Avec Le Scribe, Célia Houdart livre sans doute son plus beau roman, le plus magnétique, le plus sensible et le plus sensuel. A travers l’histoire d’un jeune chercheur en mathématiques, Chandra, venu d’Inde en France, la romancière déploie un puissant roman d’apprentissage entre Paris et Calcutta, où les destins ne cessent de se croiser, au gré de la Seine ou du Gange. L’occasion pour Diacritik d’aller à la rencontre de la romancière qui, par ce récit qui porte les vibrantes marques des inquiétudes politiques et écologiques, confirme combien elle est l’une des écritures contemporaines parmi les plus remarquables.
Ma première question voudrait porter sur la genèse de votre superbe et magnétique nouveau roman, Le Scribe qui vient de paraître. Quelle en est l’origine ? Comment est née en vous ce récit du jeune Chandra, étudiant en mathématiques venu d’Inde, qui s’installe à Paris et qui, progressivement, découvre « The river Seine comme il avait d’abord appris à la nommer en anglais » ? Est-ce à la faveur d’un voyage en Inde ou d’une scène, peut-être cinématographique en particulier, qu’est apparu votre désir de faire un récit croisé entre la France et l’Inde, Paris et Calcutta ?
J’ai en effet été très marquée par un séjour en Inde, il y a deux ans. Cette rencontre avec cette autre culture – le hindi en particulier – m’a beaucoup touchée. L’artisanat, l’implication de la main (dans la rue, sur les routes, le long des voies de chemin de fer, tout le monde ou presque, répare, bricole tout), dans un monde par ailleurs si moderne, si connecté, sont des réalités étonnantes à voir. L’omniprésence, y compris dans les villes, des animaux – vaches, singes, chiens errants … – , leur place aux côtés des hommes et des femmes, dans la vie et l’imaginaire collectif. La violence aussi à l’endroit des femmes, leur aspiration à s’émanciper par les études. L’ultranationalisme. La guerre de l’eau. De nombreuses questions ont trouvé écho en moi. Je ne connaissais l’Inde qu’à travers le cinéma : les films de Satyajit Ray, Le Fleuve de Jean Renoir, et des productions indiennes plus récentes The Lunchbox de Ritesh Batra. Des lectures aussi : les romans et essais d’Arundhati Roy. L’odeur de l’Inde de P.P. Pasolini, des entretiens de Nicolas Bouvier pour la Radio Suisse Romande. Et puis curieusement, l’Inde a réveillé en moi des souvenirs plus intimes, qui avaient trait à mon enfance parisienne. Les bords de Seine. Le paysage de mes premières rêveries. Mon premier horizon et point de fuite. Sans doute ai-je dû m’éloigner, partir loin, pour m’autoriser à aborder des terres familières, aujourd’hui si touristiques (de vrais chromos) que je ne savais plus comment inviter dans une fiction.
Evoquons à présent, si vous le voulez bien, votre protagoniste, Chandra et son parcours dans l’ensemble du Scribe. A l’instar de Bilal dans votre remarquable deuxième roman, Le Patron ou encore Gil dans le roman qui porte son prénom, Chandra est un jeune homme, un protagoniste qui paraît en formation – qui, au contact répété du monde, semble l’éprouver dans un apprentissage où, arrivé à Paris, le réel ne lui est plus si familier que cela. En quoi est-il important pour vous de poser toujours vos personnages dans un milieu dans lequel ils se voient comme dépaysés d’emblée ? Diriez-vous que le mouvement narratif va de pair pour vous avec un apprentissage du réel pour vos personnages qui sont toujours les porte-regards d’une inquiétude et les patients explorateurs plus vaste du monde ?
Il est vrai que mes personnages sont souvent des êtres inquiets : Igor, Gil, Bilal… Et plutôt jeunes, à l’exception de Gréco dans Tout un monde lointain. Comme lectrice, j’aime les romans dits d’apprentissage. Les commencements, les surgissements en général. Avec des personnages en devenir, capables de grandes pauses contemplatives. À vrai dire, il n’y a pas d’âge pour advenir à soi. Se métamorphoser. S’étonner. L’arrivée de Chandra à Paris m’a permis de voir autrement, comme pour la première fois, un paysage familier. Et j’avais envie qu’un jeune chercheur soit le héros de ce roman. Un être qui voue déjà une partie de sa vie à l’expérimentation, la recherche. C’est ma façon de valoriser un domaine qui me semble aujourd’hui méconnu, délaissé, jusqu’à ce qu’on ait vraiment besoin des chercheurs, qu’on les appelle à notre secours, comme dans la crise sanitaire que nous connaissons. Étudiante j’ai toujours admiré mes camarades scientifiques. La communauté qui les entourait, l’émulation que cela créait. Je continue de trouver cela très beau, très inspirant.
Dès le titre de votre roman, le scribe – dit « scribe accroupi » – s’impose comme la figure clef qui innerve et éclaire l’ensemble du roman. Si elle fait clairement et explicitement référence à la statue égyptienne exposée au Louvre « salle 22 », elle renvoie aussi bien à Chandra et, plus largement, à la manière dont il appréhende l’écriture, le geste d’écrire, la mémoire même de l’écriture. Car, même s’il est mathématicien, Chandra est avant tout le personnage de l’écriture, une écriture qui se veut pérenne, qui insiste incessamment sur sa matérialité, de celle qui s’inscrit notamment dans la pierre, sur les parapets, en bord de Seine.
Pourquoi avez-vous choisi de mettre en exergue la figure même du scribe ? S’agissait-il ainsi pour vous de souligner combien l’écriture doit s’inscrire dans la matière même du monde, faire corps avec le monde et être un outil permettant d’en apaiser son inquiétude ?
Le scribe du Louvre me tient compagnie depuis longtemps. Je l’ai dessiné enfant. Il figurait parmi d’autres vignettes dans un fascicule broché rouge – une petite encyclopédie – que nous avions à l’école. Je me rappelle avoir découpé et collé son image dans mon cahier. Avant même de m’intéresser à l’origine de l’écriture, ce personnage à taille d’enfant me fascinait. Il écoute autant qu’il écrit. Il est ouvert sur le monde. Comme pour en prendre la mesure. Revoir « le scribe accroupi » de Louvre a ravivé mon désir d’inviter le geste d’écrire dans un roman. La figure d’un homme assis en tailleur qui écrit et lève la tête. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis sensible à cette posture. Cette façon de se tenir dans le monde, à même le sol, mais très en éveil. Une posture encore très commune en Asie et en Orient. J’ai appris récemment que le cinéaste japonais Ozu était surnommé « le scribe du tatami » car il plaçait sa caméra en position très basse, à la hauteur d’un homme ou d’une femme assis sur un tatami. J’aime l’idée d’une caméra en position basse. Un cran au-dessous de la hauteur romanesque standard. Je rêvais par ailleurs d’un personnage qui écrive mais qui ne soit pas écrivain. Historiquement, le scribe est le comptable et grand administrateur du royaume. Il sait aussi lire les textes sacrés et le ciel. Il connaît la position de la lune et du soleil. À ce titre, il occupe une place incomparable, l’une les plus nobles qui soit dans la société égyptienne antique. Et à sa mort on l’enterre à côté de pharaon. C’est le scribe de l’antiquité qui m’a conduit à me pencher sur l’histoire de l’écriture mathématique. À m’intéresser à d’anciens traités indiens du Vème siècle rédigés en vers, à comment s’écrit une preuve aujourd’hui dans cette discipline. Au code. Dans l’histoire de l’écriture, les chiffres ont précédé les lettres. Et plus antérieurement, au paléolithique, on le sait, tout a commencé par des dessins et des gravures rupestres. J’ai beaucoup lu les études d’un préhistorien italien, Emmanuel Anati, à ce sujet. Comme ces choses me passionnent, c’est presque naturellement qu’ont alors resurgi dans mon atelier imaginaire, d’autres écritures, moins anciennes mais non moins énigmatiques. Pêle-mêle : les graffitis parisiens, la devanagari (l’écriture hindi), des nonsense poems, une carte hydraulique du Bengale, la numérotation des rues à Paris, le journal crypté de Nicolas Rétif de La Bretonne, qui était gravé dans la pierre.

On vient de le dire : l’image du parapet est omniprésente dans Le Scribe. En accompagnant votre roman, vous ne manquez pas de citer le vers de Rimbaud du « Bateau Ivre », celui du regret de « l’Europe aux anciens parapets ». On peut également lire à propos des parapets dans le cours du récit : « Dans l’île, plusieurs parapets sont recouverts de ces écritures. On peut parfois les sentir en passant simplement la main dessus, comme du braille. » Qu’évoque ainsi pour vous le parapet ? S’agissait-il pour vous d’en faire en quelque sorte le lieu du livre du monde ?
J’ai contemplé ces parapets dans mon enfance depuis l’appartement de mes grands-parents. Je les scrutais de près aussi, car j’y trouvais de petites mousses, des plantes, des coquillages incrustés. Ils ont servi de support à mes premières rêveries, j’y ai projeté des histoires. Juste derrière coulait la Seine. Plus loin, il y avait à nouveau des quais, puis d’autres parapets. Cette alternance de bandes, de plans, si l’on peut dire, dont l’un, le fleuve, était en mouvement, était très singulière. Un paysage de pierre et d’eau qui constituait un studio d’enregistrement multipliste à ciel ouvert. J’ai mesuré, après coup, la force pour moi de cet endroit. Son pouvoir encore agissant. Je désirais qu’un jour un roman accueille et prolonge, par les moyens de la fiction, ce paysage, tout en ayant l’intuition qu’il fallait le mettre en relation avec d’autres horizons. Ainsi dans Le Scribe, la Seine communique-t-elle avec le fleuve Hoogly et le marais de Calcutta. J’ai trouvé riche ce grand écart géographique et mental. Aussi parce que le Paris que j’aime depuis toujours est cosmopolite. C’est « l’Europe aux anciens parapets » oui, mais multiculturelle, métisse.
A l’instar de tous vos romans, Le Scribe est un grand récit sensualiste, un récit du sensible qui éprouve la matière dans son expression la plus infinitésimale. Comme une écriture des tangibilia, votre roman offre la saisie du monde depuis ses atomes les plus légers, la nature la plus douce, ce qui, ordinairement, n’effleure pas la vue. A l’image de cette femme qui prend un homme en photo au Jardin des Plantes, diriez-vous que votre écriture est celle qui cherche à se fondre dans la nature, qui essaie d’être la plus attentive aux plus infimes battements du vivant ? Parleriez-vous d’une écriture physique ?
L’écriture procède du corps. J’essaie d’ouvrir mes romans à la logique des sensations. L’assaut des choses et des sens. Le toucher. Le contact. Cela oblige à changer souvent d’échelle et de focale. S’intéresser au détail. Il est difficile d’embrasser des mondes trop vastes. Avec l’Inde de toute façon c’était impossible. Alors je m’intéresse à des affleurements locaux et des dissolutions ponctuelles. Ces phénomènes – que j’invente mais qui à la fin existent vraiment pour moi, et pas seulement mentalement – peuvent se produire à des milliers de kilomètres de distance. J’aime les faire exister, coexister. Comme des motifs dans une tapisserie abstraite. La disparition dans un buisson est traitée comme une séquence de film muet. Ou un trucage à la Cocteau. C’est la figure du passe-muraille appliquée au monde végétal. Certains motifs (entrer dans l’eau, découper un fruit, les gouttes de sang, se tenir en tailleur), effectivement liés au corps et aux sensations, me permettent de relier des personnages parfois très distants entre eux. De tisser des fils narratifs d’un continent à l’autre. Créer des vibrations, des battements et des échos qui, combinés, donnent, je l’espère, son rythme au roman.
Un des points les plus remarquables de votre roman est sans doute l’intime résonance qu’il entretient avec l’œuvre de Marguerite Duras et, Calcutta oblige, avec ce que les durassiens ont pu désigner comme le cycle indien. De fait, dès l’épigraphe, Duras se donne dans un épigraphe tiré d’India Song qui rappelle que « Pendant la mousson l’humidité est telle que les pianos se désaccordent en une nuit. » Est-ce qu’au-delà de cette référence à India Song Duras a plus largement exercé une influence sur votre écriture ? Et si oui, en quoi la romancière de Détruire dit-elle suscite-t-elle en particulier votre attention ?
J’ai lu et aimé le cycle indien de M. Duras. Mais ne peux pas dire, comme le vice-consul, que « Je suis venu(e) aux Indes à cause (seulement) d’India Song » (!) J’avais en tête, en commençant ce projet, il est vrai, la voix off du film de Duras. Mais, dans ce cycle indien, ce qui me fascine c’est la diversité des œuvres qu’une même matrice textuelle a engendrée : deux films (India Song et Son nom de Venise dans Calcutta désert), une fiction radiophonique, une chanson. Reprendre et déplacer. Disjoindre un son d’une image. Raconter avec les mêmes choses autre chose. C’est une démarche dont je me sens proche. Mais ce à quoi j’ai le plus pensé pendant l’écriture du roman, c’est ce que Duras dit de l’exotisme, dont elle se méfie terriblement. « Les voyages sont souvent de faux voyages », dit Duras. D’ailleurs dans India Song, le film, le grand panoramique au-dessus du delta du Gange a été tourné au bois de Boulogne et l’Hôtel des Îles que traverse Delphine Seyrig est à Versailles. La citation d’India Song en épigraphe est avant tout une manière pour moi de placer Le Scribe sous le signe du trouble : ce qui s’accorde et se désaccorde, les eaux troubles. Tout en invitant un climat (la mousson) et une musique (une chanson, un piano qui se désaccorde). C’est une façon pour moi de relier Chandra à Gil aussi, le pianiste-chanteur. Pour le dire autrement, j’ai posé les mots de Duras sur mon piano, comme sur un piano « préparé » (J. Cage), aux côtés d’autres mots et réminiscences, mais pour y jouer ma musique à moi. Inévitablement cela sonne un peu durassien parfois. Cela me plaît. On ne compose jamais complètement seul(e).
S’agissant des influences qui se tissent dans Le Scribe, on ne peut manquer de songer, délaissant la stricte littérature, à l’univers onirique du cinéaste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, notamment à son univers fantastique, celui qu’il déploie dans Tropical Malady ou encore Oncle Boonmee. On a souvent le sentiment qu’entre les existences de Chandra et Manoj, des flottements, comme une métempsychose, s’opèrent d’un corps l’autre, d’une ville l’autre. Un glissement d’un monde à l’autre, comme pour Oncle Boonmee, à l’instar de « Cette plante, avec ces petites gouttes d’eau qui étincelaient, transporta, par une sorte de magie étrange, Chandra à Calcutta. » Avez-vous ainsi été influencée par le cinéma d’Apichatpong Weerasethakul ? Plus largement, diriez-vous que Le Scribe procède « par une sorte de magie étrange » dominée notamment par les visions nocturnes de Manoj ?
J’ai vu et aimé les deux films d’Apichatpong Weerasethakul que vous citez. Mais je n’y ai pas pensé en écrivant le Scribe. Mais peut-être cet univers hypnotique et peuplé d’esprits m’a-t-il secrètement inspirée, je ne sais pas. J’avais en tête d’autres films, à vrai dire : L’Inde fantôme de Louis Malle. Et les films de Satyajit Ray : La Trilogie d’Apu et La Déesse. Ils m’ont tellement émue. Dans La Déesse qui se passe dans le Bengale du XIXe siècle, on se demande si Doyamorjee, une jeune fille, est la réincarnation de la déesse Kali. Ce prénom par exemple est dans Le Scribe celui d’un personnage dans l’équipe de l’usine de retraitement des eaux. Quelque chose du personnage du film de Satyajit Ray est passé dans mon texte. De toute façon, l’idée même de la réincarnation, la transmigration des âmes, est un chose consubstantielle à l’écriture romanesque. Chaque personnage selon moi est la réincarnation de quelque chose ou quelqu’un. Un sentiment, un paysage, un animal. L’inverse est tout aussi valable. Un lieu peut-être hanté par un être. L’esprit d’un petit singe ou d’un crapaud.
Au regard de vos autres romans, Le Scribe propose une rupture, notamment dans sa préhension de la nature et, plus particulièrement, des éléments. Depuis Les Merveilles du monde, en effet, l’eau, notamment le lac Léman, se présente toujours comme le refuge ultime des personnages, le moment d’apaisement où ils viennent faire corps avec le monde, viennent pénétrer, par leur nage, la matière elle-même. Dans Le Scribe, pour la première fois, l’eau n’est plus le refuge. Elle n’est plus le corps sacré et intouché du livre. Elle est souillée, « vague noire » empoisonnée et donc source d’angoisses vives, notamment pour le personnage de Manoj. On ne s’y baigne plus comme auparavant.
Ma question ici sera double : s’agissait-il, tout d’abord, ici pour vous de travailler la question de l’eau, de la baignade d’un autre point de vue qui avait été le vôtre jusqu’à présent ? Enfin, cette eau souillée ne peut manquer de soulever une question de préservation de la planète : s’agissait-il pour vous d’interroger un enjeu écologique, vous dont l’écriture est si attentive au murmure trop souvent tu de la matière du monde ?
Oui bien sûr. L’eau polluée à l’arsenic est une façon d’inviter une réelle inquiétude écologique tout en donnant un parfum de polar au roman. Chez Sherlock Holmes ou Agatha Christie, on trouve souvent de l’arsenic dans l’estomac des victimes. C’est aussi un métal lourd qui se dépose de plus en plus sur les algues ou le riz. L’arsenic intoxique et tue autant qu’il conserve. On l’utilise en taxidermie. Cela m’intéressait, cette ambivalence. Le sang du singe qui reste intact. C’est une histoire de dosage, de mesure, de taux. D’inversion des propriétés. Une histoire de mathématiques.
Enfin, en prolongement de l’écologie que nous venons d’évoquer, ma dernière question voudrait porter sur la question politique. Si elle a pu être présente depuis le début de votre œuvre, la question politique s’affirme avec une vigueur certaine depuis Villa Crimée. Et ici, comme en écho aux questions d’actualité qui, par leur violence, ne manquent d’interpeller chacun, la politique vient faire une incursion, à la manière d’une prise de conscience, dans la vie de Chandra, prise de conscience d’autant plus violente qu’elle paraît inattendue : ce sont des tirs de LBD. C’est aussi une interrogation, au cœur du roman, sur le statut du migrant et, plus généralement, de l’accueil fait aux étrangers. C’est enfin une allusion aux colonies. En quoi était-il important pour vous d’évoquer notamment les tirs de LBD ? Souhaitiez-vous faire du personnage de Chandra un personnage de l’éveil politique ? Diriez-vous qu’il s’agit d’une manière d’engagement ?
C’est tout ce que vous dites à la fois : les violences perpétrées contre les corps, et à l’égard de la planète. Comment ne pas éprouver dans son propre être de telles atteintes ? Tout cela me touche et m’atteint moi et traverse du même coup mes personnages, mon écriture. Cela fait trembler ma main. C’est plus une vibration partagée qu’un engagement. À vrai dire, je ne sais pas si ce roman est engagé dans autre chose que l’écriture. Mais il a été écrit sur fond de passages à tabac réservés aux êtres les moins armés : lycéen.n.es., migrant.e.s., féministes … celles et ceux qui avancent à mains nues. Alors forcément, ces heurts, coups et blessures apparaissent, resurgissent au cœur du récit, comme des incidents. De soudaines irruptions. Des brûlures. Des atteintes corporelles qui affectent le récit. Qui n’est pas si doux, si pacifié qu’il n’y paraît.
Célia Houdart, Le Scribe, éditions P.O.L, mars 2020, 208 p., 18 € — Lire un extrait. 12 € 99 en format numérique.
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