’est-à-dire violent, c’est-à-dire désopilant, et désespérant ; nous faire entendre les bruits insupportables dans sa tête trouée par le marteau-piqueur d’une langue usuelle qui réinterprète le monde et le rend incompréhensible.