Il s’agirait d’une sorte de journal qui ne serait pas un journal. D’une sorte d’autobiographie dans laquelle le mouvement réflexif n’atteindrait jamais le centre où est supposé se trouver ou se constituer le Je – mouvement qui repartirait toujours vers d’autres directions, comme spiralaire, sans fin. Il s’agirait de l’Histoire mais prise dans les spirales d’un temps décloisonné. Il s’agirait d’un Je rhizomatique, arborescent, pluriel. Il s’agit d’un livre d’Hélène Cixous, c’est-à-dire d’un météore étrange, errant.
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Incendire. Le livre d’Hélène Cixous effectue ce que le titre annonce, il incendie-incendit le réel, la littérature, il propage un brasier verbal qui élève la langue au rang de phénix, de création immunisée contre son devenir cendres.
À Vincennes, rien de nouveau sous le Soleil. Il fait froid et un brasero brûle devant la Cartoucherie, pour réchauffer les corps de ceux qui viennent toujours chercher là de quoi éclairer leur esprit, illuminer leur âme et réconforter leur cœur au contact de cette vieille utopie qui persiste à les accueillir. Comme toujours, on vous explique que les meilleures places ne sont pas attribuées au plus offrant mais que chacun peut choisir à son arrivée de coller sur son billet l’étiquette rouge qui lui assure l’assise, la couverture et le spectacle.
Le titre de ce livre d’Hélène Cixous est imprononçable et incompréhensible : Mdeilmm. Il y a bien là des lettres, il y a ce qui semble être un mot, quelque chose qui paraît lié au langage. Pourtant, on ne saisit aucun sens, on n’aperçoit aucun objet qui serait le référent de ce « mot ». Ce titre dit l’échappement du langage, l’asignifiance, la mise en flottement du sens non hors du langage mais dans le langage lui-même, par le langage.
Mantra, schibboleth, mot-animal, mot-d’-aucune-langue, mot-de-toutes-les-langues-de-fantômes, Mdeilmm m’a d’emblée paru familier. Voilà un titre, tout cixousien, qui nous souhaite bienvenue, qui, sous son septuor de lettres — cinq consonnes et deux voyelles à l’hémistiche du vocable — nous lance son sous-titre, Parole de taupe. Quand la taupe se lève, aussitôt on pense à Kafka, à Shakespeare, à l’animal fouisseur qui creuse ses terriers dans la chair du temps.
Dans le territoire de la Littérature, arpenté à travers les siècles et les continents, rares sont les grands pourvoyeurs de rêves, rares sont les écrivains qui taillent leur écriture dans l’étoffe des songes.
Chez Hélène Cixous, l’écriture est d’abord une expérience de la langue et de soi, des autres et du monde.
Dès les premières pages, il y a du Melville, il y a du Kafka. Il y a du Shakespeare, il y a du Derrida. Il y a du Nietzsche, un peu, il y a du Rilke, à peine. Je pense qu’il y a aussi quelque chose de Genet, mais un soupçon, sur le mode de la présabsence spectrale.